V. DISCUSSION
Notre discussion a concerné les points suivants:
- la validité de notre étude,
- l'atteinte de nos objectifs,
- les résultats de l'étude sur la prévalence
de la M PE,
- les résultats concernant les facteurs liés aux
enfants et à leurs parents,
- le lien entre la M PE et les pathologies (infections et
diarrhées),
- les résultats de l'étude sur la lutte que
mènent les agents de santé contre la M PE.
5.1. DE LA VALIDITÉ DE L'ÉTUDE
Les précautions ont été prises pour
garantir la validité de nos outils.Quant aux balances utilisées
pour la mesure des poids des enfants, elles ont été choisies
parmi les meilleures dont disposait le personnel de santé du D S de
Tougan. Dans le souci d'éviter des biais de mesure, ces balances ont
été vérifiées par un test sur sept enfants de 0
à 59 mois en séjour au CREN de Tougan et les enquêteurs ont
été formés et supervisés par nous-mêmes. Les
procédures de mesure du poids, de la taille et d'estimation de
l'âge en cas d'absence de carnet SM I ou d'extrait de naissance ont
également été fournies aux enquêteurs.
En ce qui concerne la sélection des enfants pour
l'étude, nous avons procédé par un échantillonnage
aléatoire à plusieurs degrés en tenant compte de l'effet
grappe par l'utilisation du facteurde correction recommandé. Les
villages ont été tirés au sort en présence du MCD,
du responsable CISSE et du préparateur d'état en pharmacie du DS
de Tougan.
Quant à l'exécution de l'étude, nous
avons obtenu un niveau acceptable. En effet, les 330 enfants prévus ont
été atteints par l'enquête et toutes les mères ou
personnes s'occupant de ces enfants ont accepté s'entretenir avec nous.
C'est l'échantillon des agents de santé prévu qui n'a pas
pu être atteint
compte tenu du fait que l'un des CSPS ne disposait que d'un seul
agent. Mais à ce niveau aussi, nous avons pu enquêter 49 agents
sur s 50 prévus.
Toutefois, compte tenu du fait que l'investigation a
été réalisée en période de soudure, les
prévalences trouvées pourraient être un peu plus
élevées que pendant les autres périodes de l'année.
Aussi, la précision de notre étude est relativement faib et
pourrait contribuer à des conclusions différentes d'autres
études avec une précision élevée. De plus, notre
étude étant de type transversal, nous ne prétendons pas
mettre en évidence des relations de causalité. Néanmoins,
nous estimons que ces insuffisances n'entachent pas sérieusement la
validité de notre étude.
De ce qui précède, nous pouvons die que les
résultats de notre étude reflètent la
réalité dans le domaine de la malnutrition des enfants au sein
des populations du DS de Tougan. Nous pensons que cette étude est
reproductible dans les autres DS du Burkina-Faso.
5.2. DE L'ATTEINTE DE NOS OBJECTIFS
L'étude a permis d'obteni la prévalence de la M
PE et de ses différentes formes dans les différentes tranches
d'âge des enfants de moins de cinq ans dans le DS de Tougan. Ainsi, nous
pouvons die que notre premier objectif spécifique qui consistait
à déterminer la prévalence de la M PE chez les enfants de
moins de cinq ans dans le D S de Tougan a été atteint.
Notre deuxième objectif spécifique qui
était d'identifier les facteurs liés aux populations et
associés à la M P E dans le D S de Tougan a aussi
été atteint. En effet, nous avons pu mettre en évidence,
par l'analyse statistique, que certaines caractéristiques des enfants et
de leurs parents étaientassociées à la M PE dans le DS de
Tougan. Ce sont, entre autres, le nombre d'enfants de moins de cinq ans par
ménage, le poids de naissance des enfants, la taille du ménage,
le niveau d'instruction de la mère, le niveau socio-économique du
ménage. Ceci confirme du même coup notre première
hypothèse qui stipulait
que la M PE était associe à des facteurs
démographiques, socio- économiques et culturels au sein des
populations dans le DS de Tougan.
Par ailleurs, l'analyse des données
récoltées nous a permis de mettre évidence l'association
entre la M PE et les infections ainsi que la diarrhée. Notre
hypothèse sur l'association de la M P E et des pathologies, notamment
l'infection et la diarrhée,se trouve ainsi confirmée.
Enfin, nous avons pu apprécier la planification de la
lutte contre la M PE ainsi que l'activité de C N S effectuée par
les agents de santé du D S de Tougan . Des insuffisances ont
été mises en évidence. Cela confirme notre
troisième hypothèse qui supposait que les activités de
lutte que mènent les agents de santé contre la M PE comportaient
des insuffisances qui limitaient leur efficacité à rédute
la fréquence de cette maladie.
Ainsi nous pouvons dte que tous nos objectifs ont
été atteints et nos hypothèses confirmées par
l'enquête. Notre cadre conceptuel a donc été validé
par les résultats que nous avons obtenus.
5.3. DES RÉSULTATS SUR L'ÉTAT NUTRITIONNEL
DES ENFANTS DE MOINS DE CINQ ANS DANS LE DS DE TOUGAN
Notre étude a montré que la M PE est
fréquente chez les enfants de moins de cinq ans dans le DS de Tougan.
Nous avons trouvé chez ces enfants une prévalence de 37.9% [32.7
;43.4] de MPEglobale.
Chez les enfants de 6 à 59 mois, la M PE
estégalementtrès fréquente : en effet, 45.0% [39.0 ; 51,0]
d'entre eux souffrent d'une forme ou d'une autre de MPE.
Notre étude a aussi permis de déterminer la
prévalence des différentes formes de M PE que sont
l'émaciation, le retard de croissance et l'insuffisance
pondérale. Chez les enfants de moins de cinq ans, les prévalences
de ces formes sont respectivementde 10.3% [7.3 ; 14.2], 23.9% [19.5 ; 29.0]
et
24.8% [20.4 ;29.9]. Chez ceux de 6 à 59 mois ces
prévalences sontde 12.2%
[8.6 ;16.7], 28.4% [23.2 ;34.2] et 29.5% [24.2 ;35.2].
L'annuaire statistique 2005 de la DEP du ministère de
la santé [15] a rapporté une proportion de 42.2%
de m alnutris parmi les enfants de moins de cinq ans qui ont été
suivis durant l'année 2005 dans le DS de Tougan. Ce résultat
concorde avec les nôtres.
L'INSD et ORC Macro, à travers L'EDSBF-III (2003)
[12], ont également trouvé une prévalence
du même ordre pour la malnutrition chronique chez les enfants de 6
à 59 mois dans la Boucle du M ouhoun (34%).
Lors de leur étude Les grands hydro
aménagements au Burkina-Faso contribuent-ils à
l'amélioration de la situation nutritionnelle des enfants? (1994),
G ERARD P. et ses collaborateurs [13] ont aussi trouvé
des prévalences du même niveau chez les enfants de moins de cinq
ans : 13.7% pour l'émaciation et 26.2% pour le retard de croissance. La
fréquence de la M P E n'a donc pas changé depuis plus d'une
décennie malgré les différents efforts consentis.
La prévalence de la M PE globale trouvée par
notre étude concorde avec les données de l'annuaire statistique
2005 de la DEP [15]. Nos résultats sur les
prévalences des différentes formes de M PE concordent aussi avec
les données de la littérature scientifique que nous avons
consultée.
Par rapport aux standards de l'O M S , la prévalence de
10.3% de l'émaciation chez s enfants de moins de 5 ans de Tougan vaut
plus de 4 fois celle de la population de référence de l'O M S qui
est de 2.3% . Les fréquences du retard de croissance et de
l'insuffisance pondéra chez les enfants de 0 à 59 mois de Tougan
valent toutes plus de 10 fois celles de la population de
référence.
Par rapport aux seuils de gravité de l'OM S, la
prévalence de la malnutrition aiguë chez les enfants de 6 à
59 mois est légèrement au-dessus du seuil de 10%, mais la
différence n'est pas significative. Par contre, chez les enfants de 6
à 23 mois la prévalence de cette forme de M PE qui estde 18.8%
,dépasse
largement ce seuil. En ce qui concerne la prévalence de
l'insuffisance pondérai, elle està la limite du seuil de 30% dans
la tranche d'âge de 6 à 59 mois. Quant à la
fréquence de la malnutrition chronique, elle estégalement
à la limite du seuil de 20% chez les enfants de 0 à 59 mois, mais
elle afranchi ce seuil chez les enfants de 6 à 59 mois.
On peut donc dire qu'il n'y a pas d'urgence nutritionnelle
chez les enfants de moins de 5 ans du D S de Tougan; par contre, il est
évident que l'état nutritionnel de ces enfants n'est pas du tout
satisfaisant. Il pourrait même basculer dans une situation d'urgence si
la sécurité alimentaire et la surveillance nutritionnelle se
détériorent ou ne sont pas renforcées.
Cette situation pourrait s'expliquer par l'état de
pauvreté généralisée des populations et par
l'insécurité alimentaire dans l'ensemble de notre pays. De plus,
notre étude a permis de mettre en évidence d'autres facteurs de
risque liés aux populations et dont la plupart pourrait être
évitée.
5.4. DES RÉSULTATS CONCERNANT LES FACTEURS
LIÉS AUX ENFANTS ET À LEURS PARENTS
5.4.1. Les caractéristiques des enfants et la MPE
5.4.1.1. MPE et sexe de l'enfant
Notre étude a montré que 39.3% des
garçons sont atteints de M PE contre 36.2% des filles. La
différence observée n'est pas statistiquement significative (p =
0.57). Il n'y a donc pas de lien statistique entre le sexe et la MPE.
Ce résultat est conforme aux résultats de
l'EDSBF-III (2003) [12] qui a rapporté des proportions
de 38.2% pour l'insuffisance pondérai chez les garçons et de
37.1% chez is filles. En ce qui concerne la malnutrition chronique, les
proportions étaient de 40.3% pour les garçons et 37.1% pour les
filles.
Par contre, notre résultat est différent de
celui obtenu par l'INSD [11] lors de leur intitulée
Etude spécifique sur Pauvreté et santé au Burkina -
Faso, (2002). Cette étude a pu mettre en évidence une
association statistiquement significative entre le sexe masculin et la
malnutrition par la méthode de la régression logistique.
Les garçons seraient plus sensibles à la
malnutrition que les filles. La différence de nos résultats avec
ceux de l'INSD pourrait s'expliquer par le fait que l'INSD a utilisé une
technique d'analyse plus avancée que la nôtre. Les mesures
anthropométriques diffèrent peu entre filles et garçons de
moins de cinq ans. De ce fait,l'analyse simple univariée que nous avons
utilisée n'a probablement pas pu mettre en évidence cette
relation même si elle existe dans nos données.
5.4.1.2. Statut vaccinal et MPE
Notre étude indique que le statut vaccinal n'est pas
significativement associé à la MPE (p = 0.75).
Ce résultat est conforme à celui trouvé
par AG BO ZO G N IG B E D. et collaborateurs lors de leur étude
Facteurs associés à la malnutrition des enfants de 0 - 59
mois dans le village de Lagbo (Aklankpa) en 2006 au Bénin
[31]. Ils avaient trouvé aussi que l'association entre
le statut vaccinal et la malnutrition n'était pas statistiquement
significative (khi deux = 0 .05, p = 0. 83).
Ce résultat, surprenant, peut s'expliquer par la
couverture vaccinale assez élevée (autour de 80%) observée
dans le DS de Tougan ces dernières années. Cette bonne couverture
a permis de réduire la circulation des maladies cibles du PEV, rendant
actuellement leur part assez négligeable dans la survenue de la M PE.
5.4.1.3. Le lien entre les variables âge, rang de
naissance, le poids de naissance et la MPE
Notre étude a montré que la malnutrition
esttrès rare avant 6 mois. C'est à partir de 6 mois que les
problèmes nutritionnels commencent. Nos résultats indiquent que
c'est la tranche d'âge de 6 à 59 mois qui estassociée
à la M PE (p < 3.10-6).
Les résultats de l'EDSBF-III [12]
sontsemblables. En témoigne la description suivante du lien
entre l'âge et la M PE : « Selon l'âge, on observe des
variations importantes de la prévalence de la malnutrition chronique,
qu'elle soit modérée ou sévère. La proportion
d'enfants accusant un retard de croissance augmente très
régulièrement et très rapidement avec l'âge :de 7 %
à moins de 6 mois, la prévalence de la malnutrition chronique
double pour atteindre plus de 40 % à partir d 'un an».
Dans un rapport d'une enquête nutritionnelle
réalisée en République Démocratique du Congo en
Décembre 2005, Action Contre la Faim (ACF)[32] a fait
le même constat en ces termes : « En ce qui concerne les enfants de
moins de six mois, la malnutrition globale est marginale et la malnutrition
sévère est absente ».
Avant 6 mois, les enfants disposent, grâce au lait
maternel, de tous les éléments nutritifs nécessaires
à leur bon développement. Mais à partir de cet âge,
le lait devient insuffisant, l'alimentation de sevrage est souvent peu
variée et la ration des enfants perd en qualité mais aussi en
quantité par rapport à leur âge et à leur poids.
C'est cela qui explique que la M PE soit très rare avant 6 mois et
très fréquente juste après.
Par rapport au rang de naissance, notre étude a permis
de constater que les deux premiers rangs de naissance ainsi que les rangs
supérieurs ou égaux à 6 présentent un lien
statistique avec la M PE (p = 0.02).
L'EDSBF-III[12] a obtenu des résultats
en partie similaires. Les auteurs ont déclaré que : «Du
point de vue du rang de naissance, on constate également
une augmentation légère de la malnutrition
chronique avec le rang de l'enfant : 37 % pour les enfants de rang 1, 38 % pour
les enfants de rangs 2-5 et 41 % pour les rangs 6 ou plus».
Ce résultat peut s'expliquer par les difficultés
qu'éprouventgénéralement les nouvelles mères
à prodiguer des soins adéquats à leurenfant surtout lors
du sevrage. Le sevrage est souvent mal conduit, d 'où la
détérioration de l'état nutritionnel des enfants pendant
cette période. Par rapport au lien avec les rangs de 6 et plus, nous
pensons qu'il est surtout dû aux faibles poids de naissance
fréquents chez les grandes multipares ainsi qu'au nombre souvent
élevé d'enfants en bas âge dans les foyers des grandes
multipares jeunes.
Quant au poids de naissance, notre étude indique qu'il
présente un lien significatif avec la M PE (p = 0.002), la
modalité en cause étant le faible poids de naissance. Ce
résultat peuts'expliquer par le fait que le faible poids de naissance
résulte le plus souvent d'une malnutrition maternelle, ce qui laisse
sous entendre que les conditions dans lesquelles l'enfant vivra
désormais sont précaires du point de vue de la
sécurité alimentaire mais aussi des pratiques d'alimentation et
d'hygiène du milieu. Il n'est donc pas étonnant qu'un enfant
déjà m alnutri avant la naissance et vivant dans ces conditions
voie sa malnutrition persister ou s'aggraver.
Nous constatons que certains enfants présentent des
caractéristiques susceptibles de les rendre plus vulnérables
à la MPE. Ces particularités sont, entre autres, l'âge
compris entre 6 et 59 mois, le faible poids de naissance et un rang de
naissance supérieur ou égale à 6. En
réalité, c'est souvent la conjugaison de plusieurs de ces traits
et de certaines des caractéristiques socio-économiques,
culturelles et démographiques de leurs parents qui sont associes la M
PE.
5.4.2. Les facteurs liés aux parents et
influençant la MPE 5.4.2.1. Le lien entre la MPE et les
caractéristiques démographiques
Parmi les variables démographiques, la taille du
ménage, la parité de la mère, l'intervalle inter
génésique et le nombre d'enfants en bas âge dans le
ménage ont fait l'objet de notre étude.
Nos résultats montrent que parmi les enfants dont la
parité de la mère est inférieure ou égale à
6, la proportion des m alnutris est de 36.3% . Chez les enfants dont la
parité de la mère est supérieure à 6, cette
proportion est de 44.3% . Cette différence observée n'est pas
significative (p = 0.22) : la parité de la mère n'a pas de lien
significatif avec la M PE.
En 1982, OUEDRAOGO V.M .[19] a trouvé
que 50% des mères des cas de M PE étaient de grandes multipares.
Ceci implique que 50% des mères des cas n'étaient pas de grandes
multipares. Donc ce résultatsuggère aussi qu'il n'y a pas de lien
entre la multiparité de la mère et la M PE.
Cette absence de lien entre la M PE et la multiparité
paraît compréhensible car le nombre d'enfants par femme ne peutpas
avoir d'emblée une incidence sur la malnutrition si les naissances sont
suffisamment espacées, le niveau socio- économique
élevé et les règles d'hygiène respectées.
En revanche, le nombre d'enfants de moins de 5 ans et la
taille du ménage présentent des associations statistiquement
significatives avec la malnutrition. Pour le nombre d'enfants de moins de 5
ans, c'est la modalité "3 et plus"qui est liée à la M PE
(p = 0.003). Quant à la taille du ménage, la modalité en
question est"9 et plus" (p = 0.03).
Dans leur étude Evaluation de l'état
nutritionnel des enfants de 0 -5 ans dans une aie de santé rurale au
Nord-Est de la République Démocratique du Congo,
réalisée en Mai 1999, KIRE R E M ATH E M ., K IVAS IG H A K . D .
et R IG O J. [17] ont mis en évidence le lien entre la
M PE et la taille du ménage. Ïs ont
rapporté qu'une taille supérieure ou égale
à 6 estassociée à la malnutrition chronique (RP =
2,36[1,26 ;4,41].
Par rapport au nombre d'enfants en bas âge dans le
ménage, PIECHULECK H .et M ENDOZA A. J.[33] ont
trouvé aussi des résultats similaires dans une étude
intitulée Les enfants de poids insuffisant à la naissance :
les exigences d'un programme de surveillance nutritionnelle qu'ils ont
menée en 1992 - 1993 au Cameroun. Ils ont rapporté ceci :«
dans les familles comprenant 3 enfants ou plus de moins de cinq ans, la
proportion des petits poids est de 15% alors qu'elles n'est que de 7% dans les
familles ne comprenant pas plus de 2 enfants de moins de cinq ans ».
Nos résultats concordent avec ces données et
montrent que ces variables sont associées à la M PE.
Le lien entre la MPE et le nombre d'enfants de moins de 5 ans
pourrait s'expliquer par le fait qu'un grand nombre d'enfants en bas âge
exige beaucoup d'attention et de ressources pour l'alimentation et les soins de
santé. De plus, en dehors de jumeaux ou des enfants d'un tiers, il est
pratiquementimpossible à une mère d'avoir 3 enfants ou plus de
moins de 5 ans en respectant un intervalle inter génésique
adéquat, or un petit intervalle inter génésique est
lié à la malnutrition.
Le lien entre l'intervalle inter génésique
et la MPE
Notre étude montre que parmi les enfants qui ontmoins
de 36 mois de plus que leur petit frère direct, la proportion des m
alnutris estde 51.3% alors que cette proportion tombe à 27.6% quand la
différence estsupérieure ou égale à 36 mois.
L'analyse statistique nous a permis de mettre en évidence l'association
entre l'intervalle inter génésique et la M PE (p = 0.03).
L'EDSBF-III (2003) [12] a aussi
suspecté un lien entre l'intervalle de naissance et la M PE : «
Parmi les enfants dont l'intervalle de naissance était inférieur
à 24 mois la proportion des cas de malnutrition chronique était
de
51.3%. Quand l'intervalle était entre 24 et 47 mois,
cette proportion était de 39.9% puis tombait à 29.5% parmi ceux
dont l'intervalle était de 48 mois ou plus». L'étude
étant purement descriptive, les auteurs ont conclu que :
«L'intervalle inter génésique semble également avoir
une influence sur la prévalence de la malnutrition ».
PIECH U LEC K H . et M EN DO ZA A. J. [33]
ont également trouvé des résultats similaires
dans l'étude : Les enfants de poids insuffisant à la
naissance: les exiences d'un programme de surveillance nutritionnelle
qu'ils ont menée en 1992 - 1993 au Cameroun. Ïs ont
déclaré que : « 19.7% des nouveaux-nés de
mères de moins de 20 ans ont un poids insuffisant ; ce taux augmente
à 57% quand les femmes ont déjà accouché dans les 2
années précédentes. Ces résultats soulignent
l'importance de la planification familiale ».
Ce lien peut s'expliquer par le fait qu'un intervalle assez
large permet à l'enfant de profiter plus longtemps du lait de sa
mère mais aussi de ses soins et des ressources disponibles dans le
ménage. Quand l'intervalle se rétrécit, l'attention est
détournée vers le plus petit et les maires ressources
partagées entre un plus grand nombre de personnes. C'est en ces moments
que la personne la plus vulnérable, l'enfant entre 6 et 23 mois, peut
être facilement atteint de malnutrition.
5.4.2.2. Le lien entre les caractéristiques
socioéconomiques et culturelles et la MPE
Notre étude a montré que le niveau
analphabète de la mère estassocié à la M PE (p =
0.03) de même que le faible niveau socio-économique (p = 0.01) et
l'irrégularité du suivi de la CNS (p = 0.02).
Dans leur étude Evaluation de l'état
nutritionnel des enfants de 0 -5 ans dans une aire de santé rurale au
Nord Est de la République Démocratique du Congo, KIRERE MATH
E M ., KIVASIGHA K. D. et RIGO J. (1999) [17] ont abouti aux
mêmes conclusions. Ils ont rapporté que le niveau
analphabète de la mère (RP : 2,56 [I.C. 1,41 ; 4,65]) ainsi qu'un
niveau socio-économique
médiocre de la famille de l'enfant (R P :3,94 [I.C . 2
,33-6,66]) étaient associés à la malnutrition
chronique.
Dans l'Étude spécifique sur pauvreté
et santé au Burkina-Faso de 2002, l'INSD [11] a
trouvé aussi que le niveau de vie et le niveau d'instruction de la
mère présentaient des associations statistiques avec
l'insuffisance pondérai après une régression
logistique.
Cela signifie que les enfants d'une mère instruite
ayant un niveau socio- économique moyen ou élevé auront
moins de risques de développer une M PE par rapport à ceux d'une
mère analphabète et de faible niveau socio- économique.
L'instruction permet aux mères d'acquérir de
meilleures connaissances sur la malnutrition, les différents types
d'aliments ainsi que les règles d'hygiène. Il est aussi plus
facile à des mères instruites d'initier et de mieux gérer
des activités génératrices de revenues, toutes choses qui
concourent à la lutte contre la MPE. A l'opposé, les femmes non
alphabétisées ont souvent tendance à attribuer la
malnutrition à l'action des génies et des dieux ce qui
éclipse iur propre responsabilité devant la malnutrition de leurs
enfants. Elles sont aussi les plus nombreuses à vivre dans des
conditions socio- économiques difficiles. C'est donc cet ensemble de
facteurs qui entrent en jeu pour expliquer cette association entre
l'analphabétisme de la mère, le faible niveau
socio-économique et la M PE.
En ce qui concerne le lien entre la M PE et le suivi de la
CNS, il a aussi été mis en évidence en 2006 au
Bénin par SINNAEVE O ., TESTA J., ABLEFONLIN E. et AYIV I B
.[18] lors de leur étude Aspects
épidémiologiques de la malnutrition infanto juvénile
à Cotonou. Ils ont rapporté que : « la malnutrition
était liée à la régularité du suivi
médical des enfants ».
Par contre, dans le cas de l'alimentation de complément
lors du sevrage et des interdits alimentaires, notre étude indique
qu'ils ne présentent pas de liens
significatifs avec la MPE (p = 0.50 pour l'alimentation et p =
0.56 pour les interdits alimentaires).
Dans leur étude Evaluation de l'état
nutritionnel des enfants de 0 -5 ans dans une aire de santé rurale au
Nord Est de la République Démocratique du Congo., KIRERE
MATH E M ., KIVASIGHA K. D. et RIGO J. (1999) [17] ont
trouvé un lien entre une alimentation de sevrage non variée et la
malnutrition (RP = 3.12 [1.47 ;14.30].
Ce résultat est contraire au nôtre. Cela pourrait
s'expliquer par le fait que notre méthode d'appréciation de la
qualité de l'alimentation comportait des insuffisances. En effet, nous
avons considéré uniquement la qualité des repas des
dernières 24 heures, pourtant rien ne nous permettait d'affirmer que la
qualité des repas donnés aux enfants était habituellement
la même. Ce résultat montre aussi toute la difficulté
d'apprécier correctement l'alimentation des populations surtout lors
d'une enquête transversale à passage unique comme la
nôtre.
L'analyse des liens entre la malnutrition et les variables
démographiques, socio-économiques et culturelles nous a permis de
dégager celles qui sont significativement associées à
cette affection. Ce sont:
le niveau socio-économique du
ménage,
le niveau d'instruction de la mère,
le nombre d'enfants de moins de 5 ans dans le
ménage,
la taille du ménage.
5.5. DES RÉSULTATS CONCERNANT LE LIEN ENTRE LA MPE
ET LES PATHOLOGIES (INFECTIONS ET DIARRHEES)
Selon les résultats de notre étude, la M PE et
la diarrhée sont statistiquement associes (p < 3 .10-6).
L'association entre la M P E et les infections est aussi significative (p =
0.01).
L'étude de O U ED RAO GO V. M . [19]
en 1982 au centre hospitalier national Yalgado de Ouagadougou a
révélé que 100% des m alnutris avaient
présenté une infection à l'entrée ou au cours de
leur hospitalisation.
Par ailleurs, l'Etude spécifique sur pauvreté
et santé au Burkina-Faso que l'INSD a réalisée en 2002
[11] a également mis en évidence la relation
entre la M PE et la diarrhée par la méthode de la
régression logistique.
Dans leur étude intitulée État
nutritionnel et environnement pathogène d'enfants d'une population
forestière du sud Cameroun réalisée en 1998, BERNARD
O., PAG EZY H . et BLEY D. [34] ont rapporté ceci :
« Le retard statu ral suit globalement la même évolution que
la prévalence de la splénomégalie. Ces résultats
confortent donc l'hypothèse de l'importance du facteur infectieux dans
l'installation et la pérennisation de la malnutrition chronique
».
Ces résultats et les nôtres sont concordants et
confirment la réalité du cercle vicieux dénommé
complexe malnutrition-infection que nous avons évoqué plus haut.
Les infections entraînentsouvent l'anorexie, l'augmentation des besoins
nutritionnels et d'autres désordres nutritionnels qui expliquent ce
lien. Parlant de ces désordres provoqués par is infections sur i
plan nutritionnel, le Prof. MICKAEL C. L. (1996) [5], dans son
livre La nutrition dans les pays en développement, a
expliqué que : «Le plus important est sans doute la destruction
accélérée des protéines tissulaires et la
mobilisation des acides aminés, du muscle en particulier. L'azote est
excrété dans les urines et entraîne une fonte musculaire
flagrante ». De son côté, la malnutrition affaiblit
l'organisme et plus particulièrement son système immunitaire, le
rendant singulièrementvulnérable aux infections et autres
diarrhées. C'est donc cette synergie qui explique l'association entre la
M PE et les pathologies.
Dans le DS de Tougan, la malnutrition des enfants n'est pas
seulement due aux pathologies et aux facteurs liés aux enfants et
à leurs parents. Il existe aussi d'autres facteurs influençant
la M PE et qui relèvent des agents de santé.
5.6. DES RÉSULTATS DE L'ETUDE SUR LA LUTTE QUE
MÈNENT LES AGENTS DE SANTÉ CONTRE LA MPE
5.6.1. La planification de la lutte contre la
MPE
Notre étude a montré que la planification de la
lutte contre la M PE au niveau des CSPS du DS de Tougan comportait des acquis
mais également des insuffisances :seulement 37.5% des plans d'actions
sontsatisfaisants en ce qui concerne la planification de la lutte conte la M
PE.
Comme acquis nous avons constaté que dans presque tous
les CSPS, la planification des activités de lutte contre la M PE
estfaite, la communauté est impliquée dans le processus de
planification. Le problème de la M PE est perçu comme l'un des
problèmes prioritaires d'où la formulation d'objectifs
spécifiques concernant cette maladie et enfin les carnets CPN et les
fiches infantiles sontdisponibles et gratuits.
Au titre des insuffisances, nous avons remarqué que
plus de la moitié des plans n'ont pas prévu de
démonstration culinaires ni de visites à domicile ÇVAD).
Or, il est indéniable que les pratiques en matière d'alimentation
des nourrissons sont souvent inadéquates dans nos communautés. A
notre avis, il est indispensable de mettre en oeuvre toutes les
démarches qui permettent de récupérer les cas de
malnutrition une fois qu'ils sont dépistés. Or certaines des plus
importantes démarches comme les VAD et les démonstrations
culinaires sontsouvent négligées lors de la planification de la
lutte contre la M PE au niveau des CSPS de Tougan.
De plus, les trois quarts des CSPS ne disposent pas de guide
de démonstrations culinaires avec des denrées locales et aucun
plan de ces CSPS n'a prévu l'acquisition de ce document. Pourtantla
prise en charge des m alnutris modérés se fait au niveau des CSPS
et l'utilisation adéquate des denrées localement disponibles pour
la récupération de ces m alnutris modérés
Çà l'aide de ce document) est l'option à
privilégier dans la lutte contre la M PE puisqu'elle est peu
coûteuse et pérenne.
Aussi, le quart des CSPS où il existe des villages
à 5 Km ou plus n'a pas prévu de CNS en stratégie
avancée. Pourtant l'importance de la stratégie avancée
n'est plus à démontrer en ce qui concerne les activités
préventives. Ceci explique, en partie, le fait que près de 70%
des enfants de moins de 6 mois et 91% des enfants de 6 à 59 mois ne
bénéficient pas d'un suivi nutritionnel régulierdans le D
S de Tougan. Parallèlement, près de 80% de ces enfants sont
complètement vaccinés ou à jour de leurs vaccinations.
Cela laisse entrevoir que la CN S ne bénéficie pas de l'attention
dont requiert son importance dans la planification des activités de
protection des enfants.
Ce résultat se rapproche de celui trouvé par N
IKIEM A P. [21] lors de son étude sur l'utilisation des
fiches de prise en charge nutritionnelle des enfants par personnel des services
de CNS de la ville de Ouagadougou en Octobre 2003. Il a rapporté
qu'à partir de la troisième année, les mères
n'amenaient plus leurs enfants en consultation et le personnel de santé
ne trouvait plus d'intérêt à la CNS.
Cette situation estune lacune dans la surveillance nutritionnelle
des enfants car ceux-ci demeurent très vulnérables à la M
PE jusqu'à 5 ans.
5.6.2. La CNS réalisée par les agents de
santé
L'observation des CNS nous a permis de constater que presque
tous les agents du DS de Tougan maîtrisent la technique de la
pesée des nourrissons. En revanchent, seuls 6 agents sur 49, soit 12.2%
, ont réussi à conduire la C N S de façon
satisfaisante.
Nous avons constaté que l'anémie est rarement
recherchée et que les oedèmes ne le sontpresque pas.
L'anémie est pourtant très fréquente à en croire
les résultats de l'EDSBF-III (2003)[12] qui estime
qu'au Burkina - Faso, près de 9 enfants sur 10 de 6 à 59 mois
sontanémiés. Quant aux oedèmes d'origine nutritionnelle,
ils constituent un sine de gravité de la M PE. Il est donc indispensab
de vérifier l'existence de ces signes en CNS d'autantplus
que cela ne requiert, en CSPS, que quelques secondes. Pourtant
cette recherche n'est pas systématique dans le district sanitaire de
Tougan.
De plus, l'indice nutritionnel n'est déterminé
que lors de 70% des CNS. La courbe de suivi de la croissance n'est mise
à jour que dans 60% des consultations et, surtout, l'état
nutritionnel de l'enfant n'estexpliqué à sa mère que dans
presque la moitié des consultations.
Ces résultats sont largement en dessous de ceux obtenus
par NIKIEMA P. [21] lors de son étude en 2003 à
Ouagadougou. Il a indiqué que 96.6% des agents enquêtés ont
déclaré déterminer chaque fois l'indice nutritionnel,
91.4% ont affirmé tracer régulièrement la courbe
etprès de 90% ont soutenu fournir l'explication de l'état
nutritionnel des enfants aux parents.
Nous pensons que l'explication de cet écartentre nos
résultats réside dans la différence des techniques
utilisées. NIKIEMA P. a procédé par un questionnaire alors
que nous avons utilisé une observation directe. Dans le cas de N IKIEM A
P ., les agents ont probablement indiqué ce qu'il convenait de faire et
non ce qu'ils faisaient réellement.
Ainsi, nous constatons que dans le D S de Tougan , des
insuffisances existent, que ce soit au niveau de la planification de la lutte
contre la M PE ou au niveau des CNS proprement dites. Ces
insuffisances,ajoutées aux facteurs de risque liés aux enfants et
à leurs parents que nous avons déjà mis en
évidence, sont certainement à l'origine de l'état
nutritionnel non insatisfaisantdes enfants de moins de cinq ans.
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