8-L'endettement extérieur et politiques
macroéconomiques
Il est utile de faire une distinction entre les
conséquences d'une nouvelle accumulation de dette extérieure et
les conséquences d'une dette extérieure existante importante sur
l'efficacité des politiques macroéconomiques. L'accumulation de
dette extérieure (notamment aux fins des dépenses
intérieures) dans des conditions de taux de change fixe tend à
affaiblir la régulation monétaire en influant directement sur la
masse monétaire. Cet effet s'observe en particulier dans les pays
débiteurs qui ne disposent pas des moyens appropriés pour
stériliser l'impact des entrées de capitaux sur la masse
monétaire. Même si les effets sur la masse monétaire et sur
le revenu finiront à terme par renverser la tendance initiale à
l'expansion monétaire, ce processus de correction découle de
l'expansion monétaire elle-même, et perturbe la stabilité
à court terme du taux de change. L'ampleur de cette perturbation
dépend du cadre temporel et de l'intensité des flux par rapport
à la taille de l'économie. Ainsi, pour maîtriser
entièrement les conséquences des emprunts extérieurs sur
l'expansion monétaire, il faudrait renoncer à l'engagement en
faveur d'un taux de change fixe ou imposer des limites aux mouvements de
capitaux.
Un endettement élevé peut également nuire
à la politique monétaire, en particulier lorsqu'on procède
au refinancement d'une dette extérieure importante ou à la
correction d'un taux de change désaligné. La présence de
tels facteurs signifie que des variations du taux de change peuvent avoir des
incidences importantes sur le bilan des entreprises et des
sociétés financières.
En particulier, une dévaluation de la monnaie peut
rendre ces entreprises techniquement insolvables sous l'effet de la hausse de
la valeur de la dette extérieure en monnaie nationale. Cette solution
est parfois nécessaire et utile, en particulier dans les pays où
les entreprises se sont mises en situation financièrement
vulnérable pour avoir compté sur une monnaie
surévaluée. Dans la mesure où ces entreprises utilisent
des facteurs importés, leurs coûts d'exploitation risquent d'avoir
été réduits artificiellement par cette
surévaluation. La dévaluation de la monnaie met un terme à
ce processus et impose une discipline économique salutaire. Toutefois,
les autorités craignent les effets possibles de cette mesure sur les
entreprises nationales et leur réticence à pousser ces
dernières à la faillite pourrait les conduire à surseoir
à la correction du déséquilibre du taux de change. C'est
ainsi que l'existence d'une dette extérieure importante limite
l'application des politiques macroéconomiques.
Une dette extérieure importante réduit
également la souplesse de la politique budgétaire. Comme il est
impossible de réduire les paiements d'intérêts, en
particulier dans les situations où on procède à une
correction du taux de change, l'ajustement a un impact plus sérieux sur
les dépenses intérieures, y compris celles effectuées pour
les biens non échangeables ; ce qui provoque du chômage.
Compte tenu des difficultés inhérentes à la mobilisation
des recettes et à la réduction des salaires, les corrections
prendront vraisemblablement la forme d'un gel des salaires, d'une hausse de la
dette intérieure, ou d'une activation de la planche à billets,
nuisant ainsi sérieusement à la compétitivité
nécessaire pour améliorer l'aptitude à assurer le service
de la dette. La contradiction entre l'amélioration de la
compétitivité et le maintien d'un budget équilibré
est plus sérieuse en conditions d'endettement public élevé
(Dornbusch, 1993). Ainsi, l'existence d'obligations importantes en
matière de service de la dette tend à perpétuer la
surévaluation de la monnaie et les déficits budgétaires
importants.
C'est pour corriger ces effets que la théorie s'est
préoccupée du lien étroit qui existe entre endettement et
performances économiques. Premièrement, le paiement du service de
la dette (dans le présent comme dans le futur) peut réduire
l'investissement (courant et futur) et par la suite la croissance
économique. Pour Peter Wickam « la croissance est
tronquée dans le présent, si le fardeau de la dette affecte le
flux courant de ressources disponibles pour le pays ; dans le futur un
taux élevé de ressources destinées au paiement du service
de la dette décourage l'investissement.» Deuxièmement, le
fardeau de la dette comme paiement de son service ainsi que son
reéchellonnement peut affecter l'environnement politique en vigueur et
pervertir les politiques économiques.
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