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Approches de solutions durables de prise en charge des réfugiés en situation d'asile: le cas du Bénin

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par Dodzi Tagbédji Romaric ADAHA
Université d'Abomey-Calavi - Maà®trise en Développement Communautaire 2009
  

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2- PROBLEMATISATION DE LA RECHERCHE

2.1- Revue de la littérature

La question de la recherche des solutions durables aux problèmes des réfugiés dans les pays d'asile a été abordée de diverses manières par écrivains et chercheurs. Lors de cette recherche de données théoriques, on s'est rendu à l'évidence que certains chercheurs ont remonté aux sources, c'est-à-dire aux causes qui produisent les réfugiés, d'autres se sont attaqués aux traitements auxquels les réfugiés sont soumis une fois quittés les pays d'origine, d'autres également se sont investis dans la prise en charge des réfugiés, d'autres encore se sont interrogés sur les instruments de gestion des réfugiés dans les pays d'asile, d'autres, enfin, ont abordé la situation des enfants réfugiés, etc.

En effet, Rosenhlatt (1999) l'auteur expose, après s'être interrogé sur les causes qui produisent les réfugiés dans le monde, le drame humanitaire que présente la question des réfugiés surtout en Afrique. Il s'en est rendu à l'évidence dans ses travaux que les réfugiés constituent des cibles pour les politiques du moment où ils sont pris en otage dans des conflits armés pour lesquels ils n'en sont pour rien. Ensuite, il souligne leur nature d'indésirables ailleurs car, selon l'auteur, les réfugiés portent les malheurs d'insécurité, d'instabilité et de misère pour les pays dits d'asile. Déplorant les guerres et les conflits armés comme les premières causes de production de réfugiés, Rosenhlatt en donne l'entière responsabilité aux dirigeants d'Etat et aux hommes politiques. Ainsi, pour lui, la recherche des solutions aux problèmes des réfugiés, pour qu'elles soient durables, doit être abordée essentiellement sous un angle politique et non humanitaire. Enfin, il conclut que « la seule vraie manière de résoudre le problème des réfugiés est de punir ceux-là même qui sont à l'origine des troubles ». Malheureusement, il n'en a pas donné les recettes.

Quant à Wilklinson (2005) dans son analyse théorique sur la situation des réfugiés en Afrique, en l'occurrence ceux du Darfour, il expose dans un premier temps le drame humanitaire sans précédent auxquelles hommes, femmes et enfants sont victimes dans le Darfour. Ce drame sans précédent, selon l'auteur, montre combien il est nécessaire pour les Africains de régler les problèmes africains à l'africaine. Ensuite, dans un second temps, il souligne une nette inégalité observée dans la gestion des réfugiés, entre ceux de l'Afrique et ceux de l'Europe. Parlant donc de cette inégalité, il souligne que les réfugiés des pays du Nord sont bien assistés et bien protégés que ceux des pays du Sud, alors qu'ils sont soumis (les deux types de réfugiés) aux mêmes instruments de gestion et sont régis par les mêmes instruments juridiques. Comme solution, il propose la mise en place d'une médiatisation permanente des hostilités et des drames dans les pays du Sud afin d'attirer l'attention de la communauté internationale sur la situation des réfugiés des pays du Sud dans les camps d'une part et d'inciter les donateurs à s'y intéresser d'autre part. Cela, écrit-il, permettra l'accroissement des dons pour faire face aux multiples problèmes d'assistance et de protection des réfugiés des pays du Sud. Ce point de vue final de Wilklinson, noble qu'il soit, remet par contre l'Afrique sur les rails de la dépendance vis-à-vis de l'Occident. Or, curieusement, ce problème de dépendance en est le premier abordé et déploré par le même auteur dans son étude. Il est revenu là-dessus en y montrant la nécessité.

DIENG (1993) analysant la question du réfugié, pense que c'est arbitraire de catégoriser les victimes des guerres en appelant les uns "réfugiés", en les protégeant et en les assistants parce qu'ayant simplement traversé une frontière et les autres qui subissent les exactions dans le pays d'origine, "déplacés" dont aucune protection juridique et aucune assistance organisée ne sont envisagées. Il pense qu'il s'agit là de deux types de réfugiés : les réfugiés de l'intérieur (les victimes de guerres qui n'ont pas traversé une frontière) et les réfugiés de l'extérieur (les victimes de guerres qui ont traversé une frontière). Cela permettra, selon lui, à traiter les deux types de réfugié équitablement. Dans ce cadre, il pense que la réduction des peines et des souffrances des réfugiés de l'intérieur réside dans la mise en place d'une politique où les chefs d'Etat et les hommes politiques n'auront plus à brandir en cas de conflits internes, l'argument de la souveraineté nationale pour contrer l'intervention de la communauté internationale dont le but est de protéger les réfugiés internes contre les exactions et les drames humanitaires. Pour DIENG, la souveraineté nationale perd sa raison d'être lorsque les populations ne sont pas protégées par le gouvernement d'un Etat en conflit. Il revient dans ce cas, à la communauté internationale de prendre ses responsabilités en apportant son concours de protection et d'assistance aux populations victimes de la violation des Droits humains. Pour lui, c'est déjà un début de la résolution du problème des déplacements massifs en Afrique.

Steinbruner (1992) va plus loin dans la recherche des solutions aux problèmes du réfugié. Pour lui, si les conflits perdurent et créent autant de problèmes tant dans les pays d'origine que dans les pays d'asile, c'est parce que la « communauté internationale n'a pas développé ni principes ni mécanismes de rétablissement de l'ordre civil là où il a cessé d'exister dans un Etat souverain ».Il déplore à cet effet l'inexistence d'une politique d'actions préventives et d'interventions efficaces en cas de crises. Il parle de « principe de légitimité » qui consiste à rétablir dans les pays producteurs des réfugiés, l'Etat de droit et l'ordre civil dans des circonstances où ils ont cessé d'exister. A ce titre, il revient à la communauté internationale d'y veiller, car selon l'auteur, toute action efficace doit avoir un caractère largement international. En outre, il précise qu'une telle politique de résolution du problème des réfugiés doit s'appuyer simultanément sur une large diversité de traditions politiques et culturelles. Enfin, il parle de « la dimension opérationnelle ». Elle consiste à envisager des solutions de manières préventives. En effet, les mesures préventives constituent la meilleure des solutions durables pour les réfugiés. Pour Steinbruner, l'établissement d'un Etat de droit solidaire et de rétablissement de l'ordre civil constituent des conditions sine qua non pour la paix. Ces deux points passent nécessairement par le désarmement et la dispersion des milices.

KPENONHOUN (avril 2004) a fait une étude sur la situation des enfants réfugiés au Bénin. Partant de l'hypothèse selon laquelle les enfants sont les premières victimes des guerres et sont les plus exposés aux problèmes de tout genre compte tenu de leur vulnérabilité et de leur fragilité, il aboutit aux résultats suivants :

- absence d'instruments juridiques pour la protection des enfants lors des guerres ;

- la gestion des enfants réfugiés au Bénin souffre de certaines insuffisances tant sur le plan juridique que sur le plan assistance. En effet, il souligne la non association active du HCR à la détermination du statut du réfugié comme une limite des dispositions juridiques de l'Etat béninois ;

- les enfants réfugiés au Bénin ne sont pas suffisamment associés à la gestion de leur vie ;

- l'auteur constate tout comme le HCR que toutes les solutions durables identifiées jusque-là sont basées sur l'exil. De plus, les mesures de ces solutions durables ne sont prises que de façon curative et non préventive. Enfin, il note quelques insuffisances conceptuelles aux instruments juridiques internationaux relatifs aux réfugiés en l'occurrence la Convention de l'ONU du 21juillet 1951 avec les concepts comme le non-refoulement et la non-expulsion.

En définitive, l'auteur pense que la recherche des solutions durables aux problèmes des réfugiés ne doit pas être vue seulement sous l'angle curatif comme on l'observe aujourd'hui mais plutôt qu'elles devraient se faire accompagnées par des mesures préventives. Cependant, l'auteur a oublié de nous en donner les moyens de leurs mises en oeuvre.

Le Rapport de la Réunion des Experts Régionaux d'Accra (mai-juin 2005) sur les solutions durables à la situation des déplacements forcés en Afrique de l'Ouest, présente dans le cadre de « la mise en place des solutions durables pour fournir des modèles méthodologiques », les propositions suivantes: il s'agit de la Réinstauration de l'Aide au Développement pour les réfugiés (DAR), de la promotion des trois types des solutions durables à travers les 4R (rapatriement, réintégration, réhabilitation et reconstruction). Aussi, et si possible, le développement par l'intégration sur place notamment pour les réfugiés qui restent dans les pays d'asile. Cela, précise le Rapport, permettra de cibler plus efficacement l'aide au développement afin que celle-ci soutienne l'apport aux solutions durables des réfugiés. Ce Rapport a mis en exergue les nécessités de soutenir effectivement les réfugiés dans les pays d'accueil à partir de l'aide au développement. Cependant, une inquiétude se situe sur les modalités de payement d'une telle aide, d'autant plus que le Rapport est passé sous silence là-dessus.

BOURASSA (2007) s'est interrogée sur la question des solutions durables, en l'occurrence sur la réinstallation, l'intégration locale et le rapatriement librement consenti des réfugiés de Guinée. Elle a pu se rendre à l'évidence après son étude qu'il y a un fort engouement pour la réinstallation et un désintéressement pour le rapatriement et l'intégration des réfugiés dans la société guinéenne. Ce désintéressement se traduit par le refus des réfugiés à l'assistance financière accordée par le HCR dans le cadre des activités génératrices de revenus (AGR) pour l'intégration. Ceci, dans l'espoir d'être admis au programme de la réinstallation dans un pays du Nord. Ces réfugiés dont la majorité sont des nationalités libérienne et sierra léonaise refusent de croire que la réinstallation n'est pas admise à tous les réfugiés. Selon l'auteur, les réfugiés pensent que la réinstallation constitue pour eux la seule véritable solution durable. Après avoir présenté cette réalité du terrain, l'auteur pense que la recherche des solutions durables n'emprunte pas une logique de complémentarité entre le rapatriement, l'intégration et la réinstallation, mais plutôt, traite chaque type de solution durable d'une façon autonome et isolée. Ce qui crée, selon elle, les dysfonctionnements dans l'applicabilité. Elle propose à la fin de son étude, la réflexion sur de nouvelles approches pouvant permettre une meilleure complémentarité entre les trois types de solutions durables.

Afrique relance (2007) pose la situation surhumaine des réfugiés dans les pays d'accueil en Afrique. Rapportant l'interview à lui accordée par madame Ogata SADAKO directrice d'alors du HCR à Genève, Afrique relance fait mention de l'aggravation des problèmes des réfugiés comme échec persistant de la communauté internationale d'éliminer les préjudices, la persécution, la pauvreté et d'autres causes profondes des conflits et des déplacements massifs des populations. Aussi, précise la revue, la communauté internationale a la tentation d'ignorer le problème, car l'histoire a montré les déplacements de populations ne sont pas seulement une conséquence, mais aussi une cause des conflits. Sans la garantie d'une situation sécuritaire satisfaisante, il ne peut y avoir de la paix et de la stabilité. Présentant enfin la situation aggravante dans laquelle la Sous région ouest-africaine s'est plongée à cause de la recrudescence des conflits où plus d'un tiers des réfugiés et de personnes déplacés du continent se trouvent en Afrique de l'Ouest vers la fin des années 90, l'Afrique relance jette un regard sur les pays d'asile et elle constate que ces personnes (les réfugiés) sont accueillis par des petits pays déjà pauvres, comme la Guinée qui ne sont pas à même de gérer ces afflux. Pour finir, la revue annonce, sans aucun engagement, la recherche des solutions durables pour les réfugiés de l'Afrique.

Le rapport publié sur le site www. Panos_ao.org, (2002) a analysé la situation des réfugiés dans les pays d'accueil en Afrique. "Une longue et dramatique errance" fut le titre de l'analyse. Elle a abordé les cas des traitements inhumains dont sont victimes les réfugiés sur le continent. Considérés en effet comme des parias, les réfugiés africains ne bénéficient pas du minimum tant sur le plan assistance que sur le plan protection. Le cas des milliers de réfugiés libériens et sierra léonais a été évoqué en guise d'exemple. Par ailleurs, interrogeant les mesures de gestion des conflits en Afrique, le document y identifie une faiblesse des mécanismes régionaux de gestion et y souligne sa non-intégration dans cette dimension des réfugiés. Il propose à cet effet la redéfinition des politiques d'intervention et d'assistance et des prises en charge propres. Enfin, un appel est lancé aux institutions africaines à prendre leur responsabilité au lieu d'entendre tout de la communauté internationale qui ne réagit, selon le document, que par un intérêt.

Nasreddine (2005) fait une analyse sur le caractère universel dont on se sert pour régler les problèmes de l'Afrique. Pour l'auteur, on ne peut pas régler les problèmes des réfugiés africains avec des préceptes universels. Partant de cette hypothèse, il analyse les instruments de gestion des réfugiés, il se rend à l'évidence de leur caractère universel et de leur inadéquation aux problèmes des réfugiés de l'Afrique. Il fait le même constat au niveau des instruments qui doivent s'occuper des affaires de l'Afrique. En guise d'exemple, il a évoqué le cas de la Charte africaine qui, selon lui, à partir de son préambule s'éloigne déjà des réalités africaines. Pour l'auteur, si les Structures des Nations Unies ont démontré leur incapacité à prendre en charge comme il se doit les douleurs africaines, c'est parce qu'elles ne sont pas pensées et conçues avec l'histoire et la géographie africaines. Il trouve que ces Structures sont trop larges et trop vastes et un peu spécifiques au monde occidental qui les a conçus et qui tente de les exporter sur un terrain africain où ils sont exotiques. D'où la nécessité de deux réformes : une structurelle et une organisationnelle. Ainsi, pour lui, la lutte et le traitement de la question des réfugiés en Afrique nécessitent des programmes d'action sur double plan : la géographie et l'histoire. Il met dans la géographie, la reconnaissance et la prise en compte des "caprices de la nature" en vue de lui trouver des solutions adéquates et intégrées. Dans l'histoire, il y met la résolution des litiges, des conflits qui poussent les hommes à vouloir s'exterminer les uns contre les autres. Ce volet historique, précise l'auteur, est plus important que celui de la géographie car la réussite du premier conditionne le succès du second. Puisque l'observation et l'évaluation de plusieurs cas de réfugiés permettent de conclure que chaque variante est un cas d'espèce avec ses propres caractéristiques qui nécessitent un traitement homéopathique. Ce qu'il appelle : l'inéluctable choix entre universalisme et spécificités.

YAKPA (2004) a étudié le rôle des ONG dans la protection et de l'assistance humanitaire des réfugiés au Bénin dans son mémoire. Son étude révèle qu'il y a une implication des ONG dans la gestion des réfugiés en République du Bénin. Cependant, certaines irrégularités à savoir la non-disponibilité des rapports d'activités et de certaines données et l'absence d'une politique sérieuse à rechercher des solutions à long terme y ont été soulignées. Son étude reconnaît les efforts louables des ONG dans la gestion des réfugiés au Bénin et nous renseigne le plus largement possible sur les activités qui y sont menées et les ONG qui y interviennent dans cette gestion.

NDEKO (2005) s'est investi sur l'action du HCR en faveur des enfants réfugiés au Bénin. Il note que malgré qu'il y a un effort considérable du HCR dans la gestion en faveur des enfants réfugiés au Bénin dans les domaines de la protection et de l'assistance, ces derniers sont encore victimes des mauvais traitements comme l'abus sexuel, le trafic des enfants, etc. De même, il note qu'un travail sérieux reste à faire au niveau des instruments juridiques pour la protection effective de enfants réfugiés au Bénin.

AGBADJE (2005) s'est interrogé dans son étude de mémoire sur la question de la protection internationale des personnes déplacées à l'intérieur de leur territoire. Il s'agissait pour le jeune chercheur d'analyser les instruments de gestion des déplacés. Il se rend à l'évidence que des instruments existants n'ont rien de juridique et souffrent de surcroît de nombreuses insuffisances d'ordre organisationnel. Ainsi, le caractère peu efficace de ces instruments, réside dans l'absence des instruments juridiques.

GRANERO (2005) a fait une étude sur la situation des réfugiés au Bénin. Du rapport de l'étude, il ressort que les réfugiés vivant au Bénin sont relativement bien gérés. On y note une volonté de l'Etat béninois et du HCR-Bénin à offrir à la mesure de leurs moyens, "un asile humain" aux réfugiés en République du Bénin. Comme difficultés dans la gestion, le rapport fait cas de l'insuffisance des ressources surtout financières, de la lenteur bureaucratique dans le traitement des dossiers, du manque de personnels, etc. Au niveau des réfugiés, on y note une ambition démesurée qui les conduit souvent à l'adoption des comportements exigeants et parfois violents. Enfin le rapport recommande une maximisation des ressources humaines disponibles à défaut d'en recruter. Il encourage aussi et suggère l'association réelle des réfugiés à l'initiation des activités de leur gestion.

Rapport de l'UNHCR publié en 2002 sous le titre de " les 50 ans du HCR. L'aventure devrait durer trois ans ", retrace les premières actions du HCR en Afrique datant de 1956 jusqu'à l'an 2000. Après une analyse sur les conditions et les circonstances dans lesquelles a été crée cette institution, le rapport mentionne que le HCR n'a fait qu'atténuer les souffrances des réfugiés, surtout de l'Afrique et que depuis lors, des solutions vraiment durables pour les réfugiés en Afrique n'est pas encore trouvées. La preuve est qu'on compte encore dans le monde, selon le rapport, les réfugiés issus de la guerre de Biaffra, du génocide rwandais, etc. Cette analyse pose l'éternel problème de l'adéquation des instruments internationaux conçus à l'occidental et transférés vers l'Afrique pour la résolution de ses problèmes propres à elle. Cette analyse rejoint à cet effet, celle de Nasreddine Lezzar qui parle de « l'inéluctable choix entre universalisme et spécificités ».

Rapport mondial sur les réfugiés, US Committee for refugees and immigrants, (2007) a classé le Bénin au 2ème rang sur le plan mondial après le Canada comme pays où les réfugiés sont mieux protégés. Après avoir mis en exergue les efforts de l'Etat béninois à favoriser l'intégration des réfugiés dans la société béninoise, le rapport note des insuffisances surtout au niveau de l'assistance aux réfugiés. Il note également l'engouement des réfugiés au Bénin pour la réinstallation dans les pays du Nord. Cet engouement pour la réinstallation au mépris des autres solutions amène les réfugiés à s'adonner parfois aux actes de vandalisme dans le souci de faire fléchir les autorités béninoises et surtout celles du HCR à leur octroyer le quitus de la réinstallation. Ce problème, reconnaît le rapport, sabote et parfois paralyse les activités du HCR. Malheureusement, aucune recommandation ni proposition n'a été faite à cet effet. Ce problème reste toujours pendant au Bénin et est similaire à celui qu'a révélé l'étude de Bourassa Marie-Paule en Guinée.

Au regard de tout ce qui précède, on note que les différents auteurs étudiés ont donné les points de vue divers sur la problématique du réfugié. Mais la question de retour des réfugiés dans leur pays d'origine, de leur réinstallation voire même de leur intégration n'a pas été abordée de façon concrète et précise. Les documents ont surtout porté leur intérêt sur les descriptions des situations des réfugiés, sur l'analyse des instruments de gestion des réfugiés, sur les annonciations de la nécessité d'une création des mécanismes de prévention des guerres, sur la question relative aux procédures d'urgence et des aides humanitaires, etc. Au total, les souffrances des réfugiés et les outils de leur gestion sont les thèmes évoqués et analysés. La question des solutions durables en l'occurrence celle liée au rapatriement est passée sous silence.

Ainsi, ces questions restent-elles épineuses et demeurent un gros problème dont aucune idée n'a encore élucidée.

Si les études documentaires nous ont permis de savoir comment certains auteurs ont abordé la question de la recherche des solutions durables, il n'en demeure pas moins que la problématique d'adhésion et d'acceptation des programmes relatifs à la mise en oeuvre des solutions durables surtout à celle du rapatriement dans les pays d'accueil, n'a pas été, curieusement, abordé de façon concrète par lesdits auteurs. C'est-à-dire qu'aucun des auteurs ne s'est interrogé sur le mobile et les éventuelles causes qui pourraient expliquer, à l'instar de notre étude, la réticence et le désintéressement des réfugiés à accepter ou non un programme d'un retour au pays d'origine. L'originalité de notre étude se situe justement à ce niveau précis.

Au regard de cette étude documentaire et des objectifs de notre recherche, le modèle d'étude qui nous a servi d'emprunt est circonscrit dans la section qui suit.

2.2- le modèle d'étude

Le modèle d'étude est le champ dans lequel se circonscrit la recherche. Il permet au chercheur de définir « l'espace où s'exercent diverses formes de pouvoir et où s'expriment des identités. Il reflète et exprime une culture, entendue comme des usages qui fixent des modèles de comportements, s'organisant dans des règles communes (institutions et règlements), important des valeurs, et construisant des schémas de stratégies politiques ».16(*)En effet, la mise en oeuvre des solutions durables à la situation des réfugiés présente deux principaux types d'acteurs : il s'agit des acteurs gestionnaires (directs ou indirects) et des acteurs victimes. Les premiers, c'est-à-dire les acteurs gestionnaires sont appelés à concevoir et à mettre en oeuvre les règles qui définissent les modalités de traitement et de gestion dans la recherche des solutions durables aux problèmes des acteurs victimes. Ces derniers, c'est-à-dire les acteurs victimes, doivent respecter et accepter ce que leur proposent les acteurs gestionnaires (les trois types de solution durable). Mais les acteurs victimes, n'ayant pas le choix, acceptent de respecter le règlement, mais en le renversant de façon rusée ou en l'interprétant d'une manière qui pourrait les arranger ou encore en se rangeant du côté qu'ils jugent rentable (le choix inopportun d'une seule solution durable au détriment des deux autres restantes) conformément à leurs intérêts et à leurs besoins. Du coup, on se retrouve en face des « jeux de pouvoir », de « stratégies » et de « rationalité », selon le mot de Friedberg17(*). En effet, l'analyse de l'auteur sur le phénomène de l' « organisation » dans sa généralité et dans sa dynamique même, se révèle comme structuration (les règlements officiels établis) et restructuration (les règlements officiels désabusés) des contextes dans lequel se déploie l'action collective des hommes (le choix personnel des acteurs victimes). Les interactions se cristallisent en ordres locaux contingents, provisoires et aux limites incertaines (les éventuels conflits qui naissent entre les acteurs gestionnaires et les acteurs victimes). Ceux-ci (les acteurs victimes) sont relativement autonomes par rapport aux grandes régulations politiques et culturelles d'une société (les Institutions de décision telles que le HCR et la CNAR) et mettent en question l'homogénéité et l'unité supposées du champ social dont ils soulignent le fractionnement irréductible. Pour Friedberg, « tout phénomène social peut être analysé comme le produit des comportements d'un ensemble d'acteurs qui sont liés entre eux par de l'interdépendance stratégique et dont les interactions renvoyant les uns aux autres, forment système et obéissent à un ordre local, celui-ci étant entendu comme la règle et la régulation ». Ainsi, l'ordre local produit par les jeux des acteurs sont des construits sociaux présentant un caractère contingent car pouvant être remis en question. Dans le cas d'espèce, comme le souligne si bien l'auteur, « l'apparition de nouvelles opportunités tout autant que l'apprentissage de nouvelles capacités peuvent permettre aux acteurs concernés la mobilisation de ressources nouvelles et proposer ou imposer de nouveaux problèmes comme de nouvelles solutions ».

Somme toute, l'analyse de Friedberg dans l'un de ses derniers ouvrages intitulé  « le pouvoir et la règle dynamique de l'action organisée »18(*) prend en compte le champ de notre étude qui se veut de comprendre les comportements des acteurs victimes à la réticence tels qu'analysé précédemment plus haut.

Le modèle d'étude étant défini, il convient de clarifier les concepts autour desquels va se consacrer notre étude

Quelques définitions pour clarifier les concepts qui nous serons familiers durant cette étude.

2.3- Clarification conceptuelle

Réfugié : la définition de ce concept se repose sur trois instruments importants d'application régionale : les principes de Bangkok adoptés en 1966 par ce qui s'appelait alors Comité consultatif juridique afro-asiatique (AALCC), la Convention de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique adoptée en 1969, et la Déclaration de Carthagène de 1984.

La conjugaison de ces éléments dit alors que le réfugié est une personne :

· qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques

· qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité

· qui ne peut ou ne veut se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel se trouve sa résidence habituelle et ne veut y retourner par crainte d'être persécutée.

Au plan du droit international, une personne est considérée comme un réfugié dès qu'elle répond aux critères retenus pour la définition. En appliquant ces critères, une personne n'acquiert pas le statut de réfugié parce qu'elle est reconnue comme tel, mais bénéficie de cette reconnaissance parce qu'elle est un réfugié. Toute déclaration relative au statut de réfugié précise que la personne visée est un réfugié.

Solution durable : permet au réfugié de sortir de la condition précaire de l'asile et d'entamer une reconstruction de sa vie étant entendu que la durée de l'asile devra être la plus courte possible. C'est donc tout moyen permettant de résoudre de façon satisfaisante et durable les problèmes que pose la situation des réfugiés et de leur faire mener une existence normale. Il existe trois solutions durables à savoir : rapatriement librement consenti, l'intégration locale et la réinstallation.

Rapatriement librement consenti (RLC) : est le retour volontaire d'un réfugié dans son pays d'origine pour s'y établir durablement. Le HCR ne mettra en oeuvre cette solution durable que si des conditions de sécurité et de dignité sont réunies.

Le point de départ du RLC est :

- une décision libre du réfugié basée sur une information objective.

- L'Etat d'origine dot veiller à assurer des conditions d'accès aux services de base et à mettre en oeuvre, dans la mesure du possible, des programmes de réinsertion socio-économiques en collaboration avec le HCR et d'autres agences des Nations Unies.

Le rapatriement peut être :

Spontané, lorsque le réfugié décide de renter spontanément sans informer le HCR.

Facilité, dans le cas où suit à une évolution positive de la situation dans le pays, des réfugiés manifestent le souhait de retourner dans leur pays. Le HCR peut accorder une assistance qui néanmoins sera limitée.

Organisé, après la signature des accords tripartites entre le pays d'asile, le pays d'origine et le HCR par lesquels les Etats offrent des garanties pour un retour dans la sécurité et la dignité. Le HCR, en collaboration avec d'autres partenaires organise une campagne de sensibilisation au retour. Une assistance est accordée aux réfugiés et un programme de réintégration des rapatriés est mis en place avec les partenaires.

La communauté internationale considère le rapatriement librement consenti comme une solution privilégiée car on ne vit mieux que chez soi.

Intégration locale : consiste à amener le réfugié à reconstruire sa vie dans le pays d'accueil lorsque les conditions pour un retour au pays tardent à venir. Le rôle de HCR est de promouvoir l'intégration en facilitant des initiatives de recherche d'emploi ou d'auto prise en charge. Dans ce cas, un effort d'intégration est attendu de la part du réfugié. Il doit :

- s'intéresser à la vie de la communauté d'accueil

- respecter les valeurs culturelles et les devoirs qui pèsent sur lui en tant qu'étranger

- chercher une activité génératrice de revenus pour se prendre en charge.

Les autorités du pays d'accueil doivent faciliter l'intégration en prenant des mesures pour :

- faciliter l'accès à la nationalité et aux services publics

- la protection contre d'éventuelles atteintes à la sécurité physique...

- l'insertion socio-économique : accès à l'emploi, au crédit...

Réinstallation : est un moyen de protection par lequel le réfugié peut être installé dans un autre pays d'asile dans certaines conditions bien définies.

1- la première condition est d'avoir été reconnu réfugié de manière individuelle.

2- Les réfugiés susceptibles d'être réinstallés sont identifiés par le HCR et ses partenaires sur la base des critères suivants :

- menaces graves à la sécurité physique

- victimes de violence sexuelle ou d'actes de torture

- raisons médicales graves

- les femmes à risque

- regroupement familial

- les enfants / adolescents non accompagnés

- impossibilité d'insertion après des efforts prouvés d'intégration

- les personnes âgées.

Pour pouvoir poursuivre l'examen d'un dossier, le réfugié doit satisfaire à l'un de ces critères.

3- la procédure de réinstallation est la suivante :

- le réfugié passe un entretien approfondi avec un fonctionnaire de la section Protection qui examine les besoins de réinstallation. A l'issue de l'entretien soit :

1- il ne remplit pas les critères, dans ce cas, une lettre de rejet lui sera adressée ou,

2- il répond aux critères et son dossier est envoyé au Bureau régional du HCR à Accra qui examinera la demande à son tour.

3- Si l'avis du Bureau régional du HCR à Accra est favorable, le dossier est soumis aux autorités d'un pays de réinstallation, lequel examinera la demande en fonction de ses propres critères. Après examen du dossier et entretien individuel avec le réfugié, les autorités de ce pays peuvent accepter ou rejeter la demande. Le réfugié sera informé de la décision.

4- Le Bureau régional du HCR à Accra assurera le suivi du dossier auprès des autorités du pays qui a accepté la réinstallation.

La réinstallation n'est pas un droit mais répond à une nécessité examinée par le HCR. Les cas sont examinés par le HCR de manière individuelle.

La reconnaissance prima facie : c'est une procédure de détermination collective de la qualité de réfugié selon laquelle, sauf preuve du contraire, chaque membre du groupe est considéré à première vue comme réfugié. C'est cette procédure qui est adoptée en cas d'afflux de demandeurs d'asile.

2.4- Etude du problème

En signant les Traités et les Conventions relatifs aux réfugiés, le rôle des pays d'asile est d'assurer une protection internationale aux réfugiés. Ce rôle devrait connaître son terme aussitôt que la paix est revenue dans leur pays d'origine. Cela voudrait dire que les réfugiés retournent dans leur pays une fois que les dispositions nécessaires sont réunies. D'autres mesures comme l'intégration locale ou la réinstallation peuvent être prises en cas de la durée des conflits dans les pays d'origine ou de la persécution dont les réfugiés peuvent être victimes. Dans tous les cas, le retour du réfugié dans le pays d'origine constitue, selon le HCR, la meilleure des solutions durables (HCR-Bénin, avril 2007) à cause de son caractère de double-résolution du problème : la décharge du pays d'accueil et le retour chez soi comme l'unique lieu où l'on vit mieux. Le rapport de la Réunion des Experts Régionaux sur les solutions Durables à la Situation des Déplacements Forcés en Afrique de l'Ouest tenue du 30 mai au 1er juin 2005 à Accra au Ghana, a réitéré et encouragé ce point de vue dans le cadre de la recherche des solutions durables.

La République du Bénin est l'un des principaux pays d'asile qui abritent un nombre considérable des réfugiés provenant des pays de la Sous-région KPENONHOUN, C. (2004). En effet, « au 1er janvier 2006, la population totale relevant de la Représentation régionale du HCR couvrant quatre pays à savoir Burkina Faso, Niger, Togo et Bénin était approximativement de 43340 personnes dont 2947 demandeurs d'asile. Le Bénin à lui seul abritait 31989 personnes dont 30294 réfugiés », soit un pourcentage de 73,81% du nombre total (HCR-BENIN, mars 2006). Ces chiffres dénotent que la République du Bénin est l'un des grands pays d'asile de la Sous-région. Venus essentiellement de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale19(*), les réfugiés sont déjà plus d'une vingtaine de nationalités en 1999 au Bénin (KPENONHOUN, 2004).

Se séparé brusquement des siens loin de toutes ses réalités, laissant derrière soi toute sa fortune pour un pays étranger souvent inconnu et y vivre pour un temps indéterminé aux dépens des "gestes humanitaires", est la chose la plus pénible au monde. Le réfugié vit au quotidien dans le désespoir hors de sa patrie et souvent au mépris de la société d'accueil. La recherche des solutions durables devient une nécessité dans les pays d'accueil puisqu'elles contribuent à alléger les souffrances, à réduire les peines de dépendance, à favoriser l'intégration et à redonner l'espoir de vivre aux réfugiés (Nations- Unies, 2007).

Protéger les réfugiés contre toute sorte de persécution, avec l'aide du HCR, en attendant l'amélioration des situations qui ont provoqué leur départ forcé de leur pays, est la mission essentielle qui est assignée au pays d'asile. Ainsi, le souci majeur du pays d'asile est d'aider les réfugiés à y trouver refuge et à y bénéficier d'une protection en attendant leur retour prochain. Le droit d'asile au réfugié a, a priori, un caractère temporaire. Tacitement, le droit d'asile pourrait perdre sa raison d'être une fois que le pays d'origine s'est stabilisé, garantissant un retour dans la dignité et la sécurité des réfugiés. Dans ce cadre, le retour de la paix dans le pays d'origine dans un temps record, constitue l'une des conditions sine qua non pour le rapatriement.

Au Bénin, la plupart des réfugiés qui y vivent proviennent des pays de la Sous-région ouest-africaine comme le Togo, la Côte d'Ivoire, le Nigeria, la Guinée-Bissau, le Libéria, etc. et des autres contrées de l'Afrique telles que le Tchad, la République Démocratique du Congo, l'Angola, etc (pré-enquête, mars 2007). Aujourd'hui, nombre de ces pays ont retrouvé leur vitalité et un rétablissement de la paix. Dans le souci de la recherche des solutions durables à leurs situations, le HCR-Bénin et la CNAR ont proposé le rapatriement, première solution durable aux réfugiés concernés. Les conditions nécessaires sont prévues pour leur rapatriement dans la dignité et la sécurité (Pré-enquête, mars 2007). Mais les réfugiés concernés par ce programme en expriment leur réticence et n'y adhèrent pas malgré toutes les actions de sensibilisation menées par le HCR (pré-enquête, mars 2007). Cette réticence au rapatriement librement consenti se ferrait certainement en faveur d'autres choix que seules les recherches pourraient révéler.

Eu égard tout ce qui précède, les questions suivantes se posent: pourquoi les réfugiés expriment-ils leur réticence au programme du rapatriement ? Quelles en sont les causes ? Comment y remédier ? La recherche de réponses à ces questionnements nous amène à émettre l'hypothèse suivante :

2.4.1-Hypothèse

Les réfugiés sont réticents et se désintéressent du programme du rapatriement parce qu'ils veulent bénéficier de la réinstallation dans les pays tiers des continents américain européen.

Cette hypothèse sera la base qui va guider les recherches en vue d'atteindre les objectifs.

2.4.2-Objectif principal

L'objectif principal de notre recherche est de comprendre les motifs et causes qui sous-tendent la réticence et le désintéressement des réfugiés à adhérer au programme de rapatriement en République du Bénin.

2.4.3-Objectifs spécifiques

De manière spécifique, il s'agit :

1- identifier les motifs et causes de la réticence et du désintéressement des réfugiés à adhérer au programme du rapatriement en République du Bénin.

2- connaître les sources de ces motifs et causes

3- faire des suggestions pour y remédier

Pour conduire à bien notre étude, il convient de définir la démarche méthodologique à suivre.

* 16 DAKPO, P.C. (2003). Dynamique politique et sportive au Bénin : le mouvement sportif associatif ou les enjeux de pouvoir (1960-2001), thèse de doctorat unique des Universités, 41p

* 17 Co-auuteur de l'Acteur et le système, sa contribution à l'analyse des organisations est le développement systématique d'un cadre théorique et d'une démarche méthodologique pour l'analyse de l'action organisée.

* 18 FRIEDBERG, E. (1993). Le pouvoir et la règle dynamiques de l'action organisée, Editions du seuil, 25p.

* 19 HCR-Bénin, 2006, symbole du sous projet : 06/AB/WAF/LS/401/ED (a).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault