INTRODUCTION
«Nous, ministres et plénipotentiaires de 159
États, déclarons notre détermination à
éliminer la faim et à réduire toutes les formes de
malnutrition. La faim et la malnutrition sont inacceptables dans un monde qui
dispose à la fois des connaissances et des ressources voulues pour
mettre fin à cette catastrophe humaine ». C'est en ces termes que
commence la déclaration de la conférence internationale sur la
nutrition organisée à Rome en 1992, nous rapporte M ICHAËL
C. L. [51 dans son livre La nutrition dans les pays en
développement (1996).
Plus d'une quinzaine d'années après, le tableau
reste sombre,surtout dans les pays en développement. Le rapport 2005 de
l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO ),
L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde
2005 [61,affirmait que :« Près de 6
millions
d'enfants dans le monde meurent chaque année de maladies
liées à la faim et à la malnutrition ».
Le Burkina-Faso est l'un des pays en développement
où la pauvreté et l'analphabétisme sont parmi les grandes
difficultés qui se posent avec acuité. L'une des
conséquences de cette situation est la persistance des problèmes
de sous-alimentation et de malnutrition.
Il est donc indispensable que tous les acteurs sociaux et tous
les partenaires au développement s'engagent avec plus de dynamisme dans
la lutte contre cette affection, car elle constitue l'un des principaux
obstacles au bien-être et au développement dans nos
communautés.
C'est pour apporter notre contribution à cette lutte
que nous avons décidé d'étudier la malnutrition
protéino-énergétique et ses facteurs de risque chez les
enfants de moins de cinq ans dans le district sanitaire de Tougan.
Notre étude est articulée autour des points
suivants : - laproblématique
- la revue de littérature et le cadre conceptuel
- la méthodologie
- la présentation et l'interprétation des
résultats - la discussion des résultats
- la synthèse des résultats
- les recommandations.
I. PROBLÉMATIQUE
1.1. EXPOSÉ DU PROBLÈME
Face aux problèmes d'insécurité
alimentaire et de malnutrition dans le monde, une série d'ateliers
régionauxetde conférences internationales sur la nutrition a
été organisée ces dernières décennies:
Conférence Mondiale surl'Alimentation à Rome en
1974,
Atelier régional de surveillance nutritionnelle de
Brazzaville en 1988 pour les pays anglophones,
Atelier régional de surveillance nutritionnelle de Bamako
en 1989 pour les pays francophones de l'Afrique de l'Ouest,
Atelier régional de surveillance nutritionnelle de
Kinshasa en 1990 pour les pays francophones de l'Afrique Centrai,
Atelier régional de surveillance nutritionnelle de Maputo
en 1991 pour les pays lusophones,
Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN) à
Rome en 1992,
Congrès International de la Nutrition, à
Adélaïde (Australie) en 1993, Sommet Mondial sur l'Alimentation
(SMA) à Rome en 1996.
Au sortir du Sommet Mondial sur l'Alimentation de 1996
à Rome, l'objectif était de réduire de moitié le
nombre de personnes sous alimentées et de deux tiers la mortalité
infantile avant 2015.
Malgré cette volonté politique, force est de
reconnaître que les problèmes liés à la malnutrition
sont actuellement parmi les difficultés de grande ampleur auxquelles
sont confrontés la plupart des pays en développement et
même certains des pays dits développés. «Aujourd'hui,
plus de la moitié de la population mondiale est atteinte par une forme
ou une autre de malnutrition », constatait l'Institut Français de
Recherche pour le Développement (IRD) en 2002 [7]. Les
médias en font mention de façon récurrente.
Selon le Rapport 2005 des Objectifs du Millénaire
pour le Développement (OM D) des Nations unies [8],
cette affection serait à l'origine de plus de la
moitié des décès d'enfants de moins de cinq
ans dans le monde et plus du quart des moins de cinq ans du monde en
développement en est atteint.
En 2004, le rapport de la FAO, L'état de
l'insécurité alimentaire dans le monde 2004
[9],donnaitdéjà l'alarme en rapportant que
:«Chaque année, plus de 20 millions de bébés de poids
insuffisant votnt le jour dans les pays en développement». Ce
rapport ajoutait que : «La faim et la malnutrition provoquent des
souffrances humaines atroces, tuent plus de cinq millions d'enfants chaque
année et coûtent aux pays en développement des milliards de
dollars de perte de productivité et de revenus».
Il ressort du Rapport 2005 des OMD des Nations unts
[8] que ce sont les pays en développement, l'Afrique
sub-sahartnne au premtr rang, qui sont les plus touchés par i
problème de la faim et de la malnutrition.
Cette situation se révèiplus préoccupante
si l'on se rend compte que les prévisions ne sont pas optimistes pour
l'Afrique subsahartnne. C'est ce qu'a révélé l'Association
e-Developpem ent (aedev) [10] en 2006 : « Alors que la
sécurité alimentaire est sur le point de s'améliorer au
cours des trente prochaines années, l'Afrique sub-sahartnne restera le
point le plus chaud en matière de malnutrition et de famine». La
tendance est plutôt à la hausse. Sur les 150 millions d'enfants de
moins de cinq ans présentant un déficit pondéral en 2003
sur la planète, le Rapport 2005 des OMD des Nations unts
[8] signalaitque 37 millions étatnt de l'Afrique
sub-sahartnne contre 29 millions dans les années 1990, soit une
augmentation de 8 millions en une décennt.
Au Burkina-Faso, la situation est loin d être meilleure.
En 2002, une étude intitulée Etude spécifique
surPauvreté et santé au Burkina-faso, réalisée
par l'Institut National de la Statistique et de la Dém ographt
(INSD)[11] a révélé que l'insuffisance
pondérai et le retard de croissance touchatnt respectivement 40.3% et
43.1% des enfants de 6 à 59 mois. L'INSD et O RC Macro
[12], à travers L'EDSBF (2003), ontrapporté que
39% des enfants de moins de cinq ans souffratnt de M PE chronique et que 19%
étatnt atteints
de la forme sévère. Ces données sur la
malnutrition montrentclairement que cette maladie concerne un nombre important
d'enfants au Burkina-Faso.
Dans le DS de Tougan, en 1994, une enquête
réalisée par G ERARD P . et ses collaborateurs [13]
a rapporté que 13.7% et 26.2% des enfants de moins de cinq ans
souffraient respectivement d'émaciation et de retard de croissance.
Il est ressorti du Plan d'action 2002 du DS de
Tougan[14], qu'en 1997, 39.9% des enfants de 0 à 10
ans du districtsouffraient de malnutrition chronique et 12.7% de la
formeaiguë.
Face à cette situation, les agents de santé du D S
de Tougan ont adopté les stratégies suivantes:
- formation et recyclage du personnel de santé sur la
consultation des nourrissons sains (CNS);
- CNS en stratégie fixe et avancée ;
- sensibilisation des parents sur la lutte contre la malnutrition
des enfants;
- mise à la disposition des prestataires d 'un guide de
démonstrations culinaires à base de denrées locales avec
l'appui de la fondation "Terre des hommes" (Tdh);
- ouverture de quatre pôles de récupération
des m alnutris modérés dans les CSPS avec l'appui de Tdh ;
- mise en place d'une unité pédiatrique avec un
CREN à l'hôpital du district à l'aide de Tdh;
- organisation régulière des journées
nationales de m icronutrim ents.
Cependant, après plusieurs années d'efforts, le
bilan des premiers responsables sanitaires de la localité lors de
l'élaboration du plan d'action 2002 était décevant. En
effet, leur constat était que : «la M PE reste un important
problème de santé publique dans le district»
[14].
Les annuaires statistiques de la direction des études
et de la planification (DEP) du ministère de la santé
[15] rapportent que les proportions des enfants m alnutris
parmi ceux qui ont été suivis dans le district de Tougan
étaient de
10.9% en 2003, 28.4% en 2004 et 42.2% en 2005. Pendant ce
temps, dans l'ensemble du pays, ces proportions étaient respectivement
de 15.2%, 9.2% et 15.3%. Certes, ces chiffres ne présentent que la
situation partielle parmi les enfants qui ont été suivis au cours
de ces périodes. Néanmoins les observations suivantes peuvent
être formulées:
- la proportion des m alnutris parmi les enfants suivis est
très élevée dans le DS de Tougan par rapport à la
moyenne nationale ;
- la malnutrition semble prendre de l'ampleur au fil des
années dans la province du Sourou qui est pourtant habituellement
considérée comme l'un des greniers de notre pays.
Cette situation paradoxaidans le district sanitaire de Tougan
est probablement liée à la conjugaison de plusieurs facteurs au
nombre desquels on a:
- Les facteurs liés aux parents des enfants : pratiques
inadéquates en matière d'alimentation et de sevrage des
nourrissons, irrégularité des consultations de nourrissons sains
(CNS), non espacement de certaines naissances, existence d'interdits
alimentaires aux enfants, refus des références aux centres de
récupération nutritionnelle, analphabétisme des parents,
faible niveau socio-économique des ménages.
- Les facteurs liés aux agents de santé :
insuffisances de la planification de la lutte contre la M PE, insuffisances de
la conduite des CNS, inexistence de démonstrations culinaires dans
certains centres de santé, absence dans certains CSPS de visites
à domicile pour le bon suivi des enfants m alnutris ou à risque,
relâchement du suivi nutritionnel des enfants après l'âge d
ùn an.
- Les facteurs liés aux enfants : infections,
diarrhées, faible poids de naissance, sexe.
Pour mieux comprendre cette situation et apporter notre
contribution à la lutte contre la malnutrition, nous avons mené
une investigation suris facteurs de risque de la M PE chez les enfants de moins
de cinq ans dans le DS de Tougan.
1.2. JUSTIFICATION DE L'ÉTUDE
Plusieurs raisons nous ont emmenés à nous
intéresser au problème de la M PE dans le district sanitaire de
Tougan.
D'abord, notre expérience professionnelle dans le
district nous a confrontés aux souffrances et décès dus
à la malnutrition d'un nombre important d'enfants. Nous avons donc
décidé de mieux comprendre ce problème pour contribuer
à mieux le contrôler.
Ensuite, notre étude devrait permettre de situer le
niveau actuel du problème, étant donné que la
dernière enquête nutritionnelle dans le district remonte à
Mars 1997. Cela pourraitservirde repère pour les planificateurs.
C'estaussi une occasion pour les agents de santé et les autres
intervenants d'apprécier les résultats de leurs efforts dans ce
domaine. Ils pourraient juger objectivementde l'impactde leurs
stratégies d'intervention. C'est en particulier le cas de la fondation
"Terre des hommes" qui oeuvre dans le district depuis 1986.
Ilétaitaussinécessaire,à notre avis, de
rechercher et de mettre à jour les facteurs de risque associés
à laM PE dans le DS de Tougan. Nous pensons qu'une meilleure
connaissance de ces facteurs pourraitaider à réajuster les
stratégies et les activités de lutte contre cette maladie qui
semble être parmi les plus fréquentes chez les enfants de moins de
cinq ans dans le district sanitaire de Tougan.
En plus, nous avions pour ambition de contribuer, par notre
étude, à la réalisation dans le district sanitaire de
Tougan, du troisième objectif intermédiaire du Plan National de
Développement Sanitaire 2001- 2010 qui vise à renforcer la lutte
contre les maladies transmissibles et non transmissibles dont fait partie la
MPE. En effet, nous entendions susciterun nouvel élan dans la lutte
contre cette maladie par la détermination de son ampleur ainsi que
l'identification de certaines des insuffisances que comporte l'action des
prestataires.
Enfin, sachant que la malnutrition est responsable d'une
grande partie de la morbidité et de la mortalité des enfants, une
réduction notable de sa prévalence contribuera, sans doute,
à un meilleur état de santé des enfants et, partant,
aidera un tant soit peu à la création des conditions favorables
au bien- être et au développement au sein de nos
communautés. Sans un état nutritionnel satisfaisant, il sera
difficile d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le
Développement.Ceci paraît plus évident si l'on se rappelle
que chaque année, la malnutrition coûte aux pays en
développement, en plus des millions de décès,des milliards
de dollars de pertes de productivité et de revenus.
1.3. QUESTION DE RECHERCHE
Quels sont les facteurs de risque de la M P E chez les enfants de
moins de cinq ans dans le district sanitaire de Tougan?
1.4. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
- Des facteurs socio-économiques, culturels et
démographiques sont associés à la M PE chez les enfants de
moins de cinq ans dans le DS de Tougan.
- Les infections et les diarrhées sont associées
à la M PE chez les enfants demoins de cinq ans dans le DS de Tougan.
- Les activités de lutte que mènent les agents de
santé contre la MPE dans le DS de Tougan comportentdes insuffisances.
1.5. BUT DE L'ÉTUDE
Contribuerà l'amélioration de l'état
nutritionnel des enfants de moins de cinq ans dans le DS de Tougan.
1.6. OBJECTIFS DE L'ÉTUDE -
Objectif général
Étudier les facteurs de risque de la M PE chez les enfants
de moins de cinq ans dans le DS de Tougan.
- Objectifs spécifiques
Déterminer la prévalence de la M PE chez les
enfants de moins de cinq ans dans le DS de Tougan.
Identifier les caractéristiques démographiques,
socio-économiques et culturelles des populations qui constituent des
facteurs de risque de la MPE dans le DS de Tougan.
Apprécier les insuffisances de l'action des prestataires
dans la lutte contre la malnutrition des enfants dans le D S de Tougan.
Faire des recommandations pour réduire la
prévalence de la M PE chez les enfants de moins de cinq ans dans le D S
de Tougan.
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