1-1-1 un contexte de concurrence accrue
Historique :
Après la débâcle du système
bancaire sénégalais dans les années 1987 - 1988, nous
avons assisté au retrait d'agrément de plusieurs
établissements : Assubank -Sonabanque - Banque
Sénégalo koweïtienne (BSK)- Union
sénégalaise de banque (USB) - Sofisedit -
BNDS, et à la restructuration de quelques autres
établissements :
Le crédit lyonnais a
repris les activités de certains guichets de l'USB en 1985.
La Banque Sénégalo Tunisienne
(BST) a été recapitalisée un peu plus
tard en 1999 avec un actionnariat Sénégalais nouveau.
Ces fermetures et restructurations d'établissements ont
sévèrement ébranlé le secteur bancaire mais ont eu
également un impact certain sur le public. L'institution bancaire qui
dégageait une image d'aisance financière et de solidité
déversait sur le marché son lot de chômeurs petits
employés et cadres de banque distingués.
La conséquence la plus immédiate fut une grande
défiance du public vis à vis des banques, et cela coïncidant
en plus avec une situation économique très difficile du pays qui
menait des politiques d'ajustement structurel. L'argent se faisait rare dans
les banques et les dépôts à terme étaient
rémunérés jusqu'à 9% l'an, alors que les comptes et
livrets d'épargne dont les conditions de rémunération sont
fixées par les pouvoirs publics accordaient un taux de 4, 50% fixe. Les
autorités politiques et les responsables de l'UMOA
s'accordèrent sur la nécessité de rebâtir les
fondations de l'institution bancaire dans les différents pays en mettant
en place, avec l'aide de la France, une réglementation commune des
banques et établissements financiers et un organe supranational de
contrôle des établissements.
- la loi portant réglementation bancaire a
été ratifiée au Sénégal par la loi N°30
- 06 du 26 juin 1990 - J.O / S N° 5361 du 28 juillet 1990
- la convention portant création de la commission
bancaire a été ratifiée par la loi N°90 - 19 du 26
juin 1990.
Les activités bancaires étaient
précédemment sous l'empire de la loi portant
réglementation bancaire N° 76 - 52 du 9 avril 1976 J.O / S
N°4493 du 15 mai 1976.
Avec l'adoption de ce dispositif les autorités visaient
principalement à recrédibiliser les banques et à les
placer dans une dynamique de saine croissance. Des règles prudentielles
sont redéfinies et leur application par les banques est
contrôlée en toute objectivité par les experts
mandatés par la commission bancaire.
Le début des années 1990 constitue donc une
période cruciale pour les banques et établissements financiers du
Sénégal qui opèrent maintenant dans un marché
assaini et où le libre jeu de la concurrence peut se réaliser
sans la forte prégnance des actions de l'Etat.
· L'ajustement des banques
sénégalaises
L'examen de la période 1992 - 1994 nous donne des
indications intéressantes sur les mouvements de la clientèle des
banques, ainsi que sur les efforts de restructuration des bilans fortement
obérés par la crise économique persistante.
- La clientèle s'adresse à nouveau aux banques.
Les opérations les plus courantes sont relatives aux
comptes par chèques ou virements qui font appel à ces instruments
de paiement. C'est l'examen des dépôts à vue qui peut
montrer l'inclination au non du public à faire ses transactions à
travers le système bancaire, parce que ceci constituait un enjeu de
taille pour les banques après la perte de confiance que nous avons
évoquée plus haut :
En millions évolution des
dépots
Postes/années
|
1992
|
1993
|
1994
|
Comptes disponibles par chèques ou virement
|
79.946, 9
|
73.050, 6
|
116.174, 1
|
Comptes à régime spécial
|
63.211, 9
|
65.593, 6
|
82.438, 2
|
Bons de caisse et dépôts jusqu'à 2 ans
|
91.009, 8
|
76.540, 6
|
69.128, 6
|
Les dépôts à vue ont progressé en
valeur absolue de 43 mds entre 1993 et 1994 soit un taux de 58 pour cent. Il
est vrai qu'il y a eu un fléchissement entre 1992 - 1993 mais cela est
dû principalement aux rumeurs de dévaluation qui alimentaient les
discussions dans les milieux tout au long de l'année 1993. Le changement
de parité entre le franc français et le franc cfa intervenu au
début de l'année 1994 a également contribué
à l'augmentation du volume des dépôts. La conversion des
francs français déposés ou en transit dans les banques a
augmenté la masse des dépôts et a confirmé aussi,
à notre sens, le regain d'intérêt du public envers les
banques.
S'agissant toujours des ressources de la banque le total
comptes et livrets d'épargne s'est accru de 4 pour cent entre 1992 et
1993 et a subi bond de 26 pour cent en 1994. Au-delà de l'effet
mécanique de la dévaluation, nous percevons l'effet significatif
du taux d'intérêt rémunérateur de 8% qui est servi
par les banques sur ce type d'affaires.
Les dépôts à terme et bons de caisse
jusqu'à 2 ans subissent de plein fouet la tendance spéculative de
la clientèle suite aux rumeurs de la dévaluation et après
l'échéance de février 1994 date de celle-ci. Les
dépôts ont baissé de 91milliards en 1992 à 69
milliards à fin 1994, il y a eu manifestement un transfert vers les
comptes et livrets d'épargne puisque la rémunération de
ceux - ci est passée de 4, 5% au 1 - 10 - 93 à 8% fixe au 19 - 1
- 1994. Les dépôts à terme de moins de 5.000.00 fcfa d'une
durée de moins d'un an sont détenus essentiellement par les
particuliers et leur rémunération s'opère sur la base du
taux moyen mensuel du marché monétaire moins 2%.Le TMM
était revu régulièrement à la baisse pendant les
périodes avant et post dévaluation par les autorités
monétaires qui visaient à orienter l'épargne en
général vers des produits plus stables. D'autre part les banques
se retrouvant avec un surcroît important de ressources avec le changement
de parité n'avaient pas intérêt à
rémunérer fortement l'épargne libre de courte
durée. Il faut préciser que les taux applicables aux
dépôts à terme inférieurs à 5.000.000 fcfa
et de plus d'un an sont libres. Nous assistons donc à une concurrence
limitée des banques pour capter les ressources disponibles, mais on ne
peut pas dire que l'activité bancaire se déploie
véritablement puisque les restructurations financières
importantes doivent d'abord s'opérer.
· La restructuration
financière.
Malgré l'assainissement du secteur bancaire, le
dispositif réglementaire mis en place par les autorités de
l'UMOA, et le regain de confiance de la clientèle qui recommence
à faire des dépôts auprès des banques, celles-ci se
montrent encore très frileuses dans l'octroi des
crédits :
En millions évolution
des crédits et des fonds permanents
Poste Actifs /années
|
1992
|
1993
|
1994
|
Effets commerciaux
|
12.236,5
|
12.003,3
|
13.952,5
|
Autres crédits à court terme
|
110.904,9
|
108.588,3
|
98.701,7
|
Autres crédits
|
138.988,8
|
154.994,2
|
153.158,8
|
Poste Passif
|
|
|
|
Fonds permanents et provisions
|
43.580,5
|
46.237,0
|
51.924,0
|
Nous assistons à une quasi stagnation des emplois
durant ces trois années, les crédits à court terme sont en
baisse passant de 110milliards en1992 à 98 milliards en 1994.
Manifestement les banques travaillent en sourdine préférant
financer les opérations à dénouement rapide. Le total des
autres crédits a baissé de 1 milliard entre 1993 et 1994
traduisant encore le peu de dynamisme des acteurs économiques qui
subissent le ralentissement économique. Cette situation engendre
évidemment une concurrence inexistante entre les établissement de
crédits.
En outre le respect de la nouvelle réglementation
prudendentielle édictée par la commission bancaire amène
les banques à renforcer leurs fonds propres et à surveiller
l'équilibre de leur structure financière. Selon Silber
( 1983 ) « la réglementation n'est pas la seule
force poussant la firme bancaire à innover pour la circonvenir et
maintenir ses profits ». Nous disons à sa suite que
l'environnement économique très difficile ainsi que
l'avènement de l'informatique sont les causes exogènes qui
poussent la firme bancaire à faire sa mutation pour se tirer d'affaires.
Car les banques ont déclaré des résultats
bénéficiaires durant cette période mais aucune grande
banque de réseau n'a distribué de dividendes, ce qui suppose une
certaine fragilité de leurs états financiers.
Evolution des
résultats
|
ClS
|
BICIS
|
SGBS
|
CBAO
|
|
92-93-94
|
92-93-94
|
92-93-94
|
92-93-94
|
Résultats de l'exercice
|
1.091 972 2.797
|
161-43--524
|
308-0,4-0
|
470 621 1113
|
Bénéfices à distribuer
|
0 0 0
|
0 0 0
|
0 0 0
|
0 0 0
|
· La maturité du secteur
bancaire.
Le total des bilans des banques sénégalaises
est passé de 507 milliards en 1994 à 1008 milliards en 2000, il a
quasiment doublé en six années. Il existe 10 banques et 7
établissements financiers au Sénégal au 31-12-00. La loi
bancaire présentée donne les définitions ci-dessous pour
ces deux types d'établissements :
Article 3 - sont considérées
comme banques les entreprises qui font profession habituelle de recevoir des
fonds dont il peut être disposé par chèques ou virements
et qu'elles emploient pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, en
opération de crédit ou de placement.
Article 4 - sont considérées
comme établissements financiers les personnes physiques ou morales,
autres que les banques, qui font profession habituelle d'effectuer pour leur
propre compte des opérations de crédit, de vente à
crédit ou de change,ou qui reçoivent habituellement des fonds
qu'elles emploient pour leur propre compte en opérations de placement,ou
qui servent habituellement d'intermédiaires en tant que commissionnaires
courtiers ou autrement dans tout ou partie de ces opérations.
Si nous examinons la taille du bilan des établissements
bancaires de l'UEMOA, nous constatons que le Sénégal a
relativement le nombre le plus élevé de grandes banques sur son
marché. Au 31-12-2001 cinq banques sur dix ont déclaré
chacune un total bilan supérieur à 100milliards de francs. La
côte d'Ivoire dont le total bilan des banques à cette date
était de 1.993 milliards en recelait 7 sur un total de 15 soit 40%. Sur
les 17 établissements de cette taille présents dans l'UEMOA cinq
opèrent au Sénégal soit un peu moins du tiers. Cette
description montre que les banques sénégalaises ont connu un
certain essor et que les conditions du marché deviennent
nécessairement de plus en plus concurrentielles. Progressivement, sous
la pression de la concurrence les établissements se devaient de
développer leurs actions commerciales vers une frange de plus en plus
importante de la clientèle. Les chiffres récents de la commission
bancaire ( rapport 2001 ) montrent bien que les banques tout en recherchant
activement des dépôts prêtent également de l'argent
à la clientèle : les emplois globaux augmentent de 736
milliards à 838 milliards à décembre 2000 ( +14 % ), et
les crédits à la clientèle qui constituent 76% des emplois
globaux sont en progression de 25%. Les taux d'augmentation des emplois et des
crédits à la clientèle de l'ensemble de l'UEMOA sont
respectivement de 6% et 9%.
Le secteur sénégalais après avoir
traversé une longue période de crise a accompli sa mutation et
est aujourd'hui vraisemblablement dans une dynamique de croissance.
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