Chapitre II : L'internationalisation du droit
pénal.
Le développement des acteurs économiques au
statut désormais global oblige le droit pénal de sortir de son F
I I ELIPMEtRU I I lISRM \I I I SSCLUEZ I I u-delà. &RQfIRQtp 1I I I
IEM I I LIESH5 aisé des valeurs hautement contradictoires telles
le\31RB\ 1-1l1Homme et le marché, le marchand et le non
marchand, le droit pénal économique traditionnel se
révèle moins adapté poulnpLIuOLUD\ I I FUZ\ELIlRE I I u{
EGEMpFRQRP Te : les pouvoirs privés économiques. Et pourtant, il
semble être un puissant instrument de régulation internationale
des acteurs pFRQRP LIue\, 1 FRQMIRQ MCIQtgLIIHRI\' I I SSIRSIERe\ rp I I litp\
II l I I LI aRl I I litp I I Ftuelle.
/ 'iQtMQ I I tIRQ I I li\ I I IIRQ dMIR111SpQ I I l I\tIeQ f I
I EMQ processus par lequel le droit pénal lQterQe iPQ I( t I I t iRQQp
pAlQd \ I I FRP SpteQFe I I u{ II I I it\ qui naturellement lui
échappent et qui RQt vRF I I IIRQ S î\MTrpLIi\I\RMS I I
rADRIR1INE'uQ I I Ftre I( t I I t, \Rit par le droit international. Cette
internationalisation ou mondialisation des juges « conduit à
une extension de leur compétence
j 111F1Di is 1 21DyD 1 2 iIDucu 1 2 III 1 2 TIRID
i iDclePh 1 2 iFDMFil#2 iD i (1Di is PRPPLi j Gin ifD 1 2I -113Dr
des
étrangers, sur des victimes
étrangères)152 . Elle a des fondements divers,
soit le souci 011P SrFKELMRDUHP SuQi3p,1\RIIVO \RuFi
GFUSIRtpLIILF\I\ II\\RLIi\\ I I Qt\. I( QP I I 31g11 économique,
elle peut aussi se fonder sur le souci de moraliser les agents
économiques qui ont un lien avec II( t I I OMI I I Qçais ou le
marché français. La relative inefficacité du droit
pénal pFRQRP lTXFIIQterQ I I tERQ I I lEMDfldpIlFiWCpQeilpLIN I I
tERQUpSII\\IMM-\ SRMROE\ SULp\ économiques assurée par un organe
international FRQIRDMI I I OKg\HEFIIIQterQ I I tIRQ I I li\ I I tIRQ du droit
SpQ I I l1pFRQRP lTXF11QterQe 1l1encontre des acteurs du
marché. Dans un contexte de « crimes globalisés » et de
« risques globaux »TOLFKRI{ MED'iQterQ I I tIRQ I I li\ I I IIRQ
3MR1W interne pour réguler efficacement les acteurs économiques
au statut international peut sembler réducteur153.
&WilrKg\HT\HP FOLIRQ:p11d I I Q\ l I I P e\uZHIRE1l'iQtRQ I I tERQ I I E\ I
I tERQ13 ·DIR1W interne comme solution au désordre et au vide
répressif qui semble caractériser les activités
transnationales des acteurs économiques est porteuse de risquHi'lP SpLI
I I lI\P HjDIICIqDE,ffRire judiFi I I ire de\ I( t I I t\ le\ Slu\ fRrt\
à l'eQdrRit de\ I( t I I t\ f I I ible\. 7 RutefRi\, dev I I Qt l' I I
b\eQFe 1'uQ droit international pénal économique et la dilution
croissante des frontières entre les différents territoires, le
droit nHERit S I I \1tre eQ re\te. &'e\t SR011)Rl le droit pénal
économique interne
152 M. DELMAS-MARTY, Le droit pénal comme
éthique de la mondialisation », Rev. Sc. Crim., 2004, p.
6
153 M. DELMAS-MARTY, /117orFIF/PDH 1 2D 1 2
ieffliTIRi iMWD iif e i lpi 1 2ivlisel, collection La Couleur des
Idées, Editions du Seuil, Paris, 2004, p. 241
devrait se servir des leviers du droit pénal interne
pour pacifier l'ordre international, ne serait- ce qu'à défaut.
La difficulté que connait le droit pénal international
économique des personnes morales obligerait le droit interne à
prendre ses responsabilités sous peine de déni de justice.
L'ordre public pénal en droit économique ne saurait se satisfaire
d'une analyse décontextualisée, les nouveaux sujets du droit
pénal économique étant des acteurs mouvants et capables de
se défaire aisément des liens qu'ils ont avec un for. #172;~
l'épreuve des mutations économiques, le droit pénal
interne doit s'adapter et avoir une réponse à la
délinquance économique à l'échelle
internationale.
Toutefois, pour rtre efficace à l'endroit des agents
privés de la mondialisation, le droit pénal interne devra s'en
donner les moyens. C'est la raison pour laquelle les conditions précises
doivent être réunies (section I) pour une mise en oeuvre efficace
(section II).
Section I : Les conditions d'une internationalisation
effective.
Il est question ici de scruter les moyens qui seront utiles au
droit pénal interne pour réguler effectivement les pouvoirs
privés économiques. Il a été démontré
les défaillances du droit pénal traditionnel et ses
difficultés à encadrer effectivement les acteurs
économiques même sur le plan interne. La spécificité
des acteurs à l'endroit desquels il se déploie hors de son cadre
naturel devrait avoir une influence sur le contenu même du droit
pénal appelé à s'internationaliser. C'est pourquoi les
acteurs mrme de l'action publique mettant en cause ces nouveaux sujets du droit
pénal devraient rtre redéfinis (§ 1) et le personnel de
l'appareil juridictionnel répressif spécialisé (§
2).
§ 1 : La redéfinition des acteurs de
l'action publique.
Traditionnellement, il est admis que le sujet principal de
l'action publique est le ministère public, représentant du corps
social dont l'ordre a été troublé par les agissements du
délinquant. L'action publique est elle-même une action
exercée au nom de la société, en principe par les soins
d'un corps spécial de magistrats (le ministère public) qui a pour
objet l'application de la loi pénale à l'auteur du fait
réputé délictueux, et à la réparation du
dommage causé à la société154. Il
ressort de cette définition que le ministère public a le monopole
de l'exercice de l'action pour l'application des peines, mrme s'il est
concurrencé
154 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri
Capitant, PUF, 2003, p. 23
dans sa mise en mouvement par des personnes pouvant justifier
d'un intérêt, à l'instar de la victime ou des groupements
agréés. Ces acteurs peuvent obliger le ministère public
à poursuivre, donc à exercer sous son contrôle une action
publique, du moins en droit interne. Le constat ne vaut pas lorsque l'action
trouve son fondement dans une cause présentant des
éléments d'extranéité. Ici, le ministère
public retrouve son monopole de mise en oeuvre155 .
Il se dégage de ce qui précède que le
seul sujet actif à même de poursuivre efficacement les pouvoirs
privés économiques en droit positif est le ministère
public. Or, il est admis que le ministère public n'a pas l'obligation de
mettre en mouvement l'action publique. Son activité est gouvernée
par le principe de l'opportunité des poursuites et non pas par la
légalité de poursuite. Déjà en droit interne, il ne
poursuit pas toutes les infractions et les statistiques des poursuites d'office
des faits commis à l'étranger sont faibles. La majorité
des actions publiques contre les personnes privées économiques
pour des faits commis hors du territoire de la République l'ont
été à l'initiative des personnes privées
(association, victimes). Par exemple, ce sont les associations qui sont
à l'origine des rares poursuites qui ont été mises en
oeuvre contre les grandes sociétés exerçant à
l'étranger, arrêtées dans leur soif de justice par les
prérogatives du Parquet156. Dans l'affaire des
présumés travailleurs forcés birmans contre Total, on a
comme sujet actif de l'action l'association Sherpa ; dans l'affaire de
complicité de crime de guerre reproché à la firme anglaise
Afrimex, le sujet actif est l'Organisation Non Gouvernementale Global
witness.
Il serait souhaitable pour une efficacité dans
l'application des incriminations relevant du droit pénal
économique international, qu'on reconnaisse aux associations, victimes
étrangères, Organisation Non Gouvernementale justifiant d'un
intérit, la qualité de mettre en oeuvre l'action publique contre
les sociétés transnationales. Ainsi, ces nouveaux acteurs
pourraient poursuivre une société transnationale au pénal
devant un for avec lequel l'entreprise mise en cause présente des liens
juridiques ou économiques solides. Que ces nouveaux sujets de l'action
publique puissent obliger le ministère public à poursuivre une
entreprise dès lors que leurs actions sont recevables, même si
pour des raisons d'opportunité, le ministère public pourrait
conserver les prérogatives de contrôle de l'exercice de
l'action.
155 Article 113-8 du Code pénal : « Dans les cas
prévus aux articles 113-6 et 113-7, la poursuite ne peut ttre
exercée qu'à la requr~te du ministère public. Elle doit
rtre précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants
droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays
où le fait a été commis».
156 W. BOURDON, Entreprises multinationales, lois
extraterritoriales et droit international des droits de l'homme, Rev. Sc.
Crim., 2005; (4), l'auteur rapporte ici les propos du représentant
du Parquet qui justifie le refus de poursuivre par le fait que « les
dommages subis par les villageois camerounais ne justifient pas d'encombrer un
juge français lui-même déjà saturé, de
tâches et de missions ».
Cette consécration aura comme un effet
bénéfique sur la lutte contre l'impunité transnationale
des entreprises. Il a été démontré les
difficultés qu'ont les victimes de la délinquance transnationale
à traduire leurs bourreaux devant les juridictions des États dans
lesquels les faits reprochés ont été commis. Par exemple,
dans l'affaire des paysans camerounais contre l'entreprise Rougier,
l'association Sherpa qui représentait les victimes avait soutenu son
action par l'impossibilité matérielle de poursuivre une
multinationale devant la justice camerounaise réputée corrompue
et non autonome157. Cette action avait été
rejetée pour défaut de production d'une décision
étrangère définitive sur le même fait condamnant
l'auteur principal158. On se rend compte que les textes regorgent
des obstacles de droit empêchant une poursuite effective des
délits transnationaux reprochés aux entreprises transnationales.
De mrme, dans l'affaire des travailleurs forcés birmans contre Total, le
ministère public avait multiplié des obstacles de
procédure pour emprcher que l'action n'aboutisse. Il serait souhaitable
qu'une réforme soit faite pour adapter les actions publiques de source
transnationale intentées devant le juge pénal aux
caractéristiques de l'ordre économique international et
éviter que « les frontières passées soient autant
de protection pour les délinquants »159. Par
exemple, il ressort de la convention de l'OCDE que la corruption d'agents
publics étrangers est réprimée, mais seul la corruption
active l'est lorsque le fait est commis en dehors des pays de la
communauté européenne. Or, la non incrimination de la corruption
passive lorsqu'elle implique un fonctionnaire hors communauté
européenne a pour effet de diminuer les efforts de répression de
ce fléau. Les associations locales qui détiendraient les preuves
qu'un fonctionnaire a été corrompu par une entreprise
transnationale n'auraient pas légalement intérêt de faire
poursuivre devant le for du pays d'origine de l'entreprise à l'origine
de la corruption.
De mrme, lorsque l'action trouve sa source dans le droit
économique international, il faudrait que les magistrats qui
connaîtront des actions répressives contre les pouvoirs
privés économiques aient la compétence nécessaire
pour bien juger les faits et parer ainsi la dérive des expertises qui
mine l'efficacité mrme du droit pénal.
157 Le Cameroun est reconnu par l'ONG Transparency International
comme l'un des Etats le plus corrompus du Monde et sa Justice vient en
tête des institutions publiques les plus corrompues
158 W. BOURDON, op. cit., « Il s'agissait là
d'un véritable obstacle de droit si tant est le climat de corruption
généralisée au Cameroun rend impossible que soit
engagée une quelconque poursuite à l'encontre de l'un des
principaux opérateurs du marché du bois »
159 M-A. FRISON-ROCHE, Le droit des deux mondialisations,
Archives et philosophie de droit n° 47, 2003, p. 17-23
§ 2 : La nécessaire spécialisation
des magistrats.
Le repli du droit pénal économique et la
montée en puissance de la justice pénale des experts est
imputable à la non spécialisation des magistrats en charge
d'appliquer le droit pénal en général et le droit
pénal économique en particulier. Les pouvoirs privés
économiques sont une catégorie de délinquants particuliers
dans la mesure où les infractions qui leur sont reprochées
portent généralement sur les inobservations des règles
spécifiques, des prescriptions relevant de l'ordre public
économique, mise en oeuvre par des autorités spécifiques :
les autorités administratives indépendantes. Le déficit de
la justice répressive en matière de droit pénal
économique pourrait être aisément comblé par la
spécialisation des magistrats en matière économique. Les
efforts sont déjà en vue dans ce sens. Par exemple le Parquet de
Paris dispose d'un pôle économique et financier avec des
magistrats compétents en matière économique. Ce pôle
financier s'est illustré dans la poursuite des infractions constitutives
d'abus de marché telles le délit d'initié et aussi dans la
poursuite des cas de corruption internationale à l'exemple de la
corruption d'agents publics étrangers160. Cette
spécialisation est d'autant plus importante aujourd'hui que les
infractions économiques sont généralement commises
à la faveur de la dérèglementation et de la
mondialisation, mais surtout de la concentration des activités de
production, de distribution et de service entre les mains des groupes. Une
capacité d'appréciation souveraine des faits reprochés aux
acteurs économiques dépend de la compétence des magistrats
à pouvoir oeuvrer utilement à la manifestation de la
vérité et à avoir une bonne connaissance du monde de
l'entreprise et du droit économique, de mieux cibler les axes de
répression et de limiter les non-lieu à cause des transaction
conclues entre les victimes et les acteurs économiques mis en cause.
Cette spécialisation permettrait au juge répressif de reprendre
son rôle dans le contentieux répressif impliquant les pouvoirs
privés économiques et de veiller à l'application des
principes mrme du droit pénal et des caractères de l'action
publique. Une action menée effectivement et sous le contrôle des
magistrats spécialisés et compétents permettrait de
remédier au dévoiement des caractères de l'action publique
comme en attestent les différentes affaires évoquées au
160 On peut citer parmi les différentes affaires
connues par les magistrats de ce Parquet, l'affaire de délit
d'initié des cadres d'AEDS qui a connu son premier règlement avec
la condamnation de M. Imad LAHOUD. On peut aussi évoquer la tonitruante
affaire Clearstream qui est actuellement en phase d'instruction et implique
certaines personnalités politiques. En matière de corruption, on
peut évoquer le cas du géant pétrolier Total dont le
patron avait même été gardé à vue dans les
locaux dudit Parquet pour les besoins d'enqurte au sujet des pots-de-vin
versés à l'étranger.
cours de ce travail : l'action publique est éteinte
pratiquement par la transaction et le Parquet y renonce parfois, ce qui est
dommageable.
La spécialisation des magistrats chargés
d'appliquer le droit pénal aux pouvoirs privés économiques
n'est qu'un alignement de la France à un mouvement qui a gagné
tous les pays industrialisés. C'est ainsi qu'aux Pays-Bas, le
ministère public dispose d'un Parquet spécialisé à
compétence nationale pour les affaires économiques et
financières, composé de cinquante procureurs
spécialisés et deux cent cinquante collaborateurs. Les
juridictions de jugement sont également différentes des
juridictions de droit commun. En Espagne, une division
spécialisée du Parquet de Madrid a également une
compétence nationale pour certaines infractions économiques ou
lorsque l'affaire présente une grande complexité. En Allemagne,
les procureurs bénéficient de formations spécifiques dans
le domaine comptable et économique. Au Royaume-Uni, enfin, le service
des poursuites de la Couronne (Office of Public Prosecution) dispose d'une
branche indépendante et spécialisée, le bureau des fraudes
graves (Serious Fraud Office)161. Cette spécialisation
devrait rtre mise en oeuvre pour toute la chaine pénale, du Parquet qui
initie les poursuites au juge de jugement en passant par le juge d'instruction.
C'est une condition sine qua non d'une mise en oeuvre efficace de
l'action publique à l'encontre des pouvoirs privés
économiques.
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