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La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin

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par M. Koovy YETE
Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007
  

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B. Les limites à la vocation complétive de l'article 1382 du code Civil en matière de presse.

A l'analyse de la jurisprudence française, l'application de l'article 1382 du Code civil en matière de presse, est subordonnée à deux (02) conditions111(*). La première condition, négative est l'absence de possibilité de qualification au regard des textes spéciaux (loi du 29 juillet 1881 ou sur l'atteinte à la vie privée). Il est possible de poser cette même condition à la loi 60-12 du 30 juin 1960.

La seconde condition est positive et tient à la gravité de la faute ou du dommage. C'est-à-dire que le comportement reproché au journaliste doit consister en une dénaturation ou une déformation des faits traduisant une intention malveillante ou une négligence manifeste dans la vérification de l'information112(*). La faute à la charge du journaliste se déduit donc d'une attitude malveillante ou du non respect d'une obligation élémentaire de vérification.

Le danger lié à une telle extension du champ de la responsabilité civile avait déjà été dénoncé en son temps par Henri MAZEAUD dans un article toujours d'actualité.

L'auteur s'interrogeait déjà sur la possibilité pour une victime d'invoquer l'article 1382 du Code civil dans les domaines où le législateur avait tracé une réglementation et organisé une sanction. Sa position mérite d'être rapportée in extenso :

« Nous pouvons demander réparation, mais à la condition que le législateur n'ait pas spécialement prévu le dommage que nous subissons, soit pour nous contraindre à le supporter sans indemnité, auquel cas nous ne pouvons rien réclamer, soit pour soumettre à certaines conditions plus ou moins strictes sa réparation ou le quantum de l`indemnité, auquel cas nous sommes tenus de nous incliner devant cette réglementation. Les articles 1382 et suivants ne peuvent servir à tourner la loi. Principe évident, si évident qu'il n'a pas été souvent dégagé ! Son application ne fait pas difficulté dans les situations où le législateur en réglementant une institution particulière, a nettement marqué sa volonté de soumettre à cette réglementation et à elle seule tous les conflits susceptibles de s'élever dans ce domaine »113(*).

Soixante onze ans plus tard, cette opinion pourrait être reprise à la lettre s'agissant des rapports entre l'article 1382 du Code civil et la loi 60-12 du 30 juin 1960 sur la liberté de presse.

Mais, à y voir de près, la loi 60-12 du 30 juin 1960 est-elle l'expression exhaustive de la réglementation en matière de liberté de presse ? Notamment dans son chapitre IV qui définit les crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication ?

En réalité, cette loi ne prétend pas exclure le jeu normal de la responsabilité civile. Ce constat est confirmé par l'article 42 de la loi 60-12 du 30 juin 1960 qui dispose : « les propriétaires des journaux ou écrits périodiques sont responsables des condamnations pécuniaires prononcées au profit des tiers contre les personnes désignées dans les deux (02) articles précédents, conformément aux dispositions des articles 1382, 1383, 1384 du Code civil français ».

Au total, ce qu'il importe de sauvegarder, c'est le socle du droit sur la liberté de presse. Ce socle est constitué par les lois 60-12 du 30 juin 1960 et 97-010 du 20 août 1997 qui établissent des garanties procédurales en faveur de la liberté de presse.

Ces clarifications sont nécessaires pour une meilleure appropriation des implications de la dépénalisation par le législateur et par le journaliste.

Finalement, on se rend compte que la dépénalisation des délits de presse est davantage subordonnée aux profondes mutations que doivent opérées les journalistes au sein même de leur corporation.

* 111 BIGOT (Christophe), Le champ d'application de l'article 1382 du Code civil en matière de presse, in Liberté de la presse et droits de la personne, op. Cit., p. 74.

* 112 BIGOT (Christophe), Le champ d'application de l'article 1382 du Code civil en matière de presse, in Liberté de la presse et droits de la personne, op. Cit., p. 74.

* 113 MAZEAUD (Henri), L'« absorption » des règles juridiques par le principe de responsabilité civile, D.H., 1935, Chron. 5.

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