La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin( Télécharger le fichier original )par M. Koovy YETE Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007 |
Section 2 : La dépénalisation, une limitation républicaine de la liberté de presse.A la différence des régimes démocratiques, les régimes autoritaires, pour reprendre l'expression de Maurice KAMTO, se caractérisent doublement par le refus du pouvoir partagé et le refus du pouvoir contrôlé46(*). Dans un tel contexte, aucun débat portant sur le thème de cette étude ne saurait prospérer. En revanche, seul un système démocratique peut légitimer une telle préoccupation. L'explication vient du fait que la liberté de presse est un fondement essentiel de la société démocratique. De sorte qu'une discrimination positive qui consisterait à dépénaliser certaines infractions de presse devient un mécanisme de promotion du rôle de la presse. Paragraphe 1 : La liberté de presse, un fondement essentiel de la démocratie.« Si l'opinion est la reine du monde, il faut convenir que la démocratie est le régime politique qui met en forme sa souveraineté. Démocratie et opinion sont donc liées par un rapport originel »47(*). Cette pensée insiste sur la relation d'interdépendance qui existe entre la démocratie et la presse par le biais de l'opinion que cette dernière contribue à forger. En effet, la démocratie constitue sans nul doute le cadre par excellence d'éclosion et de protection de la liberté de presse qui, elle-même contribue à l'épanouissement des libertés individuelles. De sorte que toute sanction des manifestations de cette liberté fondamentale et essentielle en démocratie doit tenir compte de ce « rapport originel ». A.La démocratie cadre d'éclosion et de protection de la liberté de presse.La floraison des journaux au lendemain du renouveau démocratique au Bénin apporte la preuve du terrain fertile que constitue la démocratie pour la presse. Pendant longtemps, le monolithisme médiatique caractéristique des années de dictature militaire, ne permettait la circulation spontanée de l'information que de façon informelle48(*). Il ne pouvait y avoir de procès en diffamation car, ainsi qu'il a été souligné, les journalistes, ayant pour seul employeur l'Etat, ne diffamaient pas puisque leurs articles passaient à la censure des pouvoirs publics. La question de la dépénalisation n'était à l'époque pas opportune puisque les journalistes n'exerçaient pas librement leur fonction. A contrario, la volonté affirmée des conférenciers à la Conférence Nationale des Forces vives de la nation béninoise de faire du renouveau médiatique le support du renouveau démocratique49(*) a, effectivement, conduit à l'éclosion d'une presse écrite privée et très souvent virulente. Une nouvelle forme de journalisme, fondée sur le commentaire et l'opinion émergea. Et, les sujets habituellement tabous (malversations financières, conditions de détention, etc.) sont révélés au public avec un soutien manifeste de la population. A l'évidence, la démocratie a été au Bénin, le cadre d'éclosion de la liberté de presse. La consécration de l'entière souveraineté de l'opinion pourrait être de soustraire les journalistes des peines privatives de liberté pour les fautes commises dans le cadre de l'exercice de leur fonction, sauf si ces fautes sont de nature criminelle. Mais, ainsi formulé, la simplicité du schéma ne résiste assurément pas à la question de savoir si la liberté de presse dont la démocratie marque l'accession à la souveraineté ne peut pas devenir dangereuse pour la démocratie elle-même surtout lorsqu'elle est détournée de son objectif ? S'il est évident, que la liberté de presse doit être limitée, il reste cependant que cette limitation ne saurait se faire comme dans n'importe quel régime politique50(*). Car, se faisant, la démocratie perdrait ce qui la différencie des régimes non démocratiques. Ici apparaît tout le sens de la suppression de certaines sanctions pénales et du maintien à l'encontre du professionnel de presse, d'amende, de sanctions civiles et disciplinaires, en tant que modes par excellence de répression des abus de cette liberté. Cette discrimination est d'autant plus légitime que la liberté de presse reste un facteur objectif d'épanouissement des autres libertés individuelles et collectives. * 46 KAMTO (Maurice), Pouvoir et droit en Afrique noire, L.G.D.J., Paris, 1987, pp.244-246. * 47 ROLLAND (Patrice), op. Cit. p. 645. * 48 FRERE (Marie-Soleil), Presse et démocratie en Afrique francophone, les mots et les maux de la transition au Bénin et au Niger, Karthala, Paris, p.74. * 49 FRERE (Marie-Soleil), op. Cit., p. 72. L'isolement du régime du PRPB (Parti de la Révolution Populaire du Bénin), totalement discrédité sur le plan national comme international, et son impopularité croissante l'avaient emmené à procéder à une petite ouverture à travers l'autorisation de deux organes : La gazette du Golfe et Tam-TAM express qui connurent tout de même des censures et des saisies. V. FRERE (Marie-Soleil), op. Cit., pp. 61-63. * 50 KAMTO (Maurice), op. Cit., p.247. |
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