Contribution des associations au développement socio économique du Burkina Faso( Télécharger le fichier original )par Moumouni GUIRE Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM) Ouagadougou - Master I 2009 |
PARTIE II - LES ASPECTS PRATIQUESDans la précédente partie, nous avons essayé de baliser le terrain en dégageant la problématique générale de cette étude et en exposant la méthodologie de recherche. Cette approche a permis d'élucider des concepts, d'explorer l'environnement juridique et institutionnel des associations et d'évoquer l'opportunité du choix de ce thème. A présent, il convient d'aborder les aspects pratiques du sujet notamment les apports actuels des associations sur le développement socio - économique du Burkina Faso (chapitre I) puis les limites et perspectives d'actions (chapitre II). Chapitre I - Les apports actuels des associations au développement socio - économique du Burkina FasoDans la dynamique de la recherche du bien - être des populations burkinabé, la contribution de tous les acteurs est préconisée et encouragée. Dans cette synergie d'action, le rôle et la place des associations semblent importants. Pour déterminer ce rôle et cette place, nous analyserons les résultats de notre recherche (section I) puis nous mesurerons l'impact des activités menées par les associations sur le développement socio - économique du Burkina Faso (section II). Section I - L'analyse des résultats A l'issue des recherches de terrain que nous avons menées, nous restituerons les résultats de l'enquête (paragraphe I) puis nous dégagerons les principales activités menées par les associations dans certains domaines (paragraphe II). Paragraphe I - La présentation des résultats Au total, sept (07) tableaux ont été dressés suite au dépouillement des données récoltées à la faveur de l'enquête de terrain. Ces tableaux nous ont permis d'effectuer des analyses croisées et de mieux comprendre le milieu associatif burkinabé. Tableau 1: Répartition selon l'âge et le sexe
Source : Données de l'enquête Ce tableau montre que les individus dont l'âge est compris entre 31 et 40 ans représentent près de la moitié de notre échantillon soit 46,67%. Ils constituent une couche sociale très active et plus consciente des responsabilités qui sont les leurs par rapport aux autres tranches d'âges. Les femmes au nombre de 14 représentent presque le quart de notre échantillon (23,33%). Leur participation à la vie associative est donc remarquable malgré les pesanteurs sociologiques qu'elles subissent. Tableau 2 : Répartition selon la catégorie socio - professionnelle
Source : Données de l'enquête Le tableau indiquant le statut socio - professionnel des enquêtés est fort intéressant. En effet, 23 individus (38,33%) sont salariés contre un nombre insignifiant de commerçants, d'artisans, d'agriculteurs et d'éleveurs (18). Cette situation s'explique par le fait que notre enquête s'est déroulée en partie dans les centres urbains ou semi - urbains. Tableau 3 : Répartition selon le type d'organisation
Source : Données de l'enquête Le tableau ci-dessus révèle que les types d'associations oeuvrant dans notre pays sont très variés. Seulement, 12 individus interrogés (soit 20%) oeuvrent dans les organisations religieuses, politiques ou syndicales. Tout le reste évolue dans les secteurs socio - économiques. Les populations burkinabé adhèrent surtout à ces associations de développement afin d'améliorer leurs conditions de vie socio - économique. Tableau 4 : Répartition selon le degré de participation à l'action associative
Source : Données de l'enquête Ce tableau montre la prédominance des leaders actifs (48,33%) et des leaders très actifs (40%). Il en découle que les adhérents s'approprient réellement les activités de leurs associations. Cet activisme augure de leur forte implication à l'atteinte des objectifs. Ils prouvent ainsi leur désir d'appartenance très poussé au groupe et leur sens de responsabilité très élevée. Dans ces conditions, des choix stratégiques et tactiques ne peuvent qu'être pris pour la bonne marche de l'association. Tableau 5 : Répartition selon le mode de prise de décision au sein des associations
Source : Données de l'enquête
Ce tableau nous indique que plus de la moitié des décisions se prennent de façon collégiale et participative (58,33%) au sein des associations. L'autre aspect appréciable est que 26,67% des décisions sont prises dans la persuasion, dans la consultation et que moins de décisions sont prises par voie autoritaire (5%). Nous remarquons qu'aucune décision n'est prise par délégation. Les associations de notre pays sont des groupes homogènes au sein desquels les dirigeants sont plus tournés vers les hommes et l'aspect rationnel (les méthodes) que vers l'action uniquement. Dans ces conditions, le système de communication serait donc très fluide, efficace et propice en principe à un meilleur rendement des membres de l'association. Pourtant, cela n'est pas toujours le cas dans la réalité car des conflits surviennent très fréquemment entre membres d'une même association. Tableau 6 : Répartition selon la transparence dans la gestion financière
Source : Données de l'enquête Ce tableau montre que 81,67% des individus estiment transparente, la gestion financière dans les associations compte tenu des bilans financiers qui leur sont faits régulièrement. Cependant, les autres enquêtés (18,33%) se targuent sur les surfacturations, la gestion familiale et personnelle et l'insuffisance de bilan financier qui sont légion dans beaucoup d'associations pour dénoncer l'absence de gestion financière transparente des associations. Tableau 7 : Répartition selon le suivi - évaluation des associations
Source : Données de l'enquête
Dans l'ensemble, les individus interrogés estiment que les associations ne sont pas bien suivies, ni par l'Etat (65,00%), ni par les dirigeants des associations (53,33%). A l'Etat, ils reprochent la non implication des autorités administratives déconcentrées dans le suivi des activités des associations et l'absence de base de données fiables sur les associations dans les services étatiques. Aux associations, les enquêtés déplorent les dysfonctionnements au sein des instances statutaires qui entravent le suivi régulier des activités. Paragraphe II - Les activités menées par les associations Les activités menées par les associations couvrent plusieurs domaines (A). Mais, le bilan financier des investissements des associations (B) fait ressortir le poids des associations sur le développement socio - économique de notre pays. Dans le domaine social, les activités menées sont relatives à la santé, à l'éducation, à l'eau, à l'action sociale, etc. Le taux brut de scolarisation national est passé de 52,2% en 2004 à 60,7% en 200616(*). Cet accroissement est dû à l'effort conjugué de tous les acteurs de l'éducation de base. Les actions généralement menées par les associations au profit de l'enseignement de base sont essentiellement, la construction et l'équipement d'infrastructures scolaires, la distribution gratuite de manuels et de fournitures scolaires, le financement des activités péri, para et post - scolaires, la dotation des cantines scolaires endogènes en vivres, le parrainage d'enfants, etc. Par exemple, l'association Tin Tua depuis sa création en 1989 à Fada N'Gourma, oeuvre au développement socio - économique de la région de l'Est du Burkina Faso. Au volet éducation, elle a mené les activités suivantes17(*) : · la création de huit cent soixante douze (872) centres d'alphabétisation, · la formation de plus de vingt cinq mille (25000) personnes par an en alphabétisation, · la création de bibliothèques dans des villages de la région de l'Est. Les bénéficiaires de ses actions sont les jeunes et les femmes. Ses stratégies d'action sont basées sur la participation, la responsabilisation et l'appropriation. Le Plan Décennal de Développement de l'Education de Base (PDDEB) entend « renforcer la prise en charge de l'éducation de base par les collectivités à travers le transfert effectif des compétences et par l'implication plus étroite de la société civile notamment les ONG et les associations actives en éducation et les partenaires sociaux (syndicats, associations des parents d'élèves, associations des mères éducatrices, comités de gestion).18(*)» Pour cela, il a été envisagé par exemple le recours à des dispositifs de maîtrise déléguée pour la réalisation des infrastructures scolaires avec les agences, les communes, les associations et les ONG. Les associations sont fortement impliquées dans la mise en oeuvre des politiques sanitaires. Leurs activités couvrent plusieurs volets. Elles sont sollicitées dans la lutte et la prévention contre les maladies. Elles participent à la construction et à l'équipement des centres de santé. Elles contribuent aussi à former les agents de santé et distribuent gratuitement des médicaments aux populations vulnérables. L'Association des Donneurs Bénévoles de Sang de la Kossi (ADOSAK) par exemple collecte plus de 180 poches de sang par an, participe au recrutement de nouveaux donneurs et sensibilise la population sur le SIDA. L'Association Zems Taaba (AZET) basée à Ouagadougou oeuvre à la lutte contre le VIH/SIDA à travers les actions suivantes : · l'appui, le conseil et l'orientation des usagers, · le soutien psychosocial aux personnes infectées ou affectées, · l'accompagnement des personnes infectées ou affectées, · la prise en charge des orphelins et enfants vulnérables. Toujours dans le cadre de la lutte contre le VIH/SIDA, l'ONG Initiative privée et Communautaire au Burkina Faso (IPC/BF) de son côté, participe activement à l'organisation de la réponse au VIH/SIDA. Elle accompagne et renforce les organisations communautaires puis subventionne leurs activités19(*). Les associations sont donc à l'avant - garde de la lutte contre les fléaux qui minent la santé des populations. Elles utilisent des méthodes actives qui sont essentiellement les campagnes de sensibilisation (théâtre, films, démonstrations), le plaidoyer, les fora, etc. Avec l'opérationnalisation de l'approche contractuelle, leur rôle ne fera que s'accroître car elles auront à mettre en oeuvre un paquet considérable d'activités de santé. c) Au niveau de l'action sociale A ce niveau également, les associations interviennent dans plusieurs volets dont la lutte contre les mutilations génitales féminines (cas de l'excision), le trafic des enfants, les enfants de la rue, le parrainage d'enfants, etc. L'association « Yorossin » du secteur n°6 de Nouna dans la province de la Kossi est dynamique à ce niveau. Elle a déjà réalisé des émissions radiophoniques pour sensibiliser la population sur les méfaits de l'excision et la traite des enfants. En outre, elle oeuvre à la réinsertion sociale des enfants et lutte contre l'exclusion sociale sous toute ses formes. Les activités menées par les associations dans les domaines économiques recouvrent l'agriculture, l'élevage, l'artisanat, les activités génératrices de revenus, etc. a) Les activités génératrices de revenus (AGR) Généralement destinées aux femmes, les AGR sont entre autres la fabrication de savon, la fabrication du beurre de karité, le tissage, la vannerie, la gestion des moulins à grain, la fabrication du soumbala, l'embouche des moutons, le maraîchage, la teinture, le jardinage, etc. Une jeune association de femmes basée à Saaba créée en 2007, forme des jeunes filles et des femmes en broderie. Il s'agit de l'association Taab Teelgo. Faute de moyens selon la présidente Madame DOUAMBA/COMPAORE Christiane, leurs activités n'ont pas encore pris de l'ampleur comme les membres l'auraient voulu20(*). L'agriculture burkinabé est une agriculture de subsistance. Elle occupe une très grande partie de la population. Elle reste très traditionnelle malgré les efforts déployés par les acteurs au développement pour la moderniser. Les activités menées par les associations en faveur du monde paysan sont multiples et multiformes. Nous pouvons en citer : · la construction de barrages et de retenues d'eau, · la construction de banques de céréales, · la construction de digues anti-érosives, · l'introduction de nouvelles techniques culturales comme le zaï au nord du pays afin de conserver les eaux et les sols, · la construction de fosses fumières, · l'octroi d'outils de travail aux paysans (charrues, charrettes ...), · l'octroi de semences améliorées aux paysans, · l'encadrement et la formation des paysans, · la sensibilisation des paysans sur les grands défis du monde paysan (cas de l'introduction des organismes génétiquement modifiés) B. Le bilan financier des investissements des associations Il n'est pas aisé de dresser le bilan financier des investissements des associations, tant beaucoup d'activités sont réalisées dans l'anonymat et la discrétion. Une étude réalisée en 2007 par la DGSONG sur 184 ONG et associations de développement a fait ressortir que ceux-ci ont investi environ soixante un milliard vingt cinq million six cent vingt neuf mille sept cent quatre vingt treize (61 025 629 793) de francs CFA au cours de la période 2004-2006 soit une moyenne annuelle de 20,34 milliards de francs CFA21(*). La répartition de ces ressources par domaine d'activités est comme suit : · les secteurs sociaux : 63% (38,61 milliards), · les secteurs de soutien : 14% (8,61 milliards), · les secteurs de production : 20% (12,25 milliards), · la gouvernance : 3% (2 milliards). Les investissements réalisés dans les secteurs sociaux sont les plus importants. Les besoins des populations sont plus énormes quant à l'amélioration de leur accessibilité aux services sociaux de base. Nous n'avons pas pu avoir accès au bilan financier des associations. Mais, d'après l'Abbé Fulgence COLY22(*) « les statistiques montrent qu'à partir de l'année 2000 jusqu'à nos jours, la Fondation Jean Paul II pour le Burkina a financé pour le compte des projets plus de 4 milliards de francs CFA ».23(*) A la suite de l'étude menée par la DGSONG nous pouvons tirer le bilan partiel suivant par structure pour une dizaine d'associations/ONG :
Source : Données de l'enquête réalisée par la DGSONG en 2007 sur les investissements de 184 ONG / associations entre 2004 - 2006 Ces données sont souvent loin de la réalité car les associations ne fournissent pas toujours un bilan exhaustif de leurs investissements. Section II - L'impact des associations sur le développement des secteurs socio - économiques Les activités menées par les associations s'inscrivent dans la ligne droite des axes stratégiques du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Elles visent donc à améliorer les conditions de vie des populations quantitativement et qualitativement. Ces axes stratégiques de réduction de la pauvreté sont au nombre de quatre (04) 24(*): · accélérer la croissance et la fonder sur l'équité, · garantir l'accès des pauvres aux services sociaux de base, · élargir les opportunités en matière d'emploi et d'activités génératrices de revenus pour les pauvres, · promouvoir la bonne gouvernance. Nous verrons l'impact des actions des associations sur le plan social (paragraphe I) d'une part et sur le plan économique (paragraphe II) d'autre part. L'impact social des activités menées par les associations est extrêmement important. Les associations promeuvent la solidarité, créent des cadres d'échanges, d'expérience, de leadership et organisent des cadres de capacitation tout en suscitant le militantisme chez les jeunes et réduisent les disparités (urbain/rural, femmes/hommes). Elles sont à l'avant-garde de la prévention des conflits sociaux et de la paix ainsi que du renforcement du dialogue social et républicain permanents. En plus, les associations participent au renforcement du processus démocratique, car la mise en place de leurs instances dirigeantes et leur fonctionnement obéissent aux principes essentiels de la démocratie. La participation à la vie associative favorise l'ascension socio - politique des leaders. A la faveur des élections législatives et municipales passées dans notre pays, certains de ces leaders sont devenus des élus locaux. Le regroupement, l'organisation et la dynamique des activités des associations renforcent les liens sociaux et l'éveil des communautés au développement de leur région. Il est difficile de quantifier tous les changements intervenus grâce à l'apport des associations. Toutefois, nous constatons que l'accessibilité à certains besoins essentiels s'est accrue. Plusieurs acquis y ont été enregistrés mais les plus significatifs sont les suivants : · l'augmentation de l'offre éducative, · l'augmentation sensible du taux brut de scolarisation et du taux d'alphabétisation d'année en année, · l'amélioration des conditions de travail des enseignants, · la diminution des déperditions scolaires, · l'amélioration de la ration alimentaire des élèves, · l'augmentation de la capacité de gestion des écoles. Avec l'appui des autres partenaires au développement, les efforts consentis par les associations, ont permis d'améliorer sensiblement les indicateurs de santé de notre pays. Comme acquis nous retenons ce qui suit : · l'augmentation de l'accessibilité aux soins médicaux préventifs et curatifs, · la réduction sensible du taux de mortalité infantile, · l'amélioration des plateaux techniques des centres de santé, · la régression de certaines maladies, · la réduction notable du taux de prévalence du SIDA, · le changement de comportement des populations face à certaines maladies comme le SIDA. C. Au niveau de l'action sociale En plus du soutien moral, physique, psychologique, financier et matériel lors des catastrophes et calamités naturelles qu'elles apportent aux populations sinistrées, les associations ont favorisé l'abandon ou le recul de certains comportements et pratiques discriminatoires (lévirat, mariage forcé, mutilations génitales féminines). Par leurs actions, les associations encouragent l'égalité de traitement de tous. Ce changement de comportement raffermit la cohésion sociale et entraîne le respect des droits humains. Elles contribuent aussi énormément à la promotion et à la défense des droits des enfants, des veuves et des orphelins. Paragraphe II - Au plan économique Sur le plan économique, les acquis sont multiples et participent à la lutte contre la pauvreté, car les associations sont de véritables acteurs de l'économie locale et nationale. A. Au niveau des activités génératrices de revenus (AGR) Nous assistons de plus en plus à une autonomisation intégrale et à une responsabilisation financière de la femme burkinabé. Les AGR entrent en droite ligne de la politique de valorisation et d'émancipation de la femme, car elles favorisent l'égalité entre les sexes. Elles participent aussi à la libération de la femme du joug social et partant à son épanouissement total. L'impact des actions des associations est très perceptible à ce niveau. Malgré les contraintes naturelles, les associations participent à la sécurité et à la souveraineté alimentaires de notre pays. Les acquis sont essentiellement : · l'augmentation de la production céréalière, de celle des cultures de rente et des fruits et légumes, · l'intensification des cultures de contre - saison, · l'augmentation du rendement à l'hectare, · la lutte contre la faim, · la diversification des sources de revenus des populations, · la valorisation des produits locaux qui crée et renforce un sentiment de patriotisme. * 16 Cf. Rapport de synthèses des « 2è journées de programmation des ONG - Ouagadougou, les 25 et 26 septembre 2007 » p.51 * 17 Cf. plan d'action triennal 2006 - 2010 de l'Association Tin Tua * 18 Choix stratégique n°7 du PDDEB, PHASE II * 19 Observateur Paalga n°7359 du vendredi 10 au lundi 13 avril 2009, p.3 * 20 Cf. entretien réalisé le jeudi 9 avril 2009 * 21 Les ONG et associations face au défit de la pauvreté, Bilan 2004-2006, MEF, page 21 à 23 * 22 Secrétaire général de la Fondation Jean Paul II pour le Sahel * 23 In Sidwaya n°6359 du lundi 9 février 2009, page 11 * 24 Source : Document du CSLP |
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