Chapitre IV : LA DIALECTIQUE DES REPRESENTATIONS
SOCIALES DES PERSONNES
AGEES
IV.1 Les personnes
âgées, objets d'honneur à Adjamé-village
Que nous soyons dans le village ou dans les familles, pour les
tchaman d'Adjamé-village, avoir une personne âgée dans sa
famille, est une grande fierté.
La personne la plus âgée d'Adjamé-village
(96 ans environ) : génération tchagba
Elles sont perçues comme des symboles, des
références culturelles, familiales et
générationnelles. Elles sont vues comme les représentants
des ancêtres : des êtres sacrés. Objets d'admiration,
l'on s'interroge et parfois les interroge sur le secret de leur
longévité.
Pour les habitants de ce village, la longévité
se résume dans le simple fait de rester le seul survivant de sa
génération. La notion de longévité est ainsi
liée à la vie des générations. Suivant un
informateur :
« On dit qu'une personne a vécu longtemps
quand cette personne est restée la seule de sa
génération. Ainsi, dans la première
génération des Tchagba, deux vieilles presque centenaires sont
encore en vie. C'est un honneur de rester le seul de sa
génération composée souvent de 150
membres. »
Dans ce sens, l'on est fier de clamer que son parent est, ou
était, le dernier de sa génération. Visiblement, le petit
fils de Nanan Gbanda tirait un certain orgueil de son grand-père, quand
il nous disait que celui-ci est le doyen d'âge du
village. Dans chaque cour, cette fierté d'avoir le
parent le plus âgé, se lisait sur les visages des enfants et des
petits-enfants.
Dans cette logique, pour nos entretiens, l'on
préférait que des rendez-vous soient pris, en vue de mieux
apprêter la personne âgée (un accoutrement bien
présentable).
En tout état de cause, la plupart des personnes
âgées d'Adjamé-village, sont objets d'honneur et
d'admiration. Toutefois, elles sont aussi sujettes de mépris.
IV.2 Les personnes âgées, objets de tous les
maux
IV.2.1 Une charge pour la famille
Les personnes âgées d'Adjamé-village
dépendent, pour la plupart, de leurs familles. Elles constituent pour
celles-ci, une véritable charge quant à la satisfaction de leurs
besoins en logement, en alimentation, en soins médicaux, en soins
corporels et en assistance de toutes sortes. Dans le contexte de la
récession économique actuelle, la prise en charge des
aînés sociaux, improductifs et budgétivores, devient
problématique pour les membres de leurs familles.
Cette charge se situe aussi au niveau du temps qu'il faut leur
accorder, dans leur assistance. En effet, certaines personnes
âgées sont totalement dépendantes des membres de leur
famille : leurs toilettes, leurs besoins biologiques, leurs nourritures,
leurs surveillances, pour ne citer que ceux-là, exigent qu'on leur
consacre beaucoup de temps. De ce fait, ceux qui les ont à charge sont
obligés de se priver de repos, de distraction et de participation
à diverses activités culturelles.
« Depuis que ma mère est devenue
invalide, cela fait des années que je ne suis pas allée dans une
église pour prier. A la moindre absence, elle me cherche partout et elle
se met à pleurer comme une enfant. »
Nous a-t-elle confié l'une de nos
enquêtées.
De ce qui précède, elles apparaissent comme des
"parasites"et des "occupants encombrants",
des charges supplémentaires dans les ménages ; objets de
paupérisation. Dès lors, l'on n'est plus loin de se
demander :
« il attend quoi pour
mourir ? »
|