La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin( Télécharger le fichier original )par M. Koovy YETE Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007 |
Paragraphe 2 : L'intervention du droit commun de la responsabilité civile enmatière de presse.L'idée majeure ici est qu'on peut cantonner, même en cas de dépénalisation, l'intervention de l'article 1382 du Code civil en matière de presse aux comportements qui ne peuvent relever d'une qualification prévue par un texte spécial. C'est en fait la reconnaissance d'une vocation complétive à l'article 1382 du Code civil. (A) qui elle-même admet des limites. (B) A. L'admission de la fonction complétive de l'article 1382 du Code civilOn rappellera à l'occasion que le débat sur la dépénalisation des délits de presse ne se confond pas à celui de l'abrogation pure et simple du texte qui constitue aujourd'hui le socle du droit de la presse. Précisons également qu'à l'analyse, la loi 60-12 sur la liberté de presse n'est pas moins protectrice des professionnels de la presse. A y voir de près, le système répressif exorbitant du droit commun qu'elle aménage est fait dans l'intérêt du journaliste. Ainsi qu'on l'avait déjà souligné plus haut, la courte prescription, le formalisme exacerbé de la procédure, la référence précise au délit de presse évoqué, sont autant de garanties en faveur de la protection du journaliste. Garanties qui, du reste, trouveront droit de cité auprès du juge civil même si l'ensemble du procès lui était confié. Cela étant, dès lors qu'il est acquis que l'article 1382 du Code civil peut avoir une fonction complétive, il importe de s'interroger sur la portée de cet article en matière de délits de presse. En effet, lorsque les faits ne peuvent être qualifiés en application de la loi du 30 juin 1960 sur la liberté de presse, ou d'un autre texte spécifique sur la presse, le juge ainsi que nous l'avions déjà remarqué, n'aura pas l'opportunité d'user de son pouvoir de requalification109(*). Il sera donc nécessairement contraint de déterminer si le comportement reproché au journaliste doit entraîner une sanction fondée sur l'article 1382 du Code civil ou non. Doit-il dans ce cas considérer que la responsabilité civile du journaliste, peut être engagée pour toutes fautes, même légères ou d'imprudence, ou au contraire admettre qu'en raison des particularités de l'activité, il convient de limiter l'application de l'article 1382 du Code civil aux seules hypothèses de fautes dites qualifiées ou d'une particulière gravité ? On se rend compte que s'il faut admettre la responsabilité du journaliste pour toute faute légère on poserait par la même occasion le principe d'une responsabilité plus lourde dans l'espace de liberté consenti aux journalistes par le législateur. L'illustration de cette fâcheuse situation, dont doivent tenir compte les journalistes dans leur élan de dépénalisation, peut être tirée de l'article 31 de la loi 60-12 du 30 juin 1960110(*). Au terme de cette disposition, le législateur a voulu sanctionner l'atteinte intentionnelle à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants. Ce serait donc manifestement contraire au souhait du législateur que de faire revivre au profit des héritiers dans cette hypothèse, une action en responsabilité fondée sur l'article 1382 sous le régime duquel la faute non intentionnelle peut-être également punie. Cet exemple nous introduit dans les limites au-delà desquelles la fonction complétive dévolue à l'article 1382 du code civil en matière de presse, ne saurait prospérer. * 109 BURGELIN (Jean-François), Le point sur l'application de la loi du 29 juillet 1881 devant les juridictions civiles, in Liberté de la presse et droits de la personne, Dalloz, Paris, 1997, p.43. Sous la dir. de DUPEUX (Jean-Yves) et LACABARATS (Alain)
* 110 « Les Art. 28, 29 et 30 ne seront applicables aux diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts que dans les cas où les auteurs de ces diffamations ou injures, auraient eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants. Que les auteurs des diffamations ou injures aient eu ou non l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants, ceux-ci pourront user, dans les deux cas du droit de réponse prévu par l'article 11 », art. 31, Loi 60- 12. |
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