La lutte contre le terrorisme en droit international( Télécharger le fichier original )par JEAN-PAUL SIKELI Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006 |
B- Un titre de compétence spécial: la compétence universelleLa compétence universelle se justifie par l'adage latin « Ubi te invenero, ibi te judicieuse » qui signifie littéralement, « où je t'aurai trouvé, je te jugerai ». Elle se donne en droit comme l'« aptitude reconnue aux tribunaux de tout Etat à juger des faits commis à l'étranger, quels que soient le lieu de l'infraction et la nationalité de l'auteur ou de la victime »2(*)91. C'est une technique de procédure pénale, qui permet à un Etat de poursuivre et de juger des délits et des crimes qui autrement lui échapperaient en vertu des critères traditionnels de la compétence pénale. Elle est établie pour permettre la répression de certaines infractions particulièrement graves et qui violent certaines valeurs communes de l'humanité. Elle a pour objectif d'assurer une répression sans failles des crimes d'une extrême gravité, lesquels troublent non plus simplement l'ordre public interne d'un Etat, mais celui de la communauté internationale dans son ensemble. Concrètement, au titre du principe de l'universalité, l'Etat sur le territoire duquel se trouve l'auteur présumé d'une infraction internationale a compétence juridictionnelle sur l'infraction qui n'a pas été commise sur son territoire, alors que ni l'auteur ni les victimes n'ont la nationalité de l'Etat, et que ni ses intérêts ni sa sécurité n'ont été - du moins directement - mis en danger. C'est donc la seule présence de l'auteur présumé sur le territoire de l'Etat qui suffit à lui conférer compétence pour le juger. Il s'agit en cela d'une compétence « exceptionnelle » au regard de la problématique de l'intérêt à agir. Ainsi, la volonté de lutter contre l'impunité des crimes heurtant les valeurs communes à l'ensemble des Etats a conduit à une extension pragmatique de la compétence juridictionnelle de ces derniers. Assez généralement, la compétence universelle peut être simplement facultative2(*)92 ou obligatoire. Elle est conférée dans les traités dans le cadre de l'adage Aut dedere, aut judicare2(*)93, selon lequel l'Etat sur le territoire duquel se trouve un individu, s'il ne l'extrade pas doit le poursuivre. Il convient de noter que la compétence universelle se présente dans les conventions antiterroristes comme une obligation subsidiaire2(*)94 conditionnée par l'absence d'extradition. En matière de terrorisme, un pas est franchi dans l'exercice de la compétence universelle2(*)95, en ce que ce titre de compétence extraordinaire, n'est plus une simple faculté laissée à l'appréciation de l'Etat de refuge sur lequel pèse désormais l'obligation alternative de poursuite ou d'extradition des présumés terroristes . La Convention de la Haye de 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs serait ainsi la première convention à obliger les Etats à établir leur compétence universelle et poursuivre les terroristes sur ce fondement, conformément à la maxime « Aut dedere, aut judicare ». Le principe « Aut dedere, aut judicare » constitue désormais le principe fondamental des instruments de lutte contre le terrorisme, ce qui explique par ailleurs le fait qu'il ait été réaffirmé par le Conseil de sécurité dans sa Résolution 1373 (2001)2(*)96. L'établissement de la compétence universelle, est donc une étape décisive dans la lutte contre le terrorisme, d'autant plus que le criminel ne saurait ainsi- théoriquement- trouver refuge auprès d'un Etat. Gardons toutefois à l'esprit le fait qu'en matière de terrorisme, la compétence universelle reste un titre de compétence conventionnel, or tous les Etats ne sont pas liés par les conventions pertinentes en vertu de la règle res inter alios acta. Au demeurant, Les conventions antiterroristes, en obligeant les Etats de refuge à exercer leur compétence universelle, constituent une entorse à la souveraineté des Etats, d'où la difficulté de la mettre en oeuvre en pratique2(*)97.
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