Conclusion du chapitre IV
Dans la section 1 du chapitre, nous rassemblons les
études expérimentales et empiriques des psychologues ainsi que
celles des économistes pour confirmer l'effet d'éviction de la
motivation intrinsèque et l'effort par les incitations
extrinsèques ou les incitations monétaires en particulier. Les
résultats de méta-analyse de 128 expériences de Deci et
al. [1999a; 1999b] concluent que l'effet d'éviction est plus grand avec
les récompenses attendues qu'avec les récompenses inattendues et
de plus, ces dernières n'ont pas un effet pervers sur la motivation
intrinsèque. En outre, cet effet ne concerne pas les activités
qui ne sont pas intrinsèquement intéressantes (les
activités simples). Frey et Jegen ont étudié la relation
entre les incitations monétaires et l'effort des individus. Ils
indiquent que l'augmentation de la récompense monétaire
réduit l'effort du travail. Cependant, après que la motivation
intrinsèque ait été évincée
complètement, les auteurs ont ajouté que, l'effort du travail va
augmenter à mesure que la récompense monétaire
s'accroît. Mais pour Greezy et Rustichini [2000], cet effort
élevé est encore inférieur par rapport à la
situation d'absence d'incitations monétaires. Par ailleurs, les autres
auteurs, Fehr et Gächter [2002], Fehr et Falk [2002], Gächter et Falk
[2000], Frey et Goette [1999], Irlenbusch et Sliwka [2005], ont confirmé
que les incitations monétaires changent considérablement la
perception des individus et minent la coopération volontaire, la
réciprocité, ce qui est considéré comme la
motivation intrinsèque, et donc l'effort des individus diminue.
D'après Bewley [1995], il ne faut pas compter uniquement sur les
incitations monétaires qui sapent la motivation intrinsèque, mais
plutôt sur les autres moyens comme la nature de la tâche
exécutée par les salariés qui peut procurer de la
satisfaction (telle que l'estime de soi, l'autonomie, la reconnaissance de leur
compétence). James Jr. [2005] a conçu un modèle
principal-agent tenant compte de la motivation intrinsèque. Son
résultat a montré que les récompenses monétaires
évincent la motivation intrinsèque car ces récompenses
sont perçues comme un moyen de contrôle dans deux
conditions : d'une part, lorsque la taille de la récompense
monétaire est grande, et d'autre part, lorsque l'objet de la motivation
intrinsèque d'un agent est aussi la source des récompenses.
Généralement, ces études supportent la théorie de
l'évaluation cognitive dont l'idée est que les incitations
monétaires nuisent à la motivation intrinsèque.
En revanche, la recherche récente indique qu'il n'y a
plus de dichotomie entre la motivation extrinsèque et
intrinsèque, et donc les récompenses extrinsèques ne sont
pas nécessairement nuisibles, mais plutôt peuvent jouer un
rôle complémentaire à la motivation intrinsèque.
Dans ce cas, la motivation extrinsèque, même dans les
activités intrinsèquement inintéressantes, peut être
internalisée et intégrée dans le continuum de
l'autodétermination. Alors, lorsque les individus internalisent et
intègrent des régulations et les assimilent à soi, ils
éprouvent une plus grande autonomie dans l'action. Favoriser la
motivation extrinsèque autonome dans le lieu du travail permet aux
salariés de se sentir compétents et auto-déterminants. Le
résultat d'une étude a démontré que les climats de
travail supportant l'autonomie, qui permet l'augmentation de la motivation
intrinsèque et de la motivation extrinsèque autonome, joue un
rôle important dans une administration des récompenses
monétaires. Par conséquent, lorsque les récompenses
monétaires sont administrées dans un climat du travail qui
supporte l'autonomie, elles auront moins tendance à évincer la
motivation intrinsèque et, dans certains cas, peuvent même
l'augmenter. De plus, les récompenses monétaires devraient
être administrées par les managers qui soutiennent l'autonomie.
Ainsi, les incitations monétaires représentent des
opportunités d'augmentation de la motivation intrinsèque et de
l'effort des salariés si elles sont correctement administrées.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Après avoir étudié les deux chapitres
dans la deuxième partie, en considérant certaines théories
de la motivation au travail telles que la théorie des besoins de Maslow,
la théorie bi-factorielle d'Herzberg, la théorie
d'évaluation cognitive et la théorie de
l'autodétermination, nous pouvons comprendre les effets des incitations
monétaires sur l'effort des salariés au travail. Cette
étude nous permet de répondre à une des questions de la
problématique du mémoire « Quand et pourquoi les
incitations monétaires nuisent-elles à l'effort des
salariés ? ».
Dans le chapitre 1, notamment en théorie de
l'évaluation cognitive, les incitations monétaires sont
considérées comme nuisibles à la motivation
intrinsèque et à l'effort des salariés lorsqu'elles minent
leur sentiment de compétence et leur sentiment d'autonomie puisque ces
incitations sont perçues par les salariés comme un moyen de
contrôle plutôt que d'information. De plus, il y a plusieurs
études expérimentales et empiriques des psychologues et des
économistes exposés dans la section 1 du chapitre IV qui appuient
également cet effet d'éviction de la motivation
intrinsèque et de l'effort des salariés. Plus
précisément, il y a un auteur, James Jr. [2005] qui a
étudié, en détail dans son modèle, les raisons pour
lesquelles les salariés perçoivent les incitations
monétaires comme un moyen de contrôle. Ces raisons sont que la
taille des incitations monétaires est grande et l'objet de la motivation
intrinsèque de l'agent est aussi la source des récompenses. Il
convient de remarquer que cet effet concerne surtout les activités
intrinsèquement intéressantes, et non les activités
inintéressantes ou simples.
En revanche, la recherche récente indique que les
incitations extrinsèques, ou les incitations monétaires en
particulier, ne sont pas forcément nuisibles à la motivation
intrinsèque et peuvent même l'augmenter lorsqu'elles sont bien
administrées et dans un climat du travail supportant l'autonomie. En
effet, dans la théorie de l'autodétermination, la motivation
extrinsèque peut être internalisée et donc deviendra plus
autonome, et on peut ainsi rendre les activités inintéressantes
plus valorisantes aux yeux des individus. Ces derniers peuvent transformer les
moeurs ou les demandes socialement sanctionnées en valeurs et
autorégulations personnellement approuvées. Quand le processus
d'internalisation fonctionne de manière optimale, les individus
accorderont de l'importance aux régulations sociales, les assimileront,
et donc les accepteront complètement. La motivation extrinsèque
bien internalisée semble augmenter l'effort et la performance des
salariés car les régulations externes peuvent être
perçues comme un moyen de valorisation du sentiment de compétence
et d'auto-détermination. Ainsi, les récompenses
monétaires, qui sont correctement administrées dans un climat
supportant l'autonomie, ont moins tendance à évincer la
motivation intrinsèque voire peuvent l'augmenter, et donc l'effort des
salariés sera élevé. De plus, ces récompenses
incitatives doivent être offertes équitablement et de façon
à reconnaître la performance efficace des salariés sans
incorporer les éléments de contrôle comme la
compétition parmi les membres d'équipe.
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