la société anonyme à directoire et à conseil de surveillance en tunisie(étude comparative France -Tunisie)( Télécharger le fichier original )par Kais Ben Saida Université de perpignan - master en droit privé et sciences criminelles 2005 |
SECTION II : CONFLITS ENTRE LE DIRECTOIRE ET LE CONSEIL DE SURVEILLANCEMalgré sa qualité intellectuelle, la distinction entre la gestion et le contrôle entraîne un certain nombre de difficultés qui se traduisent par des conflits dans le couple d'organes254(*). On va s'intéresser à préciser les conflits de compétence (paragraphe 1er) d'une part et les conflits d'opportunité (paragraphe 2ème) d'autre part. Paragraphe I : Conflits de compétenceLes conflits de compétence peuvent naître des insuffisances de la loi ou des statuts. Insuffisance légale, lorsque les textes ne précisent pas, à propos d'un acte, quel est l'organe compétent. Insuffisance statutaire, lorsque le pacte social accorde au conseil de surveillance une compétence excessive ou mal formulée. En effet, lorsque la loi ne précise pas à propos d'un acte déterminé, la compétence de l'organe social, dans ce cas la solution se base sur les principes auparavant dégagées, c-à-d lorsque l'opération ne relève pas du pouvoir de contrôle, et elle n'est pas dans les autres cas de la compétence réservée du conseil, il semble qu'elle relève de celle du directoire255(*). Du reste l'éventualité d'un empiétement peut revertier l'habit d'une clause statutaire qui exige par exemple le recours au conseil de surveillance dans tous les cas ou la majorité exigible au sein du directoire n'a pas été atteinte. Cette clause permet ainsi au conseil de surveillance « tout simplement de prendre la décision à la place du directoire », à ce titre elle peut être assimilée à une délégation d'une portée générale du pouvoir de la direction au profit du conseil de surveillance. On pourrait imaginer de ce fait une situation dans laquelle un même pouvoir appartiendrait au directoire et eu conseil de surveillance. Cependant, le problème de compétence peut se poser lorsque les textes ou la loi ne désignent pas l'organe habilité pour effectuer l'opération qu'ils réglementent, et se bornent à désigner « la société » et non un organe précis. Il en est ainsi, pour l'agrément d'un cessionnaire d'actions là où le législateur n'a pas pris le soin de clarifier l'organe compétent256(*). Dans ce cas, il appartient aux statuts de trancher cette question, le directoire d'ailleurs ne semblerait pas apte pour agréer une cession, son pouvoir se limiterait à la direction. Et le cas ou le directoire ne comporte qu'une seule personne, le directeur général unique, il serait incommode de confier la décision d'agrément à une personne qui pourrait agir selon ses intérêts257(*). Il serait donc plus judicieux de confier l'octroi de cet agrément au conseil de surveillance qui semble plus apte à prendre ce genre de décision258(*). En outre, le conflit de compétence peut se manifester lorsque la loi reste muette concernant certaines attributions telle par exemple, la convocation de l'assemblée générale extraordinaire. On pourrait par analogie que celle-ci est convoquée par le conseil de surveillance puisque l'article 243 CSC le désigne pour la convocation de l'assemblée générale ordinaire. En fait, l'introduction de la « clause catalogue » en droit français est conçue comme « ....une soupape aux excès possibles d'une séparation des pouvoirs trop rigide, produisant soit des abus de gestion dont le fait accompli s'imposerait au contrôle à posteriori soit, à l'inverse la paralysie d'une direction timorée259(*) ». Cette n'a été introduite qu'à la séance du 22 avril 1966 devant le sénat. Cette clause permet aux deux organes de la société que sont le directoire et le conseil de surveillance de prévenir les conflits qui peuvent surgir entre eux. Si, malgré tout, le ou les conflits subsistent, ceux-ci peuvent être absorbés par l'assemblée générale, organe souverain de la société qui est chargée de régler ce conflit. Quand bien même, il est inopposable aux tiers, ce principe de l'autorisation préalable du conseil de surveillance pour certains actes à accomplir par le directoire énumérés dans les statuts, permet une collaboration pratique entre les organes de gestion et de contrôle, résolvant ainsi les éventuels conflits. Il y a lieu aussi d'évoquer ce qu'on appelle les conflits d'origine statutaire, ces conflits naissent des stipulations du « catalogue » des opérations de gestion qui doivent faire l'objet d'une autorisation préalable du conseil de surveillance, car il semble extrêmement délicat de définir les limites de la compétence ainsi accordée au conseil, et donc la réduction acceptable de l'autonomie du directoire260(*). En outre, l'autorisation n'est pas à proprement parler une immixtion dans la gestion. La première initiative revient au directoire, qui dispose, en cas de refus du conseil, d'un recours devant l'assemblée générale261(*) . Le défaut d'autorisation ne constitue un dépassement de pouvoir que dans l'ordre interne. Le conseil de surveillance n'agit que dans cet ordre, sauf rares exceptions, et les autorisations sont des limites statutaires, inopposables aux tiers262(*). La difficulté commence de ce fait, lorsqu'il faut définir objectivement les opérations pour lesquelles une autorisation du conseil ne saurait être exigée, c-à-d, lorsque l'on cherche à déterminer les cas ou le directoire peut prétendre qu'il n'y a pas lieu à autorisation. Cette attitude lui permet, certes, de ne pas donner une autorisation, mais aussi de faire tomber un refus, et c'est le seul moyen, puisque le conseil et l'assemblée jugent discrétionnairement. Ainsi, ce dernier joue un rôle actif dans la gestion. Mais, il ne faudrait pas que ce « catalogue » dénature son rôle de contrôle, il ne doit pas non plus limiter ou restreindre le pouvoir de gestion du directoire. Même en cas de silence des statuts le conseil de surveillance ne pourra pas décider à la place du directoire au risque de porter atteinte au principe de séparation des fonctions. En effet, si les membres du conseil de surveillance s'immiscent dans la gestion de la société réservée au directoire ou encore autorisent imprudemment certains actes de gestion préjudiciables à la société lorsque leur autorisation est requise, ils sont responsables civilement de leur faute de gestion263(*). * 254-H. Lecompte, Etudes de divers problèmes concernant le fonctionnement des sociétés avec le directoire, Mél. Bastion, t. I, p.145, spé. P.154 et s. * 255-D. Bastian, précité. n°486. * 256-Hynd Douieb, thèse précitée, p.177. * 257-Ibid. * 258-Du Cheyron du Pavillon V.A, L'agrément d'un associé, thèse Bordeaux 1972, p.229. * 259-SINAY .R, La société anonyme de type nouveau du projet de loi français sur les sociétés commerciales, Gaz. Pal.1966 I. * 260-Paul Le Cannu, op. ; Cit., n°131, p.116. * 261-Ibid. * 262-Art.L.124, al.3 de la loi française de 1966. * 263-Hynd Douieb, thèse précitée, p.180. |
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