SECTION II : LA CONTRIBUTION DES DISPOSITIONS DU
SYSTEME COMPTABLE OHADA A LA GOUVERNANCE DES
ENTREPRISES CAMEROUNAISES.
Avant d'aborder cette section qui est consacrée
à l'incidence des normes comptables OHADA sur la gouvernance des
entreprises, il nous semble utile de jeter un regard sur l'importance de la
comptabilité pour une entreprise.
De prime à bord, nous pouvons nous poser la question
suivante : que se passerait-il si l'entreprise décide de cesser un seul
instant la tenue de la comptabilité ? Imaginons un peu cette
situation.
Certainement, on va déboucher sur une
réalité de cette entreprise avec les caractéristiques
suivantes :
les traces de mouvements d'espèces disparaîtraient,
la réalité des encaissements et des décaissements serait
en doute ;
on n'aurait aucune notion sur les recettes et les dépenses
de l'entreprise, sur les achats et les ventes effectuées, sur les
créances et les dettes accordées ou consenties ;
il serait impossible de connaître les montants dus aux
fournisseurs et de fournir les éléments de preuve à celui
qui contesterait ;
les créances seront oubliées.
Il ne serait pas possible de faire le rapprochement bancaire ;
on n'aurait pas d'idées exactes sur les stocks mis en
quantité ni en valeur. Il y aurait à tout moment rupture de
stocks ou au contraire le surstockage, générateur des
coûts.
Il y aurait détournement de fonds ou des marchandises par
le magasinier ;
la TVA serait évaluée forfaitairement par
conséquent, impossibilité de réaliser les économies
d'impôt ;
l'entreprise serait exposée aux risques liés au
contrôle fiscal ;
il serait impossible de déterminer les résultats de
façon claire. Il y aurait toujours des charges intermédiaires qui
ne seraient pas prises en considération ;
comment pourrait-on rendre compte de gestion aux actionnaires
sans documents de synthèse ?
Comment pourrait-on prendre la moindre décision sans
aucune information comptable ?
Les feuilles nous manquent pour exposer tous les
problèmes auxquels l'entreprise qui ne tient pas la comptabilité
ferait face. C'est dire alors que, l'entreprise ne peut pas se passer d'une
comptabilité, non pas à cause de nombreuses dispositions
légales qui l'oblige, mais parce que sans comptabilité,
l'entreprise est privée de mémoire, d'une partie de ses
facultés de raisonnement, et elle est amputée des principaux
organes de son système sensoriel. Les chefs d'entreprises ont vraiment
tord s'il continue à avoir une perception fiscale de la
comptabilité.
I- LA COMPTABILITE COMME OUTIL DE GESTION ET
DE CONTROLE.
Avant de présenter le rôle que joue la
comptabilité dans une entreprise, nous nous efforcerons de ressortir
d'une part, les capacités requises pour la mise en place d'un dispositif
comptable efficace et d`autres part, montrer la place qu'occupe la
comptabilité au sein d'une entreprise.
A- LES PREREQUIS DE LA MISE EN PLACE D'UNE COMPTABILITE
EFFICACE DANS UNE ENTREPRISE.
1- les capacités requises.
Une comptabilité ne peut jouer son rôle que si
elle est convenablement appliquée. Sa bonne application implique sa
conformité aux normes comptables. Ce qui exige des capacités tant
matérielles qu'intellectuelles. Pour que le Système Comptable
OHADA soit d'application effective, les entreprises doivent se munir de
matériels appropriés (logiciels adaptés, matériels
informatiques, calculatrice, matériel de bureau,...)
Il faut aussi un personnel suffisant en nombre et en
qualification, pour être en mesure de bien manipuler ces dispositions.
D'où la nécessité des séminaires de formation du
personnel comptable pour l'adaptation au Système. Les travaux comptables
sont des travaux intellectuels qui ne peuvent être confiés
qu'à un technicien confirmé, ayant parfaitement
maîtrisé les règles de la comptabilité.35
Être technicien de la comptabilité pour prendre en charge la
comptabilité
35 AFAPC, » comptabilité, instrument de
gestion de l'entreprise moderne », Paris VII, 1965.
d'une entreprise est une bonne chose. Avoir encore une culture
intellectuelle dans les autres domaines aussi, permet d'avoir des horizons
considérablement élargis, est encore meilleure.36
De plus, dans notre recherche sur la pratique comptable des
TPE, il ressort que ces entreprises rencontrent beaucoup de difficultés
dans leurs travaux comptables, ces difficultés sont liées aux
insuffisances qui sont tant d'ordre matériel
qu'intellectuel.37 En définitive, pour mettre en place un
dispositif comptable efficace capable de prendre en compte toutes les lacunes
comptables, (conformément au Système Comptable OHADA) il faut
tenir compte de tous ces facteurs cités.
2- La place de la comptabilité dans
l'entreprise.
Dans toute entreprise, la comptabilité est
placée au carrefour. Le chargé de la comptabilité
reçoit des informations de base de tous les côtés puis les
analyse et les codifie. Enfin, il les synthétise et les rend «
exploitables » et « parlantes » par ses utilisateurs.
La comptabilité intervient dans la gestion des entreprises
à trois stades :
D'abord, grâce à la description précise et
fidèle qu'elle donne des exercices passés, la mise sur pied des
plans d'action rationnels. La planification qui n'a pas pour base la
comptabilité, serait condamnée à n'être qu'une vue
de l'esprit. (AFPAPC, 1965)
Ensuite, elle intervient périodiquement tout au long de
l'exercice. Elle permet de contrôler la réalisation du programme,
de sortir les écarts entre ce qui était prévu et ce qui a
été réalisé. L'analyse de ces écarts permet
à son tour des redéfinir la gestion sans attendre la fin de
l'exercice.
Enfin, elle intervient à la fin de l'exercice. Elle
permet grâce aux documents de synthèse qu'elle élabore, de
faire des analyses diverses telles que, l'analyse de la structure, l'analyse
financière, l'analyse de la rentabilité...
B- LES PRINCIPALES FONCTIONS DE LA
COMPTABILITE
La comptabilité assume deux grandes fonctions : la
fonction d'aide au contrôle et la fonction d'aide à la
gestion.38
36 VLAEMINCK M.J., « histoire et doctrines de la
comptabilité » édition Pragnos, 1979
37 Ibrahima H., « la pratique comptable dans les
TPE du Nord Cameroun », mémoire de maitrise, Université de
Ngaoundéré, 2002.
38 COLASSE B., « qu'est ce que la
comptabilité ? » in Encyclopédie de Gestion, Economica,
Paris, 1997
1-la fonction d'aide au contrôle.
La comptabilité est l'un des instruments qui permettent
à un serviteur de rendre compte à son maître de ce qu'il
fait, et donc à celui-ci de le contrôler. Le droit de
contrôle reconnu aux associés se justifie à la fois par
leur capacité d'apporteurs des capitaux, et par leur faculté de
bénéficier des dividendes à la fin de chaque exercice. Ce
contrôle s'exerce par l'assemblée générale, par les
sanctions des fautes de gestion des dirigeants suivant les dispositions
légales. Ce contrôle est possible grâce à des
informations que ces actionnaires doivent posséder, et parmi ces
informations les informations comptables.
Ce contrôle peut-être définis en
matière de la comptabilité comme le choix et la mise en oeuvre
des méthodes, ainsi que des moyens matériels et humains
adaptés aux cas de l'entreprise, qui soient à même de venir
sans retard, les différentes irrégularités
possibles.39 Ces irrégularités peuvent être
d'erreurs ou de fraudes. Les erreurs sont causées par omission (non
enregistrement d'opérations comptables) ou de double emplois (double
enregistrements d'une opération) de négligence... Pour les
fraudes, c'est par exemple la comptabilité créative qui est
à la une et qui facilite les manipulations diverses non
légales.
2) la fonction d'aide à la gestion.
La comptabilité est un instrument qui permet de
compter, mais aussi un instrument par lequel on rend compte (COLASSE, 1997).
Elle est aussi l'historique de l'entreprise, toute opération en aval est
enregistrée. Elle permet également la détermination du
résultat de l'entreprise et de sa valeur. C'est un outil de mesure de
l'indicateur de sa performance économique. Ainsi, elle permet aux
actionnaires non seulement de contrôler l'activité de leurs
dirigeants, mais aussi d'avoir la base de prise de décision
d'affectation des bénéfices.
Par ailleurs, la comptabilité fournie à tout
moment des informations précises sur les activités et la
situation patrimoniale de l'entreprise. Elle reste donc une source essentielle
d'information fiable permettant la prise de décision.
Toute fonction comptable a ainsi pour rôle, d'observer,
d'analyser et d'enregistrer les différentes opérations de
l'entreprise afin de faire une synthèse pouvant renseigner les
décideurs de l'entreprise et ses différents partenaires. De ce
point de vue, la comptabilité est d'une importance particulière
pour, les gestionnaires, les investisseurs, les employés, l'État
...
39 MAILLER J., « initiation au contrôle
comptable », les éditions ouvrières, Paris,1974
II) LA COMPTABILITE COMME SYSTEME
D'INFORMATION
Au départ, la comptabilité conçue comme
une technique de mesure des faits économiques, mais avec le temps, on
s'est rendu compte qu'elle est devenue la pièce maîtresse du
système d'information de l'entreprise.40
A) PRESENTATION DU SYSTEME D'INFORMATION
COMPTABLE
1) définition
Le système d'information comptable s'occupe du
traitement des données entrantes, de leur transformation et de la
communication de données sortantes à son environnement. C'est
l'ensemble des principes et méthodes applicables à
l'établissement et à la présentation des documents
comptables.41 Cette définition du système
d'information comptable, à l'image de tout autre système
d'information, nous amène à voir les étapes de ce
système. Ces étapes sont les suivantes :
-- la saisie ou l'enregistrement des faits comptables qui peut
déboucher sur des problèmes : celui de classement et celui de
l'évaluation ;
-- le stockage et le traitement de ces faits nécessitant
la révision de l'évaluation faite lors de l'enregistrement, et
ceci au moyen par exemple de l'amortissement ou des provisions.
-- la sortie des informations sous forme de documents de
synthèse.
Le fonctionnement de ce système d'information des
entreprises camerounaises est régi par le Système Comptable OHADA
que nous avons présenté au chapitre premier.
2) les caractéristiques du système
d'informations comptables :
-- le système d'information comptable est un
système ouvert sur l'environnement interne et externe de
l'entreprise.
-- le système d'information comptable est un
système organisé, car reposant sur les normes comptables en
vigueur. (Normes comptables du Système Comptable OHADA)
40 TELLER R., « comptabilité », in
Encyclopédie du Management, tome 1, Vuibert, Paris, 1992.
41 MELYON C., « comptabilité et
système d'information », in cahier de recherche de CRIEGE
n°8402, 1984.
-- en dépit de ces deux particularités, le
système d'informations comptables reste semblable au système
d'information traditionnel décrit plus haut.42
B) DESTINATION DE L'INFORMATION COMPTABLE.
La comptabilité s'offre à l'analyse suivant trois
aspects essentiels :
D'abord, l'instrument de description et de modélisation
de l'entreprise ; ensuite, le système de traitement des informations
utiles à cette modélisation ; enfin, sous l'aspect de la pratique
sociale. La comptabilité assume en outre une fonction «
générique des régularisations sociales. ». (COLASSE,
1997) A cet effet, l'entreprise ne doit pas vivre en vase clos, elle est
amenée à faire des négociations avec ses partenaires tels
que les associés, les salariés, les clients, les fournisseurs,
les banquiers, l'administration fiscale...
L'information comptable de ce fait, sert de support
chiffré à toutes ces négociations existant entre
l'entreprise et ses partenaires. La comptabilité offre à tous ses
utilisateurs, un cadre cohérent pour apprécier les performances
et la situation de l'entreprise. L'information comptable peut-être
d'usage interne et d'usage externe.
1) l'information comptable d'usage interne :
La plupart des informations internes émanent
essentiellement du système des coûts mis en place au sein de
l'entreprise43Il s'agit de :
-- l'information pour l'évaluation des stocks en vue de
l'établissement des états financiers ;
-- l'information au service de contrôle opérationnel
et pour le calcul des coûts de revient des produits ;
2) l'information comptable d'usage externe :
Ce sont des informations qui sont mises à la
disposition des tiers. Ces derniers, constituent les apporteurs des capitaux
(actionnaires et créanciers financiers), l'État, les acteurs
sociaux (salariés, organisations syndicales politiques) et les autres
tiers (clients, fournisseurs, concurrent).
42 GRENIER C., « profession comptable et
système d'information », in Economie Comptabilité,
n°171, juin,1990
43 CASTA J.F., « la comptabilité et ses
utilisateurs », Bordas, 1997
L'information comptable leur permet de s'assurer de la
santé financière de l'entreprise, de la garantie de la
pérennité d'emploi (donc réduction de chômage).
Par ailleurs, cette information constitue un outil de
communication, de « marketing financier » pour convaincre les
potentiels investisseurs.44 Ensuite, l'État s'y
intéresse pour son impôt et pour son rôle de surveillant de
l'économie...
L'information comptable a pour objet de donner les
éléments quantitatifs permettant de s'assurer que les engagements
contractuels pris par les diverses parties, sont respectés. Par exemple,
à l'égard des actionnaires, comme l'indique LAVASSEUR (1990),
l'information comptable rend compte de la gestion.45
En somme, le système d'information s'occupe de traiter
les données entrantes en les transformant et en les communiquant
à son environnement de la même manière que toute
organisation consomme des ressources, afin d'offrir des produits ou des
services. Cette organisation crée et répartit de la valeur. Le
rôle de la comptabilité est de produire de l'information sur ce
processus de création et de répartition afin de satisfaire une
demande interne et une demande externe. (CHARRAUX, 2000)
En définitive, les dispositions du Système
Comptable OHADA pourraient influencer la gouvernance d'entreprise dans la
mesure où, elles permettent à la comptabilité de jouer son
rôle d'aide à la gestion, à la décision, à
l'information, et au contrôle.
44 ALBOUY M., « l'information comptable et
financière des entreprises cotées en bourse : expérience
de la France » in Gestion 2000, vol6 n°3, 1990
45 LEVASSEUR M. « comptabilité et
information des actionnaires, in Gestion 2000, 1990.
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