La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin( Télécharger le fichier original )par M. Koovy YETE Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007 |
Paragraphe 2: La qualité de l'information.Le mouvement de dépénalisation peut se révéler décisif dans l'amélioration de la qualité de l'information actuellement distillée par la myriade d'organes de presse existante compte tenu de la disponibilité qu'elle induirait au niveau des sources d'information (A). Il n'est, en effet, pas exclu que la mesure de dépénalisation des délits de presse forge le sens d'engagement des sources journalistiques et l'engouement des professionnels de presse pour le journalisme d'investigations (B). A. La disponibilité des sources d'informations.Le besoin soulevé par les sources journalistiques est la traditionnelle garantie de confidentialité. A ce besoin, la Cour de Strasbourg a répondu par la protection des sources journalistiques en tant que l' « une des pierres angulaires de la liberté de presse »76(*). Il est vrai que dans l'arrêt Goodwin C/ le Royaume Uni, la Cour de Strasbourg ne déduit pas un principe général applicable à toutes les sources d'information77(*). En mentionnant le conflit de valeurs en présence, la Cour estime tout simplement que la volonté de démasquer un salarié ou un collaborateur déloyal ne constitue pas un intérêt suffisant susceptible de l'emporter sur l'intérêt public capital que constitue la protection de la source du journaliste. A côté de ce conflit lancinant qui oppose les nécessités de l'information à la protection de la source d'information, le problème que la dépénalisation pouvait contribuer à résoudre est celui de la disponibilité de la source d'information du journaliste. C'est-à-dire la détermination de la source à jouer pleinement le rôle de pourvoyeuse d'informations nécessaires à la vie démocratique. Car, très souvent convaincu du risque d'emprisonnement encouru par le journaliste et les représailles auxquelles la source elle-même s'exposerait, cette dernière adopte une attitude de réticence. En effet, l'absence de protection tout comme la connaissance du risque d'emprisonnement du journaliste dissuadent parfois les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général. Il s'ensuit une sorte de tarissement des sources au profit de tièdes communiqués officiels ou encore de déclarations sans grand intérêt pour le public en quête d'informations sur la gestion de la cité. La presse n'est plus à même de jouer son indispensable rôle de chien de garde encore moins de fournir des informations précises et fiables. A contrario, la dépénalisation ainsi comprise pourrait augmenter les sources d'informations du journaliste. Car, les questions relatives à la co-activité et à la complicité ne se poseront plus à l'égard desdites sources. Celles-ci, libérées de la peur, seront amenées à réduire leurs appréhensions dans la collaboration avec le professionnel des médias. En somme, le droit reconnu au journaliste de réaliser des publications ne suffit pas à lui seul ; le cadre juridique qui consacre cette liberté doit également prévoir et éliminer les obstacles liés à la collecte de l'information. Sous un autre angle, la dépénalisation des délits de presse pourrait contribuer également à forger un engouement du journaliste pour l'investigation. * 76 Cour européenne des droits de l'homme, 27 mars 1996, Rev. Trim. Dr. h., 1996 p. 493 en cause Goodwin c/ le Royaume Uni. La Cour de Strasbourg a tranché le conflit qui opposait un journaliste britannique à une société commerciale qui s'opposait à la publication d'un article la concernant au motif que les informations détenues par le journaliste viendraient d'un projet confidentiel de plan de développement, qui avait disparu. Un juge des référés, saisi par la société, décida, sur la base de l'article 10 de la loi anglaise sur le « Contempt of Court » que le journaliste devait produire ses notes afin de révéler l'identité de son informateur. Le journaliste s'y refusa et fut condamné à une amende. Il introduisit un recours devant la Commission, estimant que l'injonction qu'il avait reçue portait atteinte à sa liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention. Par son arrêt en date 27 Mars 1996, la Cours a estimé, qu'une ordonnance de divulgation sommant un journaliste de révéler l'identité de son informateur, ainsi que l'amande infligée pour refus d'obtempéré, constitue une atteinte au droit de la liberté d'expression garantie par le paragraphe 1er de l'article 10 de la Convention. V. LEGROS (Pierre), Liberté de la presse immunité pénale et hiérarchie des valeurs, in Mélanges offerts à Michel HANOTIAU, op. Cit., p. 115 * 77 LAMBERT (Pierre), Liberté de la presse, la protection de la réputation d'autrui et la Convention européenne des droits de l'homme, in Liber Amicorum EISSEN M-A., Bruylant, L.G.D.J., 1995, p. 271. |
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