Introduction générale
L
Introduction générale
a vente est le mode juridique d'accession à la
propriété le plus naturel, puisque cette opération a pour
effet le transfert du droit du vendeur à l'acheteur. Cependant le
schéma classique de la vente a longtemps paru
inadapté à la commercialisation des immeubles neufs, pour des
raisons tenant au financement de la construction car même soutenus par
les banques, les promoteurs ont rarement les moyens financiers de faire
arriver à terme leur programme de promotion.
Afin de résoudre ce problème, il y a eu la
proposition de faire participer au financement de la construction d'immeubles
ceux qui sont directement intéressés par le programme,
c'est-à-dire les accédants à la propriété.
Mais cette proposition manquait du cadre légal et juridique.
La loi du 28 juin 1938, en France, regroupait les candidats au
logement à l'intérieur d'une société de
construction dans laquelle ces derniers faisaient des apports en vue de la
réalisation de l'objet. Puis, s'en était suivi un autre mode qui
consistait en la vente d'immeubles non encore construits, c'est-à-dire
sur plan, a des accédants qui étaient invités à
verser des sommes d'argent de long mois avant que l'immeuble ne leur soit
livré.
C'est de cette évolution que la vente d'immeubles
à construire a pris naissance et a été par la suite
réglementée et encadrée par la législation afin de
la dissocier de la vente d'immeubles après achèvement,
appelée aussi la vente « clé en main ».
La vente d'immeubles à construire était
née bien avant que le législateur français n'intervienne
pour la règlementer. Cette règlementation s'était faite
d'une manière progressive, et c'est seulement la Loi du 03 janvier 1967
qui a donné un statut à cette vente.
Avant la loi suscitée en France, c'était le code
civil qui la règlementait et qui en constituait le texte de base et de
référence.
Les mêmes procédures ont été suivies
par le législateur algérien.
L'article 1130 du Code Civil Français précise que
:
«Les choses futures peuvent être l'objet d'une
obligation » ;
ainsi que l'article 92 du Code Civil Algérien qui stipule
que :
« Les choses futures et certaines peuvent être
l'objet d'une obligation ».
Mais il en est résulté beaucoup de
problèmes tels que les garanties suffisantes de cette vente. Le Droit
commun ne répondait pas à cette aspiration car à titre
d'exemple l'acquéreur qui avançait des fonds pour financer la
construction se trouvait réellement impuissant lorsque
l'opération échouait du fait de la faillite du promoteur.
De plus, par exemple en France, et après la
deuxième guerre mondiale, les rapports de forces entre acquéreurs
et promoteurs étaient tels que les premiers ne pouvaient exiger ni un
délai de livraison, ni des garanties efficaces de bonne fin.
Et c'est à partir de ce constat que le
législateur commençait à intervenir, d'abord à
travers le décret 54-1123 du 10 novembre 1954 qui visait à
protéger l'épargne contre certaines activités
répréhensibles dans le domaine de la construction, ensuite par la
Loi de 1961 qui tentait à protéger les accédants contre
les dangers encourus dans diverses formules de commercialisation d'immeubles.
Cela a prévalu jusqu'à la parution du texte de base servant de
cadre légal à la vente d'immeubles à construire, la Loi du
03-01-1967, et le décret d'application l'accompagnant1.
Les débats sur cette opération ou plutôt
sur la promotion immobilière en Algérie ont été
menés à partir de l'année 1986 avec l'apparition du
premier texte dans le domaine 2 , suivi plus tard par le
décret du 01 mars 1993 relatif à l'activité
immobilière. Mais l'expérience y est moins connue qu'en France,
pays qui reste l'un des pionniers au monde dans ce domaine.
Donc, 1986 a été l'année du début de
la première codification de la promotion immobilière en
Algérie (expérience menée dans deux Wilayas pilotes :
Sidi-Bel-Abbès et Sétif.
1 Décret 67-1166 du 22-12-1967 modifié
par le décret 72-489 du 13/06/1972.
2 Loi 86-07 du 04 mars 1986 relative à la
promotion immobilière
Cette expérience a connu un grand succès
auprès des deux parties concernées. D'une part, les pouvoirs
publics qui n'arrivaient pas à répondre à une demande de
logement de plus en plus pressante (en impliquant les demandeurs
répondants à des critères sociaux favorables à
réaliser eux même leurs logements par le biais
d'intermédiaires immobiliers qui sont les promoteurs), et d'autre part
les accédants eux-mêmes en choisissant la méthode qui leur
semble bonne sur la base d'un contrat de vente discuté avec les
promoteurs constructeurs.
Ensuite, avec l'ouverture de l'Algérie sur le libre
marché mondial, le volet de la vente d'immeubles construits où
à construire n'a pas échappé à ce
phénomène qui a connu un rythme accéléré.
C'est donc une activité relativement récente en
Algérie qui visait surtout «.... le développement du
patrimoine immobilier 3 ». La promotion immobilière
étant «.... modulée en fonction des besoins d'immeubles
ou ensembles d'immeubles à usage principal d'habitation
4».
Mais du fait de la crise de logement, le législateur
favorise «l'habitat collectif et semicollectif particulièrement
en matière urbain ». 5
En 1993, la définition est légèrement
atténuée, puisque «l'activité de promotion
immobilière regroupe l'ensemble des actions concourant à la
réalisation où à la rénovation de Biens immobiliers
destinés à la vente, la location, où la satisfaction des
besoins propres 6».
Ce nouveau décret a introduit pour la première fois
une notion et une méthode nouvelles de vente sur plan.
Par cette nouvelle méthode, le législateur a
voulu mettre un terme aux opérations d'escroqueries qui ont
été effectuées par certains promoteurs immobiliers peu
scrupuleux et insoucieux des conséquences négatives de leurs
actes sur les acquéreurs.
3 Article 03 de la Loi 86-07
4 Article 03, al/2 de la Loi 86/07.
5 Article 05 de la Loi 86/07.
6 Article 02 du décret législatif 93/03
du 01 Mars 1993 relatif à l'activité immobilière.
Durant les deux dernières décennies, la demande
de logement est devenue tellement pressante, que les pouvoirs publics
n'arrivaient pas à y faire face. La solution qui semblait adaptée
à ce genre de situation d'urgence a été par l'implication
directe des acquéreurs au moyen d'opération de vente sur plan
apportant une aide financière non-remboursable aux accédants
à cette formule de vente ayants droit à cette aide à
condition de répondre à un certain nombre de critères.
Cette formule de vente appelée logement social participatif (LSP) :
social d'abord parce que l'état apporte sa contribution par le biais
d'une caisse appelée « Caisse Nationale de Logement » (CNL) et
participatif parce que les acquéreurs apportent leur participation
personnelle directement ou par un crédit immobilier. Cette
méthode donc a presque pris le devant de la scène
immobilière et a dominé la majorité des opérations
de vente sur plan.
Le logement social participatif est donc une vente sur plan,
confiée au début de son application aux agences
foncières7, puis aux promoteurs privés. Cette
opération comprend donc plusieurs intervenants :
v l'acquéreur (le principal acteur),
v le promoteur (l'intermédiaire de réalisation),
v la banque (l'instance financière),
v l'État (intervenant par le biais de la CNL qui
octroie des aides non remboursables aux acquéreurs (aides qui varient
entre 300000,00 DA et 500000,00 DA) selon certaines conditions,
v le Ministère de l'Habitat et de la
Construction8 (intervenant dans le cadre de la viabilisation une
fois le programme réalisé9.
7 Ce sont des entreprises sous tutelle des communes
créées par le biais de la Loi 90-25 portant orientation
foncière et le décret 90-405 portant création des agences
foncières chargées de gérer et de réguler le
marché immobilier et foncier.
8 Le Décret exécutif 94-308 du
04-10-1994 définissant les règles d'intervention de la CNL en
matière de soutien financier et l'Arrêté
interministériel du 15-11-2000 fixant les modalités d'application
du décret suscité modifié et complété par
l'arrêté du 09 Avril 2002.
9 Voir le chapitre 721 du Budget du ministère
suscité.
Cette évolution dans le domaine de la vente sur plan en
Algérie, a certainement apporté des solutions à la crise
du logement mais elle a aussi suscité beaucoup d'interrogations, et
posé beaucoup de problèmes, surtout ceux liés aux
garanties d'édifier, de livrer mais surtout aux garanties de bonnes
fin.
Cette situation a encore une fois poussé le
législateur et les pouvoirs publics à procéder à la
création d'un Fonds de Garantie et de Caution Mutuelle de la Promotion
Immobilière10 et ce, afin de contrer certaines pratiques
malsaines de quelques promoteurs malveillants, et afin d'apporter le maximum de
mesures de protection aux acquéreurs.
Pour conclure sur l'expérience que connaît le
marché Algérien, et sans entrer dans les détails, on dira
que la législation algérienne doit évoluer de façon
à accompagner la montée surprenante du marché de la
promotion immobilière, afin d'être plus souple, plus rassurante,
mais surtout plus fiable et plus protectrice pour l'acquéreur.
La vente d'immeubles à construire est celle donc par
laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un
délai déterminé par le contrat.
Elle peut être conclue à terme ou en l'état
futur d'achèvement.
C'est aussi un projet et un désir d'acheter germant
chez l'acheteur et constituant la première étape de l'acquisition
du Bien immobilier. Le futur acquéreur commence d'abord par
préparer l'action à réaliser en demandant conseils
auprès d'experts, également à se renseigner sur les
modalités les plus adéquates et aussi à établir un
comparatif de l'objet convoité tant sur le plan qualitatif que
financier.
Il étudie ce qui est annoncé, en s'interrogeant
sur certains paramètres répondant à ses exigences :
délais de livraison, conformité de la construction aux normes
présentées, prix, etc.
10 Décret 97-406 du 03-11-1997 portant
création d'un fond de garantie et de caution mutuelle de la promotion
immobilière (FGCMPI).
Cette décision d'achat va engager le futur
acquéreur pour de longues années car on n'achète rarement
un Bien pour le revendre rapidement. Les acheteurs souhaitant réaliser
de simples opérations de profit ou de bénéfice (commerce
immobilier) sont minoritaires.
Sur un autre plan, le pouvoir d'achat de la majorité des
ménages est tel qu'il est pratiquement impossible d'acheter en versant
le montant intégral du Bien.
Dans 95% des cas, une transaction immobilière est
réalisée au moyen de crédits bancaires. La nature des
prêts est très variée, leur attribution étant
conditionnée par de nombreux facteurs et divers critères. Mais ce
qui intéresse le plus l'acquéreur est la mise en place du budget
d'achat : il s'agit d'évaluer en premier lieu et dans un premier temps
la somme globale de l'opération d'achat du logement, ensuite de pouvoir
évaluer les dépenses, les charges et les mensualités de
remboursement que va entraîner cette opération.
Ces derniers temps la plupart des appartements se vendent sur
plan, ce que les professionnels en Algérie appellent la vente sur plan
(VSP). En France ou au Maroc, elle est appelée la vente en l'état
futur d'achèvement (VEFA).
C'est l'un des contrats les plus utilisés en
matière de construction et de vente de logements notamment en milieu
urbain. La vente sur plan résume donc son objet : elle est un contrat
par lequel une personne (l'acquéreur) contracte avec une autre personne
(le constructeur ou le promoteur) engagée à lui réaliser
sur un terrain dont elle a bénéficié un immeuble dont il
deviendra propriétaire au fur et à mesure de l'avancement des
travaux par voie d'accession.
Dans les opérations de vente sur plan ou de vente en
l'état futur d'achèvement, et dès que l'acquéreur
se lance dans l'opération d'achat sur plan, il ne dispose initialement
que du plan de masse du nouveau site d'habitation (plan des divers
appartements, l'emplacement de l'immeuble). Il lui faut donc situer son Bien
sur le plan puis attendre au moins 18 mois pour y habiter.
Cette longue attente peut s'assimiler dans certains cas
à une véritable aventure ; ce qui a incité le
législateur algérien à intervenir dans le but de
réglementer cette opération, et aussi de donner
plus d'assurance et de garantie aux futurs acquéreurs.
La vente sur plan ou la vente en l'état futur
d'achèvement est donc un contrat de vente soumis à la
théorie générale du contrat et aux dispositions du Code
Civil (en ce qui concerne l'Algérie11 d'une manière
particulière).
Le même principe s'applique aussi à la
législation concernant les contrats de vente qui sont soumis aux
dispositions du code civil français. 12
C'est donc un contrat de vente réel dont l'objet est
déterminé avant la transaction et qui est à la fois
visible, visitable et accessible. Mais dans le cas de vente en l'état
futur d'achèvement l'objet n'est pas déterminé mais
déterminable.
En droit musulman par exemple, il est interdit de conclure des
contrats de vente d'une production agricole précoce, c'est ce qu'on
appelle la vente « Bayâa-Esselem » (en français
«vente par anticipation »).
Pourquoi donc la législation d'une manière
générale a autorisé ce genre de contrat malgré les
risques qu'engendre cette vente du fait de l'objet réalisable dans le
futur ? Quel est la nature juridique de ce genre de transaction ? Quelles sont
les garanties et les assurances données par la législation dans
ce cas précis ?
Afin de répondre à ce genre d'interrogations
à travers ce modeste travail, nous avons procédé dans la
première partie au traitement du régime juridique de la vente en
l'état futur d'achèvement en analysant les règle
générales du contrat préliminaire et du contrat de vente
définitif, et dans la deuxième partie à l'analyse de la
nature des garanties légales du vendeur dans la vente en l'état
future d'achèvement et dans la vente sur plan.
11 Article 08 du décret 93/03 relatif à
l'activité immobilière.
12 Article 1601-1 et suivants, Article 1646-1 et
2108-1 du code civil Français.
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Partie I
Le régime juridique de la vente
en l'état future d'achèvement
et de la vente sur plans
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