CHAPITRE V
ESSAI D'EXPLICATION DE LA
VARIATION DES COMPORTEMENTS SEXUELS A RISQUE
Le recours à l'analyse multivariée explicative
est justifié d'une part, par le souci de mieux examiner les associations
entre les caractéristiques des célibataires et leurs pratiques en
matière de sexualité et d'autre part, pour identifier les
déterminants les plus pertinents parmi les caractéristiques
associées aux comportements sexuels de la population de
référence. Dès lors, il a été jugé
nécessaire de procéder par des analyses multivariées
explicatives sur le multipartenariat sexuel des 12 derniers mois et la
non-utilisation du condom au dernier rapport sexuel précédent
l'enquête. Pour chacun de ces comportements, les modèles pas
à pas issus de la régression logistique ont été
utilisés. Les modalités de référence des variables
ont été sélectionnées par rapport aux effectifs. La
modalité comportant l'effectif le plus important ayant constitué
la référence (R).
A/- RISQUE RELATIF DES
COMPORTEMENTS SEXUELS DES CELIBATAIRES
La régression logistique permet d'avoir les risques
relatifs de l'occurrence des comportements sexuels étudiés. Les
modèles pas à pas ont été utilisés en
commençant par le modèle brut M0,
modèle des variables de contrôle (précocité des
rapports sexuels, l'âge, la région de résidence). Les
autres variables ont été introduites successivement en
commençant par celles du modèle culturelles (ethnie, milieu de
socialisation, religion), ensuite, le niveau d'instruction (modèle
M4), s'en est suivi
les modèles M5 et
M6 (activité économique et conditions
de vie des ménages). Puis, l'exposition à la radio et à la
télévision (M7 et M8) et
enfin la connaissance des modes de prévention du Sida
M9. Le modèle M9
permet l'identification des déterminants. Dans ce
modèle, une variable est identifiée comme déterminant si,
en plus d'avoir au moins une modalité à "odd ratio" significatif
au seuil retenu, elle présente elle-même une association
significative avec la variable dépendante. Nos déterminants ont
été retenus au seuil de 5%.
a/- Le multipartenariat sexuel des
12 derniers mois
Le tableau V.1 présente les résultats de la
régression logistique du multipartenariat sexuel des 12 derniers mois
comme variable endogène avec les autres variables exogènes. Le
modèle M9 est celui des déterminants
du multipartenariat sexuel des célibataires dans les 12 derniers mois
ayant précédé l'enquête. Pris au seuil de
signification de 5%, deux variables déterminent le multipartenariat
sexuel : le niveau d'instruction et la connaissance de mode de
prévention du sida.
Le niveau d'instruction semble être la seule variable de
l'environnement socioculturelle significativement associée au
multipartenariat sexuel des célibataires. Toutes choses égales
par ailleurs, le niveau d'instruction détermine le multipartenariat
sexuel des célibataires. Les célibataires de bas niveau
d'instruction présentant moins de risques que celles des niveaux
élevés. Par rapport aux célibataires de niveau secondaire,
celles de niveau primaire ont 26% fois moins de risque d'avoir connu plus d'un
partenaire sexuel au cours de la période de référence.
Tout comme le niveau d'instruction, la connaissance des modes de
prévention du Sida augmente les risques de pratiquer ce comportement
sexuel. Par rapport aux célibataires de connaissances moyennes, celles
de mauvaises connaissances ont 59% fois moins de chance de pratiquer ce
comportement et celles de bonnes connaissances ont 1,57 fois plus de risque.
Les modèles pas- à- pas nous ont permis de
mettre en exergue les mécanismes à travers lesquels certaines
variables du cadre d'analyse influencent le multipartenariat sexuel des
célibataires (tableau V.1).
Le modèle M0 est celui de
l'âge, la région de résidence et la précocité
des rapports sexuels qui sont des variables de contrôle retenues à
cet effet. Introduites simultanément, toutes ces variables
contrôlent parfaitement le multipartenariat sexuel. Par exemple, les
célibataires résidant au Sud du Congo ont 24% fois moins de
risque que celles de Brazzaville d'avoir connu plus d'un partenaire sexuel les
12 derniers mois ayant précédés l'enquête. De plus,
ce modèle produit un khi deux significatif quelque soit le seuil
considéré.
Les variables ethnie, milieu de socialisation et religion ont
été contrôlées par l'âge, la région de
résidence et la précocité des rapports sexuels pour
constituer les modèles successives M1, M2
et M3. Tout comme le modèle
M0, ces modèles sont aussi significatifs
quelque soit le seuil. Cependant, aucune de ces trois variables n'est
significative. Le multipartenariat sexuel des célibataires au Congo ne
serait donc lié, ni à l'appartenance ethnique, ni au milieu de
socialisation, ni même à l'appartenance religieuse
L'intervention du niveau d'instruction
(M4) réduit le risque relatif des
célibataires socialisées en milieu rural, augmente ceux des
modalités de la religion ainsi que ceux des étrangères
dans la variable ethnie. De là, on comprend que les
différences de comportement sexuel (multipartenariat sexuel)
observées entre les célibataires de milieu de socialisation
différent étaient dues au fait que les célibataires
socialisées en milieu urbain étaient à plus de 85%
instruites (niveau secondaire et supérieur, voir annexe 2. 3).
L'introduction de l'activité économique
(M5) et le contrôle par nos variables de
confusion, fait baisser les risques relatifs des modalités des trois
premiers variables à l'exception de la modalité Aucune
de la variable religion. Cependant, les modalités du niveau
d'instruction sont restées pratiquement identiques. Si nous faisons
intervenir la variable conditions de vie (M6), la
modalité Rural du milieu de socialisation passe d'un risque de
1 ,08 à un risque de 1,04. Au même moment le risque relatif
des célibataires d'origine étrangère baisse de 9,4% et le
niveau d'instruction ne varie sensiblement pas. Dès lors, si l'action de
la socialisation (ethnie, milieu de socialisation, religion) sur le
multipartenariat sexuel passe par le niveau d'instruction, il faut noter que
les différences de comportement entre les célibataires plus
instruites et celles moins instruites n'étaient pas dues à
l'exercice d'une activité économique ou moins encore, aux
conditions de vie des ménages (les risques relatifs étant
sensiblement restés les mêmes). Cela nous fait comprendre que
l'action de la socialisation sur ce comportement sexuel s'associe soit avec
celui du niveau d'instruction soit avec celui de activité
économique. Or, le contrôle de l'exposition à la
télévision change la donne. La modalité
Indépendante de l'activité économique devient non
significative ; la modalité Sans niveau de la variable
niveau d'instruction devient aussi non significative et la modalité
primaire passe du seuil de 1% au seuil de 5% ; la modalité
Rural voit toujours son risque relatif baisser ; même
tendance pour les Etrangères et les Sangha. Tout ceci
traduit le chemin emprunté par les facteurs socioculturels vers le
multipartenariat sexuel (M8). A ce niveau, les
différences de comportement des célibataires entre les
catégories de l'activité économique étaient
probablement dues à l'exposition ou non aux medias des unes ou des
autres. Dès lors, l'exposition à la télévision
jouerait d'une inhibition des effets de l'activité économique et
du niveau d'instruction sur le multipartenariat sexuel.
Enfin, l'intervention de la connaissance des modes de
prévention du Sida (M9) n'apporte pas
d'importants changements par rapport à M8.
Cependant, avec les influences des autres variables du modèle,
l'introduction de cette variable a modifié les risques relatifs des
autres variables. On constate aussi que la connaissance des modes de
prévention du Sida est significativement associée au
multipartenariat sexuel ; et les célibataires de bonnes
connaissances présentant plus de risque que celles partiellement
informées des modes de prévention du Sida. Comme dit
précédemment, si l'on fixe le seuil de signification à 5%,
le dernier modèle M9 donne les deux
déterminants du multipartenariat sexuel des célibataires dans les
12 derniers mois ayant précédé l'enquête.
Tableau V.1: Risque
relatif du multipartenariat sexuel des 12 deniers mois
Variables modalités
|
Mo
|
M1
|
M2
|
M3
|
M4
|
M5
|
M6
|
M7
|
M8
|
M9
|
Ethnie
|
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Bembé
Mbochi
Téké
Kongo
Sangha/Likouala
Etrangère
|
( R )
0,827
1,107
1,191
1,067
0,76
|
( R )
0,822
1,109
1,178
1,082
0,76
|
( R )
0,86
1,16
1,2
1,11
0,79
|
( R )
0,84
1,14
1,21
1,06
0,85
|
( R )
0,818
1,11
1,14
1,03
0,81
|
( R )
0,82
1,12
1,17
1
0,77
|
( R )
0,796
1,08
1,139
0,986
0,78
|
( R )
0,833
1,14
1,2
0,99
0,73
|
( R )
0,84
1,15
1,24
1,01
0,71
|
Socialisation
|
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Urbain
Rural
|
( R )
1,2
|
( R )
2,05
|
( R )
1,2
|
( R )
1,073
|
( R )
1,81
|
( R)
1,036
|
( R )
1,77
|
( R )
1,75**
|
Religion
|
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Catholique
Protestante
Traditionnelle
Aucune
Autre chrétienne
|
( R )
0,89
0,8
0,83
0,82
|
( R )
0,91
0,92
0,91
0,83
|
( R )
0,91
0,872
0,926
0,81
|
( R )
0,93
0,92
0,91
0,81
|
( R )
0,912
0,897
0,954
0,811
|
( R )
0,92
0,94
0,91
0,81
|
( R )
0,91
0,97
0,98
0,83
|
nstruction
|
|
***
|
***
|
***
|
**
|
**
|
**
|
Sans niveau
Primaire
Secondaire
Supérieur
|
0,58*
0,67***
( R )
1,28
|
0,58*
0,68***
( R )
1,28
|
0,58*
0,68***
( R )
1,29
|
0,595
0,7***
( R )
1,27
|
0,61
0,71**
( R )
1,25
|
0,63
0,742**
( R )
1,21
|
Activité éco
|
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Chômeur
Cadre
Indépendante
Précaire
|
( R )
0,841
1,21*
|
( R )
1,48
1,27*
1,03
|
( R )
0,83
1,22
1,01
|
( R )
1,41
1,24
1,01
|
( R )
1,4
1,27*
0,99
|
Conditions de vie
|
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Bas
Moyen
Elevé
|
0,821
( R )
1,07
|
0,75
( R )
1,07
|
0,84
( R )
1,06
|
0,871
( R )
1,04
|
Exposit° Radio
|
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
jamais
parfois
Chaque jour
|
( R )
0,836
0,897
|
( R )
1,05
1,12
|
( R )
1,03
1,1
|
Exposition télé
|
|
Ns
|
Ns
|
jamais
parfois
Chaque jour
|
( R )
1,16
1,12
|
( R )
1,14
1,13
|
Connaiss/ sida
|
|
***
|
Mauvaise
Partielle
Bonne
|
0,41**
( R )
1,57**
|
Groupe d'âges
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
15-19
20-24
25-29
30-49
|
( R )
7,50***
3,29***
1,78***
|
( R )
7,53***
3,24***
1,78***
|
(R )
7,53***
3,23***
1,78***
|
( R )
7,54***
3,24***
1,78***
|
( R )
7,10***
2,98***
1,69**
|
( R )
6,82***
2,79***
1,47*
|
( R )
6,0***
2,30***
1,5**
|
( R )
6,7***
2,7***
1,50**
|
( R )
6,96***
2,82***
1,56**
|
( R )
6,98***
2,82***
1,54**
|
Régione
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Ns
|
Brazzaville
Pointe Noire
Sud
Nord
|
( R )
1,06
0,76**
0,87
|
( R)
1,08
0,77
0,97
|
( R )
1,08
0,84
1,09
|
( R )
0,57**
0,69**
0,96
|
( R )
0,625*
0,82
1,14
|
( R )
1,14
0,895
1,15
|
( R )
0,67
0,97
1,34
|
( R )
1,11
1,1
1,43
|
( R )
0,685
1,03
1,42
|
( R )
0,71
1,05
1,41
|
Age au 1er rapport sexuel
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
***
|
Age<16 ans
Age>=16 ans
|
10,7***
( R )
|
10,7***
(R )
|
10,8***
( R )
|
10,9***
( R )
|
11,2***
( R )
|
10,8***
( R )
|
11,2***
( R )
|
11,***
( R )
|
11,3***
( R )
|
11,7***
( R )
|
KHI-DEUX
|
626,78***
|
630,78***
|
631,42***
|
642,22***
|
653,87***
|
653,92***
|
654,03***
|
654,1***
|
654,72***
|
667,12***
|
Source : Traitement données
EDSC-1; (***P<=1% ; **P<=5% ; *P<=10%. ; Ns Non
significatif )
|
|