Chapitre II - Les limites et perspectives d'actions
Malgré leur bonne volonté, les associations tout
comme l'Etat sont confrontées à des limites sur les plans
fonctionnel, financier et organisationnel (Section I). Celles-ci entravent
l'apport des associations au développement du pays. Fort heureusement,
des solutions en terme de perspectives existent et sont à même de
réduire ou annihiler ces limites (Section II).
Section I - Les limites
Les limites liées à la contribution des
associations au développement socio économique du Burkina Faso
sont importantes et réelles. Elles rendent les associations
vulnérables et leurs ressources humaines sont peu qualifiées et
incapables d'insuffler un dynamisme certain à leurs associations.
Paragraphe I : Les limites propres aux
associations
Celles-ci sont nombreuses et difficiles à
répertorier tant elles sont aussi importantes les unes que les autres.
Néanmoins, nous avons retenu le mauvais fonctionnement de certaines
associations, l'analphabétisme et le faible niveau de formation des
membres, la faible capacité d'autofinancement, l'absence ou le manque
d'outils de planification et le manque de coordination entre associations.
A. Le mauvais fonctionnement de certaines
associations
Les dysfonctionnements sont dus au non respect des clauses des
textes régissant l'association. Elles peuvent entraîner le
monopole de l'association par un groupuscule de dirigeants peu scrupuleux et la
tenue irrégulière des instances statuaires.
Les conséquences qui en découlent sont à
la longue, le manque de confiance entre membres, la crise d'appartenance au
groupe, le risque d'exclusions, des manipulations puériles et autres
dérives sectaires. Par conséquent, il y règnera
inéluctablement, un déficit de participation à la vie
associative. De ce fait, ces associations vivent en léthargie puisque
leur capacité de mobilisation s'étiole et s'émousse. Les
activités de l'association risquent d'être bloquées.
B. L'analphabétisme et le faible niveau de
formation des membres
L'analphabétisme et le bas niveau de formation des
membres et de certains leaders des associations limitent le système de
communication et de gestion du groupe. Compte tenu de cette inefficacité
technique, il y aurait un manque d'appui interne en ressources humaines
qualifiées. Le taux d'encadrement à l'interne, la capitalisation
et les échanges d'expériences entre pairs sont fortement
réduits.
Ces membres ont peu de compétences requises en
matière d'analyse des problématiques de développement.
Cette situation peut être source de tensions et contribuer à
décrédibiliser même l'association auprès des
partenaires. Souvent, le souci de professionnalisation des acteurs fait
défaut si bien que les associations balbutient, se grippent et risquent
finalement de disparaître.
C. La faible capacité d'autofinancement
Compte tenu du fait que les associations sont à but non
lucratif, leur capacité d'autofinancement est généralement
faible. Les cotisations des membres sont presque inexistantes et n'arrivent pas
à supporter les charges de l'association.
Elles font recours à l'aide publique, aux banques, aux
projets d'aides extérieurs, aux ONG ..., avec tous les risques possibles
(demandes d'aides non reconduites ou rupture de déblocage de fonds pour
des raisons diverses). Cette dépendance étroite de
l'extérieur pour le financement des activités a pour corollaires
l'abandon ou la mise en veilleuse de certains projets des associations faute de
financement.
D. L'absence ou le manque d'outils de planification
Peu d'associations au Burkina Faso disposent d'outils de
gestion fonctionnels. Ces outils sont entre autres le programme
d'activités, le tableau de bord de gestion, le cadre logique, le
schéma directeur, etc. Les associations en partie se contentent de
monter des micro - projets de façon ponctuelle pour la recherche d'un
hypothétique financement. Elles naviguent presque à vue.
Beaucoup d'associations de notre pays n'ont pas une gestion
prospective de leurs activités. Il n'y a aucun souci de
sécurité et de prudence dans leur gestion. Il ne peut y avoir
aucune évaluation sérieuse de l'atteinte des objectifs. La
compétitivité, la performance et la compétence sont peu
connues au sein de ces associations.
E. Le manque de coordination entre les associations
La pléthore d'associations est source de
difficultés de concertations entre elles. Leur émiettement ne
favorise pas efficacement leur contribution au développement du Burkina
Faso. Cet éparpillement crée généralement des
rivalités malsaines entre elles. Pour des raisons égoïstes
et personnelles, les associations préfèrent cavaler seules au
lieu de collaborer avec des associations soeurs. Généralement,
chaque association vit en autarcie et ne songe pas à harmoniser son
programme d'activités avec celui des autres associations.
Cette situation entraîne un gaspillage inutile
d'énergies et de ressources sur le terrain. Elle entrave en
conséquence, l'élaboration d'un lien de
complémentarité entre les associations elles - mêmes et
entre les associations les institutions administratives et politiques.
Paragraphe II - Les limites inhérentes
à l'Etat
L'Etat burkinabé a toujours déployé
d'innombrables efforts pour l'émergence d'un monde associatif fort et
dynamique. Malheureusement, il ressort de notre analyse que des limites
entravent cette volonté politique. Il s'agit d'abord de l'absence ou du
manque de suivi des associations, ensuite de la non implication de toutes les
associations aux actions de développement et enfin des contraintes
institutionnelles.
A. L'absence ou le manque de suivi des associations
En matière de suivi et d'évaluation des
associations, la loi n'a prévu aucun mécanisme particulier
à la charge de l'Etat. Même si elles ne sont pas une
émanation de l'Etat, les associations sont néanmoins astreintes
à la tenue des registres, aux conditions liées aux associations
reconnues d'utilité publique (ARUP) et aux accords
d'établissement.
Dans la pratique, l'Etat n'a aucune
« emprise » sur la gestion des associations. L'Etat ne peut
donc pas s'assurer de la transparence dans la gestion des associations. En
aucun moment, il ne peut s'assurer d'ailleurs du respect des textes et lois
régissant ses rapports avec les associations. Le devenir de toutes les
associations créées n'est donc pas bien maîtrisé par
l'Etat.
B. La non implication de toutes les associations aux
actions de développement
Beaucoup d'associations déclarées se plaignent
d'être exclues des prises de décisions concernant
l'amélioration des conditions de vie des populations soit par omission,
soit pour des raisons inavouées et non avérées.
Il n'existe pas un répertoire fiable de gestion des
associations au Burkina Faso. Pour des accointances personnelles ou politiques,
des associations sont ignorées et exclues des prises de décisions
au niveau local. Cette injustice se ressent sur le terrain car il y a souvent
une crise de confiance latente entre certaines associations et les structures
étatiques. Dans ces conditions, il est difficile d'élaborer de
bonnes politiques de développement. L'Etat semble douter de l'auto -
détermination réelle et de l'auto - gestion du monde
associatif.
C. Les contraintes institutionnelles
L'insuffisance ou le manque de concertations entre services
publics d'une part, puis entre services publics et services privés
d'autre part, ne favorise pas une synergie dans les interventions. Il est
difficile d'avoir sur le terrain une harmonisation entre les politiques
publiques de développement et les activités des associations.
Sur le terrain, des acteurs méconnaissent les actions
des autres acteurs. Ils passent le temps à se contredire puisqu'il
n'existe pas une gestion concertée des projets et programmes de
développement.
Section II - Les perspectives
d'actions
Afin de juguler les difficultés ci-dessus
évoquées, des solutions existent naturellement. C'est à ce
prix que les efforts de tous les acteurs porteront les fruits escomptés.
Les associations (paragraphe I) tout comme l'Etat (paragraphe II) sont
interpellées à beaucoup plus de responsabilisation.
Paragraphe I : Au niveau des associations
Les perspectives d'actions que nous proposons au niveau des
associations sont le choix judicieux des membres des instances dirigeantes, le
renforcement des capacités managériales des membres,
l'augmentation des capacités de collecte de fonds et la multiplication
des cadres de concertations entre les associations.
A. Le choix judicieux des membres des instances
dirigeantes
Il faut mettre tout simplement l'homme qu'il faut à la
place qu'il faut. Cela favorise une homogénéité aussi bien
dans la structuration que dans le fonctionnement de l'association. De tels
dirigeants élus seront plus motivés et engagés pour la
cause de l'association. Les textes de l'association seront mieux
respectés et la participation à la vie associative se
renforcerait davantage. Ces dirigeants cultiveront en eux l'obligation de
rendre compte et seront plus réceptifs aux attentes du groupe et
à ceux des populations.
B. Le renforcement des capacités
managériales des membres
C'est par la formation initiale et continue des membres des
associations que l'on peut obtenir de meilleurs résultats d'eux. La
formation permet de renforcer l'implication effective des associations dans la
formulation et le suivi - évaluation des politiques et stratégies
de développement. La formation apporte de la valeur ajoutée
à l'action menée par une association. Elle permet de
maîtriser les mécanismes du développement. Elle participe
à la valorisation du capital humain. Seuls des hommes bien formés
peuvent oeuvrer à améliorer le rendement d'une organisation.
C. L'augmentation des capacités de collecte de
fonds
La sensibilisation des membres à plus de
responsabilité quant au paiement des cotisations est incontestablement
la seule condition d'autonomisation pérenne et de réussite des
associations. De plus, il faut cultiver aux associations une gestion
transparente de leur patrimoine.
Les fonds collectés auprès des donateurs ne
doivent pas être affectés d'avance. Cette liberté permet
aux associations bénéficiaires d'investir dans les besoins
réels de développement exprimés par les populations. Les
actions menées seront à l'abri des diktats des donateurs.
Toutefois, les associations diversifient leur mode de financement afin
d'amoindrir les effets des caprices des
« généreux » donateurs.
D. La multiplication des cadres de concertations entre
les associations
Les associations doivent se réunir en réseau
afin d'être plus fortes et agressives devant les autres partenaires.
Elles doivent aussi créer entre elles des cadres de concertations
permanentes afin d'harmoniser les efforts sur le terrain.
Cette union sacrée et cette solidarité agissante
enrichiront les méthodes d'intervention qui seront plus
cohérentes et concertées. Inéluctablement, le nombre
élevé d'associations, au lieu d'être un handicap peut
constituer une richesse inestimable car chacune apportant son expérience
pour l'atteinte des objectifs de développement.
Paragraphe II - Au niveau de
l'Etat
Les perspectives d'actions qui s'imposent à l'Etat sont
le renforcement du mécanisme de suivi des associations, l'implication de
toutes les associations aux actions de développement sans exclusive et
le renforcement du mécanisme juridique et institutionnel qui encadre les
associations.
A. Le renforcement du mécanisme de suivi des
associations
En tant que dépositaire de la puissance publique,
l'Etat doit exiger et contrôler effectivement les rapports
d'activités périodiques des associations. Il doit aussi suivre et
contrôler de façon régulière la mise en application
des clauses des conventions entrant dans le cadre des interventions des
associations.
B. L'implication de toutes les associations aux
actions de développement
Les rapports entre l'Etat et les associations doivent se mener
sur une base égalitaire comme dans toute approche partenariale. L'Etat
doit dresser un répertoire exhaustif, fiable et informatisé des
associations. Ce répertoire servirait à dresser le tableau de
bord de gestion des associations. En cela, l'Etat pourrait créer une
équité et une impartialité de traitement à
l'endroit de toutes les associations.
Au besoin, l'Etat doit accorder aux associations des
subventions et leur faciliter l'accès aux crédits afin qu'elles
puissent mener effectivement leurs activités.
L'Etat doit aussi oeuvrer à un renforcement des
capacités opérationnelles des associations. Dans cette logique,
il faut vulgariser l'accès aux technologies de l'information et de la
communication à tous les intervenants. L'outil informatique est
inévitable pour toute organisation qui veut être en phase avec les
exigences de l'heure et à la formulation de toute politique de
développement prospective. Aussi, l'apprentissage de techniques de
management favoriserait l'acquisition de nouvelles compétences
indispensables à mieux gérer une association.
C. Le renforcement du mécanisme juridique et
institutionnel
L'Etat doit réviser le mécanisme juridique afin
de l'adapter aux mutations et aux exigences de l'heure. Il doit aussi veiller
à ce que toutes les associations de développement participent
activement aux sessions des cadres consultatifs. Avec l'instauration de ces
instances, l'Etat serait plus proche des associations et des populations. Une
déconcentration intégrale de tous les services techniques et
l'enracinement profond de la décentralisation raffermiraient
l'implication des associations aux actions de développement.
Dans la même logique, un schéma institutionnel
à quatre volets peut être envisagé à long terme pour
fédérer toutes les énergies. Ce schéma
comprendrait :
· Un cadre de concertation
Il s'agit d'un regroupement d'associations, d'unions, de
fédérations ou de réseaux d'associations. Cette structure
indépendante sera gérée par des représentants des
associations adhérentes.
· Une structure d'appui
C'est une institution permanente émanant du cadre de
concertation et constituant un organe de conseil et d'appui au service du cadre
de concertation.
Ces deux structures émaneront de la
société civile locale. Elles constitueront un tandem
inséparable.
· Un comité de pilotage
Ce comité serait tripartite (Etat, association,
donateurs), paritaire et gérerait les fonds d'appui aux actions
liées à l'économie locale. Il permettrait au monde
associatif d'avoir un droit de regard sur les financements qui lui sont
accordés dans le cadre des politiques de développement au niveau
local, tout en respectant les prérogatives de l'Etat.
· Une cellule technique de contrôle
C'est une structure permanente d'appui au cadre de
concertation. Elle s'occupera de toutes les questions techniques liées
aux projets présentés par les associations. En outre, elle
donnera son avis sur tout financement et sanctionnera tout contrevenant aux
textes et lois en vigueur.
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