Chapitre 3:
Les contraintes aux aménagements urbains dans
les quartiers chagoua et dembé
Améliorer les déplacements implique de limiter
l'extension urbaine non maîtrisée, notamment celle des quartiers
spontanés. Ceci nécessite d'envisager la densification des
quartiers existants, de planifier les extensions et d'y intégrer,
dès l'origine, les aménagements de voirie. Mais qui dit politique
d'urbanisme , dit aussi déconcentration des activités, pour
développer des bassins d'emplois et des zones d'activités dans
les différents quartiers, afin de limiter les causes des
déplacements.
Des contraintes fortes:
L'action de la ville de N'Djaména se heurte cependant
à trois difficultés majeures. D'abord l'absence de pouvoirs
propres. Il n'y a pas une collaboration étroite avec l'Etat est
généralement indispensable. Les municipalités ne disposent
pas d'un minimum de pouvoir décisionnel dans certains domaines tels que:
l'urbanisme, l'aménagement de la voirie, les transports en commun. Les
maires ne sont pas en mesure d'édicter des réglementations
contraignantes ( plan de circulation, conditions de stationnement) et les faire
respecter. Ensuite, nous avons les difficultés concernant les
financements. Les collectivités n'ont généralement pas les
moyens d'une véritable politique de gestion et d'amélioration des
déplacements urbains. Ces moyens sont dans la plupart des cas,
alloués par l'Etat ou des bailleurs de fonds qui sont trop peu en
relation avec les villes. Il est nécessaire que des structures de
coordination se créent et associent les responsables municipaux.
Troisième difficulté, enfin la sensibilisation des populations.
La concertation préalable et l'information sont seules à
même d'assurer la bonne compréhension des politiques menées
et partant, leur succès.
9. Les origines des problèmes de
déplacements à N'Djaména
9.1 Les causes institutionnelles
9.1.1 Une absence de planification à moyen et
à long terme
N'Djaména est une ville dont la croissance n'a pas
été contrôlée depuis longtemps. Le premier plan
d'urbanisation à été élaboré en 1945 et n'a
pris en compte que l'ancienne ville coloniale, c'est-à-dire le centre
ville, le quartier résidentiel et commercial. C'est donc sans cadre
institutionnel cohérent et précis que s'est faite
l'évolution de la ville.
La plupart des lotissements dans les quartiers
périphériques se font en clandestinité et en
complicité avec les chefs des quartiers et les chefs de terre. Ces
spéculations foncières se font aussi quelque fois sous l'oeil
complice des autorités chargées de la gestion et du
développement de la ville, ce qui accélère l'urbanisation
en augmentant aussi les distances à parcourir entre ces quartiers et les
autres.
9.1.2 Une absence de politique d'aménagement
urbain
N'Djaména est une ville où l'aménagement
de l'espace n'a pas été le souci majeur des institutions qui en
ont la charge. En dehors des interminables opérations de
restructuration, destinées à corriger les effets de la croissance
spontanée, il n'y a pas eu de réelle politique
d'aménagement urbain et de maintenance des infrastructures de la
ville.
L'extension spatiale des constructions a largement
débordé les sites initiaux peu dangereux pour gagner des pentes
inconstructibles, réduisant ainsi les possibilités
d'aménagement urbain.
La lenteur dans l'application et l'exécution des
politiques d'aménagement de la ville ainsi que la gravité du
problème à savoir la densité de la population dans les
zones vulnérables deviennent une contrainte importante en matière
d'aménagement.
9.1.3 Les textes régissant l'urbanisme
On distingue plusieurs catégories de textes
régissant le développement urbain. Les lois:
> la loi 15 du 22 juillet 1962 portant sur le
périmètre urbain;
> la loi 24 du 22 juillet 1962 portant sur le régime de
la propriété foncière; Les ordonnances:
> ordonnance n°17/ PR du 19 juillet 1970 portant
réglementation du permis de construire;
Tous les textes ci-dessus énumérés,
inspirés pour la plupart des textes coloniaux ou par des situations
ponctuelles ne répondent plus aux réalités.
Sur le plan foncier, le processus de concession provisoire ou
de permis d'habiter selon la procédure de mise en valeur, ( constat,
concession définitive, immatriculation) n'est que très rarement
accompli. En réalité pour beaucoup de personnes, payer la taxe de
bornage suffit largement pour mettre en valeur un terrain. La longueur des
procédures et les nombreuses tracasseries ne sont pas faites pour
inciter les personnes de bonne foi à respecter les règles
d'usage. Une simple immatriculation exige au moins la signature du
Ministère des Finances. Aussi l'on commence par construire en attendant
de régulariser ultérieurement la situation lorsqu'on
connaît la procédure.
La procédure d'obtention du permis de construire est
également très longue et les usagers très peu
informés. Le dossier déposé à la Mairie, est
envoyé pour examen aux services centraux (urbanisme, cadastre,
Bâtiments) avant de revenir à la Mairie pour décision
définitive. Lorsque les investissements deviennent importants, le visa
du Ministre des Travaux Publics est obligatoire. Dans une telle situation, qui
a besoin de permis pour construire une maison coûteuse?
9.2. Les causes liées au fonctionnement des
sociétés des transports urbains
Le système de transports collectifs de N'Djamena s'est
développé depuis une trentaine d'années,
spontanément sans intervention administrative. Ce sont d'abord les
taxis, fonctionnant comme des moyens de transport collectif, qui se sont
multipliés. Puis, il y a une quinzaine d'années, ont
commencé à apparaître des petits cars de transports de 12
à 15 places (Hiace Toyota, pour la plupart), maintenant en effectif
comparable avec le nombre des taxis. Pendant la même période, deux
tentatives d'organisations des sociétés de transports publics,
UNITCHADIENNE, en 1970 et la Société Libanaise de Transports
Urbains, en 1972 ont été rapidement conduites à
l'échec en raison de la concurrence des taxis. Aujourd'hui, les
sociétés
de transports urbains sont constituées pour la plupart
des exploitants individuels. Celles-ci fonctionnent de manière
informelle et de ce fait, ne disposent pas d'informations fiables de leur
exploitation. Cependant, elles essayent de répondre à la demande
et de desservir certaines lignes de la ville, y compris les zones les plus
reculées. Certains propriétaires de véhicules de transport
public ont crée des organismes de représentation et de
contrôle interne de leur activité. La plus importante des
organisations est la "coopérative des propriétaires de taxis et
location des voitures", connue sous le nom de Coop-Taxis. Elle regroupe 872
propriétaires de bus et de taxis.
Une autre organisation, le Syndicat National des Transports en
Commun (SYNAT) s'est récemment constituée mais il n'a pas
été possible d'en apprécier la
représentativité. Fondée en 1975, la Coop-Taxis n'a pas
d'activité technique en dehors de l'organisation du stationnement des
petits cars de transport et des taxis aux différents points de
stationnement. Cette activité tend d'ailleurs à diminuer au
profit du chargement à la demande des voyageurs. Le rôle actuel de
la Coop-Taxis consiste à représenter les propriétaires des
véhicules de transports collectifs. Le conseil d'administration de la
Coop-Taxis est composé de 15 membres et connaît bien tous les
problèmes liés aux transports urbains à N'Djaména
est un partenaire incontournable de toute concertation à leur sujet.
Le dysfonctionnement constaté au sein des
sociétés de transport urbain à N'Djaména provient
de l'administration et des sociétés elles mêmes. Ceci est
imputable aux départements directement impliqués dans le secteur.
Il s'agit du Ministère des Travaux Publics, Habitat, Urbanisme et
Transport et la Commune.
9.2.1 Le Ministère des Travaux Publics, Habitat,
Urbanisme et Transport est le plus concerné par l'organisation des
transports urbains.
Il est le mieux indiqué pour l'élaboration d'un
cadre réglementaire et institutionnel régissant le secteur. Il
est en outre chargé de concevoir une politique de planification dans le
temps et dans l'espace, répondant aux exigences correspondantes.
Cependant, force est de constater que de nombreuses insuffisances existent
à tous les niveaux: Le Ministère des Travaux Publics, Habitat,
Urbanisme et Transport a en son sein un département qui est
chargé de l'élaboration des règles et des plans urbains
pour la circulation des véhicules. Il s'agit de la direction des
études et de la planification. Ce département s'investit beaucoup
en ce qui concerne le transport
intra-urbain et celui des marchandises laissant ainsi toute la
responsabilité du transport urbain à la commune de
N'Djaména, d'autant plus qu'au niveau de la commune urbaine, il existe
un certain nombre de problèmes notamment les problèmes d'ordre
technique concernant les études de planification à long et
à moyen terme.
Le rôle de la commune urbaine de N'Djaména se voit
beaucoup plus à travers la perception des taxes et des redevances.
Le Ministère des Travaux Publics, Habitat, Urbanisme et
Transport élabore certes des règles mais les difficultés
résident au niveau de leur application et leur exécution sur le
terrain. > absence d'une politique réelle en matière des
transports urbains
> manque d'un cadre réglementaire conférant aux
transports urbains leur vrai rôle en matière de confort, de
sécurité, et de rapidité,
> absence de politique des transports urbains prenant en
compte l'accroissement démographique, stations accessibles rapidement
aux usagers
9.2.2 Au niveau de la commune, malgré les
efforts consentis en matière de la réhabilitation de certains
axes, les problèmes restent toutefois entiers:
> manque du plan d'urbanisation
> manque de nouvelles stations qui tient compte de
l'extension spatiale. Certains quartiers sont handicapés en saison des
pluies (manque de canaux d'évacuation des eaux).
Les problèmes liés à l'administration sont
accentués par des difficultés d'organisation de la Coop-Taxis.
9.2.3 Les problèmes qui entravent le bon
fonctionnement de la Coop-Taxis sont multiples: > insuffisances des
voies desservies (congestion)
> absences régulières des agents de
contrôle enregistrées dans les différentes stations >
faible efficacité d'entreprise (absence de fond de roulement)
> manque de garage
> manque des magasins des pièces
détachées, etc.
Cette dégradation est aggravée par des
difficultés de trésorerie qui limitent considérablement
les actions de maintenance des véhicules et de renouvellement du
parc.
Pour conclure ce chapitre, retenons que les contraintes aux
problèmes de déplacement dans les quartiers Chagoua et
Dembé, relèvent de celles de la ville de N'Djaména d'une
manière générale. Elles sont multiples, toutefois, deux
d'entre elles retiennent notre attention. Il s'agit des contraintes dues aux
textes régissant ainsi que des contraintes relatives aux fonctionnement
des entreprises de transport en commun.
En effet les lois qui régissent le développement
de la ville de N'Djaména sont dans la plupart des cas trop vieilles,
lâches voire même souples en ce sens que leur application est
difficile et ne correspond pas aux réalités actuelles sur le
terrain. Le système de gestion des entreprises de transport en commun
est aussi médiocre, pour ne pas dire informel. Il est basé sur
des considérations économiques délaissant les habitants
des quartiers périphériques et les obligeant à s'adapter
d'une manière ou d'une autre à ce système.
La résolution de tous ces problèmes
nécessite un certain nombre de stratégies dont nous trouverons
dans le chapitre suivant.
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