3.2 Le point de vue et l'objet
3.2.1 La volonté d'objectivité
La problématique de l'objectivité est centrale
dans toute démarche scientiifique.Les sciences dites eaactes se
présentent comme étant les plus ifiables et les autres sciences,
notamment celles dites humaines luttent à ressembler à ces
modèles d'objectivitéMais, nous l'avons déjà
abordé dans la partie théoriquemême les sciences exactes ne
peuvent
30p. cit, p 369.
atteindre le paroxysme de l'objectivitéCest dailleurs
pour cela que Martinet, qui reprenait les enseignements de Saussure, insistait
sur le postulat « Cest le point de vue qui fait l'objet. »
Dans Mémoire de singe et paroles d''homme4,
Boris Cyrulnik, éthologue et psychanalyste, nous confie sa
démarche scientifiquesa volonté dobjectivité et les
difficultés que la science connaît pour y parvenir. C'est que
lanalyse scientifique est dépendante de la démarche
d'observation. Or c'est cette position centrale de lobservateur qui pose
problème. C'est, par ailleurs, le problème que soulève
Lévi-Strauss lorsquilcommente es écrits de Marcel Mauss et la
question du fait social total5. Ce qui n'est pas sans aller à
l'encontre de la citation d'Albert Einstein qui se refusait à concevoir
lobservateur comme donnée à inclure dans l'observation :
« Trouver des lois de la Nature dont la forme reste
identiquetrouver une image du monde qui soit indépendante de
l'observateur»6
Cette idée selon laquelle l'observateur est à
exclure de lobservationtient au fait que « [...1 l'observateur par le
simple fait de nommer la chose observée, la modifie.» ? C'est donc
un réel problème auquel la science en général est
confrontée. Pour autant, Lévis-Strauss lorsqu'il commente le
travail de Marcel Mauss8 parle d'objectivation infinie,
c'est-à-dire que son discours sur Mausssubjectif puisquedépendant
de son point de vue, devient lui-même objet d'un autre discours ce qui
permet une certaine objectivation puisque la critique devient l'objet de la
critiqueAinsi tout discours devient ui-même objet d'un autre discours et
ceci à l'infini sans que lobservateur soit exclut de sonanalyse puisque
c'est son point de vue qui fonde lobjet
A propos de la difficulté à rendre compte des
événements selon une certaine objectivité, Boris Cyrulnik
raconte cette anecdote à propos dun devoir écrit que ses
éèves devaient rendre au sujet des femelles tupayes et de leur
acte de cannibalisme elles dévorent leurs enfants) :
« [.. .1 Un autre pensait que le propre de la nature
féminine est dêtre agressée. « Etre enceinte, c'est
subir le mâle. De toute façonles femelles, ça na pas la
capacité de se défendre. Alors, cette bonne femmeelle se
défoule en mangeant son enfant. »Un autre refusait de
répondre parce que la méthodologie était critiquable, que
je ne fournissais pas assez de données, que je les influençais au
nom d'un savoir qui m'accordait le pouvoir [1 Une jolie féministe
expliquait de manière très ferme que cétait comme
ça que les males assuraient leur suprématie. La condition des
femelles tupayes est tellement insupportable que plutôt que de perdre
leurs enfantselles préfèrent les manger se les
réincorporer. Le cannibalisme féminin est la preuve du sadisme
des mâles.
4.
5Voir .
?Ibid. p 18. 7lhid, p 39.
8.
Ces réponses renforcent en moi l'idée que toute
opinion sur le monde est un acte de création autobiographique. En
parlant des femellestupayes, chaque étudiant n'avait parlé que de
lui même. Interpréter le mondecest livrer son inconscient.
L'observer, c'est déjà linterpréter»?
Concernant le sujet de notre mémoire, il est
indéniable que du point de vue adopté par le scientifique et ses
convictions dépendent les résultats de son analyse.Ace titre,
Boris Cyrulnik préçise :
« L'événement psychique est tellement
reconstruit par la personnalité de celui qui le perçoit, que,
bien souvent, il apporte plus de renseignements sur la structure mentale de
celui qui observe que sur la chose observée. » 10
Ainsi donc, toute démarche analytique semble-t-elle
vouée à une subjectivationirrémédiable. Ce qui
n'est pas sans poser le problème de la subjectivité dans ce
présent mémoire.
|