Analyse des articles parus dans 2 médias français a propos de la centrafrique entre 1979 et 2003( Télécharger le fichier original )par Didier Martial PABANDJI - NDACKA Université Panthéon Assas Paris II - Diplôme de l'Institut Français de Presse de l'Université Panthéon Assas Paris II 2008 |
III. TYPOLOGIE DES TRAITEMENTSLes deux hebdomadaires français que nous avons analysé ont traité chacun à sa manière et selon sa ligne éditoriale les informations sur la RCA. Le Nouvel Obs étant du centre-gauche ne peut pas traiter les informations sur l'Afrique de la même manière que L'Express qui appartient à la droite. Ainsi, il y a une différence dans la typologie des traitements, avec quelques similitudes. Des différences, il faut dire que L'Express n'a pas publié de nombreux articles sur la Centrafrique. Même si, en faisant la recherche dans les archives du magazine on peut compter 41 articles entre 1979 et 2003 dans lesquels on parle en profondeur ou on cite la Centrafrique, seulement 20 articles parlent réellement de ce pays. Encore parmi les 20, on ne trouve qu'un seul article, celui publié le 23 mai 1996 sur les mutins qui refusent de désarmer. Cet article présente les différentes mutineries, la suite des événements ainsi qu'une précision sur l'envoi des renforts par Paris. C'est un article du « politiquement correct » pour un peu plus de diversité et de l'international dans les lignes du journal. Mais en réalité, le sujet est traité de manière lapidaire sans beaucoup de nouveauté sur ce que le lecteur pourrait déjà savoir. Quant au Nouvel Obs, il est le magazine d'informations qui a battu le record dans le traitement des informations sur la République Centrafricaine. Entre le créneau de 1979 à 2003, il a diffusé un total de 275 articles mentionnant le nom de Centrafrique ou de Bangui. Parmi ceux-ci, on ne compte que 71 articles qui parlent réellement de la RCA, dont 11 articles fouillis qui sont exclusivement consacrés aux événements dans ce pays. A l'intérieur de cette fourchette, on dénombre deux grands reportages : le premier, date du 28 novembre 1986 où le journaliste présente Bokassa qui attend son procès et qui raconte son arrestation et sa vie en prison dans un récit. Le second reportage remonte au 09 janvier 1987, concernant la pandémie du Sida à Bangui. Dans cet article, la journaliste présente la situation de la pandémie du sida qui a atteint 4% de la population à l'époque, dans ce pays qui ne bénéficie d'aucun soin15(*). On précise que les médecins de l'institut Pasteur de Bangui se battent, mais « mission impossible » pour aider la population qui considère la maladie comme une malédiction, ou mauvais sort. Sur les 9 autres, on peut noter 6 articles dont deux avec photos datant de 2002 et 2003, lors de la tentative et finalement du renversement de Patassé par Bozizé. La question fondamentale est de savoir pourquoi est-ce que ces deux hebdomadaires ne publient-ils pas beaucoup d'articles sur la RCA ? On en vient à la réflexion suivante : il y a des règles communes aux journaux. Et ces règles se résument dans la Loi de proximité et la notion d'angle. La loi de proximité est un point fort pour la Presse écrite. C'est un moyen efficace pour intéresser largement les lecteurs ou le public à un thème. Il s'agit ainsi de traiter les informations « made in France », les informations franco-françaises. L'international, l'Europe ne trouve pas beaucoup de succès dans la vente. Cette loi de proximité désigne la technique par laquelle le journaliste ne traite, publie et ne diffuse que des informations qui concernent son lectorat ou son audimat. Priorité absolue est donnée aux événements et faits de quartiers, de la commune, du département ou de la région. Dès lors, on distingue quatre lois de proximité par rapport aux attentes et préoccupations du lecteur : socio professionnelle, géographique, psychoaffective et temporelle. Le socioprofessionnel concerne la vie sociale du lecteur, son métier (employeur, salaire, condition de travail, compétences, avenir) et ses loisirs (culture, passion, passe-temps). Le géographique est relatif à tout ce qui entoure l'individu. Plus on parle des choses qui lui sont proches géographiquement, plus il est intéressé. Et plus on s'éloigne de la maison, du quartier, de la ville, moins le sujet est intéressé. Le temporel concerne le passé, le présent ou l'avenir. Mais plus on parle du passé ou de l'avenir, moins la personne est intéressée. C'est l'actualité qui compte. Le psychoaffectif fait allusion à la santé, argent, vie affective, sentiment et émotion. Par exemple la publication des articles sur un crash loin de la France, une catastrophe naturelle etc. Ceci dit, les informations sont hiérarchisées et traitées par les deux magazines en tenant rigoureusement compte de cette loi de proximité. D'ailleurs force est de constater que sur l'ensemble des articles publiés sur les événements en Centrafrique, 95% concernent la France et/ou ses ressortissants, ses intérêts. Et ceux qui traitent uniquement de la RCA rentrent dans la loi psychoaffective. Il s'agit d'événements tragiques, comme la mutinerie, la propagation du Sida, la pauvreté. Ces sujets touchent à l'émotion, au sentiment. Et donc cela pourrait intéresser le lecteur français. Sur l'ensemble des articles diffusés par Le Nouvel Obs l'effectif de ceux de l'an 1979 est le plus élevé. En cette année, le journal a publié 11 articles sur la RCA. Cela s'explique par le renversement en cette date de l'ex-empereur Bokassa avec tout le corollaire qui y a suivi. La plupart des articles touchent les personnalités du gouvernement, principalement Valérie Giscard d'Estaing avec l'affaire des diamants qu'il a reçu en cadeau des mains de l'ex-empereur, et Delpey, proche du premier qui était un ami de Bokassa et qui voulait tenter de le ramener au pouvoir par la force. Les journalistes n'ont fait que rejoindre l'idéologie capitaliste selon laquelle « la France n'a pas d'amis, elle n'a que des intérêts ». En outre, sur l'ensemble de tous les titres tant au Nouvel Obs qu'à L'Express, seulement deux articles ont été rédigés par un envoyé spécial au Nouvel Obs. Les autres sont des papiers rédigés sur place avec une vision binaire, stéréotypée de l'Afrique et de son peuple. Il existe une faiblesse chez les journalistes dans la rédaction des papiers sur la Centrafrique. Le fait que ce pays soit peu connu, il est difficile de trouver des informations complètes en ligne qui parlent des événements qui s'y déroulent. Tout se passe comme si les journalistes des deux hebdomadaires français avaient oublié ce pays à la mort de Bokassa. Par ailleurs, les troubles politico-militaires qui sont traités dans ces deux magazines se font en retard, alors que c'est des magazines d'actualité. Les directions des deux titres ont expliqué ce décalage par le fait que les journaux paraissent les jeudis. Ce qui crée un écart entre l'événement et la date de sa parution dans les lignes des journaux. Beaucoup de faits sur la RCA passent sous silence. Le peu qui est traité est fait de manière lapidaire, souvent en brève ou en quelques signes. Les années 1996 - 1997 et 2001, 2002 - 2003 sont celles qui ont marqué la vie sociopolitique de la RCA. Les deux premières par les trois mutineries successives d'une partie de l'armée qui réclamaient leurs soldes ; les autres : le coup d'Etat manqué de mai 2001, puis la tentative de prise de pouvoir de Bozizé en octobre 2002 et celle réussie en mars 2003. Paradoxalement, Le Nouvel Obs a publié en 1996 et 2001, un seul article concluant, en 1997, trois ; en 2002, 5 articles puis 9 en 2003. L'Express a, quant à lui, publié le 23 mai 1996 un article sur la mutinerie. Le reste des événements sont traités en corrélation avec la France. De toutes ces idées, il en ressort que les deux hebdomadaires ont trois façons de traiter les informations sur la Centrafrique dans leurs colonnes. La première est que les informations sont traitées en lien avec la France, ceci afin de respecter la loi de proximité géographique. La deuxième est que les nouvelles sont publiées en tenant compte des Français qui vivent dans ce pays (ressortissant français) en rapport avec leur travail, leur sécurité (proximité socio professionnelle et temporelle). La dernière respecte la loi de proximité psychoaffective. On publie des articles sur des événements graves comme pandémie, massacre de la population etc. La typologie du traitement est subordonnée profondément à la notion de rentabilité. Les magazines sont écrits pour être vendus et faire du profit. A cet effet, les journalistes et leurs rédacteurs en chef publient en priorité les nouvelles qui peuvent leur rapporter beaucoup d'argent. Donc, c'est une politique économique qui fait que les informations sur la Centrafrique sont traitées de manière squelettique ou lapidaire. Car cela n'intéresse pas grand monde. Et pour ne pas laissé toutes les informations sur ce pays à la poubelle, les journalistes les traitent en relation avec les intérêts français. Du coup, le professionnalisme laisse sa place au capitalisme. * 15 Voir résumé en annexe. |
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