6.7.2.1.- La démarche globale
La question du développement durable s'impose ici
comme un projet d'entreprise nécessaire et pertinent. Il est
nécessaire car toute entreprise doit de s'interroger sur son rôle
sociétal et son impact environnemental, et est pertinent car plus que
pour toute autre activité entreprise. La démarche globale de
l'initialisation d'une politique de développement durable a
été scindée en quatre phases :
· Emergence de la problématique de
développement durable,
· Etat des lieux de l'existant,
· Elaboration d'une stratégie de
développement durable,
· Stabilisation des axes stratégiques et choix d'une
méthodologie.
Certaines parties prenantes interactionnelles peuvent
paraître plus difficiles à gérer que des parties prenantes
transactionnelles. Plusieurs parties prenantes ont pris part afin de valider
chaque stade du développement durable. Leurs influences apparaissent
tour à tour positive et négative, tel que présenté
dans le tableau 14 ci-dessous :
Tableau 14.- Attitudes des parties prenantes par stades
de développement durable
Stades
|
Type de parties prenantes pris en
considération
|
Attitudes des parties prenantes au
projet
|
Emergence de la problématique
de développement durable
|
Coalition Révérence Rupert, médias,
secteur privé, usagers groupes
d'écologistes, communautés locales, ...
|
négatives, peu négatives, neutres
|
États de lieux du problème existant
pour les volets sociétal et environnemental confiés au
Comité provincial d'Examen sur le projet (COMEX)
|
Experts sur questions sociétales, sous-traitants,
Gouvernement (réglementation), salariés, communautés
locales, ...
|
positives, neutres
|
Elaboration d'une stratégie
de développement durable
|
Promoteur, sous-traitants, Autorités locales,
COMEX, consultants, salariés, cadres,
communautés locales, ...
|
positives
|
Stabilisation des axes stratégiques et
choix d'une méthodologie
|
Actionnaires d'Hydro- Québec, Société
d'Énergie de la Baie- James (promoteur), COMEX,
... communautés locales, ...
|
positives, peu positives
|
6.7.2.2.- Initialisation d'une politique de
développement durable
La base méthodologique du cadre d'analyse
proposé a été utilisée pour initialiser le
développement durable. Les considérations économiques et
écologiques, comme les considérations éthiques et sociales
sont prises en compte dans l'analyse. La grille d'analyse
développée par le professeur Claude Villeneuve de
l'université du Québec à Chicoutimi (UQAC) est aussi
utilisée pour faire des analyses complémentaires. Celle-ci peut
donc servir à faire un compromis entre l'atteinte des objectifs pour
chacune des dimensions du développement durable. C'est aussi un outil
d'évaluation et de planification de projet qui illustre les
préoccupations à prendre en compte pour s'assurer d'un
développement qu'on pourra éventuellement qualifier de durable
dont la base méthodologique est comparable à celle de l'approche
cadre logique. Ici, l'analyse de développement durable porte
principalement sur trois (3) aspects principaux du projet. Soit celui de
respecter de l'environnement physique, celui d'améliorer
l'équité sociale et celui d'améliorer l'efficacité
économique.
? Respecter l'environnement physique
L'intention de respecter l'environnement par le souci
d'utilisation des ressources locales est donc nécessaire pour la
réussite des autres piliers du développement durable. Tant que
les ressources renouvelables sont utilisées sans gaspillage, et que les
processus physiques entretenant la vie sont maintenus, on peut s'attendre
à ce qu'elles puissent contribuer à satisfaire à
très long terme les besoins des humains. Lorsque cela est possible, on a
utilisé de préférence les ressources renouvelables
plutôt que les ressources non renouvelables dont l'épuisement
ultime est inévitable. Le projet de la centrale hydroélectrique
et dérivation Rupert énonce clairement des intentions dans ce
sens. Le projet vise à réduire certaines substances, comme les
émissions polluantes, affectant globalement la biosphère. La
mention est faite en collaboration avec les parties prenantes dont les
communautés locales, les groupes d'écologistes qui sont
d'ailleurs importants pour sa mise en application, mais qui risquent se buter
à une confrontation sur le terrain.
? Améliorer l'efficacité
sociale
Dans son ensemble, le projet énonce beaucoup
d'éléments permettant de répondre à la satisfaction
des besoins sociaux et aspirations individuelles. Entre autres, il respecte
très bien le principe de subsidiarité avec des intentions claires
d'implanter localement le centre décisionnel du projet et en faisant
appel aux ressources locales. Le projet contribue à un sentiment de
bien-être personnel en favorisant la liberté d'action des
individus tout en limitant les facteurs susceptibles de représenter des
dangers pour la personne. Pour les emplois liés au projet, ce dernier
énonce des intentions d'occupation valorisante d'épanouissement
personnel et d'investissement personnel à long terme. Le projet
permettra l'amélioration des connaissances dans plusieurs domaines.
La prise en compte des intérêts de la population
locale dans le développement du projet est très importante pour
initialiser le développement durable. Ce projet hydroélectrique,
favorise l'atteinte d'un compromis en terme d'objectifs durables pour que des
citoyens se réalisent pleinement et puissent fonctionner harmonieusement
en société. En se référant aux valeurs de respect,
il vise également à promouvoir l'émergence d'un sentiment
de liberté individuelle et de responsabilité collective tout en
favorisant la reconnaissance des personnes et des investissements et tout en
valorisant les compétences locales.
L'importance de la dimension culturelle est de plus en plus
importante dans la démarche d'une politique de développement
durable au sein des entreprises (Commission européenne, 2001 ;
Villeneuve, 2007). Plusieurs auteurs ont creusé cette question,
même si la plupart des auteurs n'envoyaient pas l'intérêt
dans les années 1990.
? Améliorer l'efficacité économique
de la région
L'intention de réaliser un projet profitable
répondant aux besoins matériels du plus grand nombre possible de
parties prenantes et porteur pour l'économie locale. Cette intention
devant cependant être soutenue par de réels besoins justifiant
l'utilisation et la transformation des ressources. L'intention de favoriser les
entreprises locales dans les appels d'offre améliore le niveau d'emploi
et les retombées locales. L'activité humaine
permet d'améliorer la valeur des ressources et des
biens qu'elle contribue à transformer. Cette augmentation de valeur se
concrétise par la valeur ajoutée que permettent les
échanges économiques. La transformation des ressources et des
écosystèmes devrait toujours s'accompagner d'une augmentation de
leur valeur. Le projet rencontre bien cette ligne directrice.
? Considérations d'équité et
éthiques
L'intention d'une accessibilité
intra-générationnelle possible est présente par le souci
d'une diversité d'offres pour toutes les classes de la
société. Le souci d'une équité
intergénérationnelle est aussi présent, quoique dans une
moindre mesure, par un objectif clairement identifié de restaurer des
lieux détériorés ou de dédommager les
communautés déplacées. Le document du projet évoque
des objectifs et actions ciblés vers la recherche de valeurs de
solidarité, de responsabilité et d'imputabilité. Ce sont
des éléments qui permettent de surmonter des crises, des
difficultés et de progresser dans un climat de confiance mutuelle entre
les individus et les peuples autochtones. Ce qui représente une
excellente approche d'innovation. La recherche de solutions originales permet
d'élargir le potentiel d'adaptabilité et de donner plus de choix
aux individus actuels et à venir pour satisfaire à leurs besoins.
L'intention de respecter le milieu humain et son contexte social par le souci
d'intégration en amont de la majorité des parties prenantes.
6.7.2.3.- Éléments fondamentaux manquants
ou faiblement explicités dans le document du projet
L'analyse des données d'enquêtes sur le terrain
nous permet de constater par rapport au projet étudié plusieurs
éléments fondamentaux manquants ou tout simplement peu
explicités dans les documents consultés en rapport avec ce projet
hydroélectrique. Ces éléments manquants se trouvent donc
au niveau de chaque pilier du développement durable, par exemple au
niveau du pilier écologique, du pilier économique, du pilier
d'équité et social.
(i) Favoriser davantage des cultures du peuple autochtone
dans le cadre de ce projet et leur identification au territoire
québécois
Les cultures autochtones restent encore très inconnues
aux yeux de plusieurs personnes, tels que québécois et
d'immigrants reçus vivant dans la province. On devrait favoriser
l'intégration des communautés autochtones des régions
environnantes pour les concepts, par exemple en favorisant l'intégration
d'une offre de services par des entrepreneurs autochtones capables de mettre en
valeur leur culture sur le site. On devrait intégrer plus largement des
éléments d'interprétation du patrimoine et de la
présence autochtone historique dans la région. Dans une certaine
mesure, on devrait permettre l'accès des ouvriers locaux à une
éducation et à une formation continue, notamment de ceux qui
présentent en partie ou activement dans le projet, même si que
cela s'organise sur de courtes durées par de personnels
qualifiés. Il faudrait envisager une formation de base sur les concepts
de développement durable pour tous les employés afin de
véhiculer une image positive et un message plus cohérent en
rapport avec le développement de ce projet hydroélectrique.
(ii) Absence d'objectifs ou d'actions entreprises par le
promoteur qui visent les plus
démunis à l'intérieur et à
l'extérieur des communautés Cries
On devrait développer un programme d'accompagnement
permettant aux jeunes en difficulté et aux familles autochtones de
profiter d'un certain nombre de jours d'utilisation des installations à
des coûts minimes. On devrait Intégrer les jeunes des
écoles dans des programmes spéciaux leur permettant de participer
à des activités de sensibilisation ou à des corvées
de construction d'infrastructures dont ils pourront profiter
financièrement par la suite ;
? Par rapport au pilier écologique
On devrait identifier la présence d'espèces
menacées et les moyens mis en oeuvre pour leur protection. On devrait
également offrir de plus grandes facilités à des
étudiants gradués principalement en environnement et en gestion
des universités québécoises de faire
leurs recherches sur le site, soit par des emplois temporaires ou
par des stages de perfectionnement ;
? Par rapport au pilier économique
Il faudrait s'assurer de l'adéquation entre le produit
et le besoin, soit une description factuelle des besoins réels de la
population locale justifiant le projet et conséquemment l'utilisation de
ressources et la transformation des écosystèmes. Le document de
projet ne fait pas ressortir clairement l'adéquation du projet avec les
besoins actuels mais plutôt avec ceux anticipés. Il faut s'assurer
du mécanisme de redistribution pour éviter qu'un certain nombre
d'individus se trouvent dans le dénuement. Ce qu'on devrait possiblement
assurer par l'intégration des organismes d'économie sociale ou
d'organismes de charité impliqués au projet.
6.7.3.- Analyse comparative du modèle de gestion
utilisé par l'entreprise d'HydroQuébec
Bien que les grandes différences technologiques,
économiques et culturelles qui existent parmi les entreprises, la
problématique du développement durable associée à
leur quotidien peut être parfois similaire, comme c'est le cas de
l'Hydro-Québec et d'autres entreprises québécoises. Cette
étude de terrain démontre que les entreprises sont contraintes
d'intégrer des questions d'environnement et du développement
durable dans leurs processus décisionnels. Afin de minimiser les impacts
d'un projet sur l'environnement et sur la société, celles-ci sont
assujetties à des instruments politiques et légaux
environnementaux qui doivent s'appliquer dans leurs méthodologies de
gestion. Pour certains projets c'est la municipalité qui impose les
instruments les plus pertinents, mais pour d'autres ce sont les
autorités provinciale et fédérale.
Il n'y a pas encore au Québec de politique efficace
pour l'application des instruments légaux existants. De plus, la
recherche et le développement de technologies environnementales par les
entreprises sont presque inexistants et leurs démarches
environnementales sont, généralement,
très ponctuelles. Le projet est par ailleurs loin d'être
accepté par la société, si celui-ci n'aurait pas
reçu tel que souhaité l'appui des citoyens et élus locaux.
Bien que, dans la majorité des cas, les projets reçoivent
l'approbation officielle des gouvernements, mais il reste toujours un bout
chemin à faire pour que ceux-ci soient acceptés socialement par
les communautés locales.
Les enquêtes de terrain montrent que la filiale
d'Hydro-Québec dispose peu d'outils d'analyse et d'aide à la
décision intégrés à un portail qui servent
d'interface avec ses parties prenantes. D'autres chefs de projet
rencontrés lors des enquêtes sont arrivés à des
conclusions identiques. Au besoin, des spécialistes internes de
l'entreprise devraient recourir aux services d'experts sur des questions
sociétales qui maîtrisent à fond les outils
nécessaires et comprennent les enjeux relatifs à
l'acceptabilité sociale du projet. Cette formule permettrait aux parties
concernées par le projet de réagir rapidement à
l'évolution du contexte sociopolitique ou réglementaire. Les
préoccupations environnementales sont intégrées aux
processus de décision et s'harmonisent mieux aux besoins de
l'entreprise.
L'acceptation sociale du projet est essentielle car elle a
permis l'arrimage des systèmes de gestion par rapport à
l'environnement physique et à la société aux exigences
réglementaires, et d'assurer les mises à jour nécessaires
en cas de modification de la réglementation. Ils accomplissent ces
tâches en concertation avec les communautés locales afin de
préserver sans cesse la concordance entre le projet et les besoins de la
communauté. Ces spécialistes offrent aussi des services conseils
et assurent la continuité entre les applications qui peuvent être
intégrées pour répondre au besoin spécifique.
D'une façon générale, nous pouvons
constater que la méthodologie de gestion, telle que préconise
notre approche, dispose d'outils d'analyse plus adéquats,
comparativement à celle des entreprises étudiées au
Québec. Pour ce qui est la filiale d'Hydro-Québec, la
différence majeure est rencontrée au niveau des instruments
utilisés pour la mise en pratique et le suivi des activités, des
principes et des normes de gestion. À un niveau plus
opérationnel, nous voulons donc apporter des
améliorations, à travers des études de faisabilité
/ d'instruction, le suivi et l'évaluation ainsi que par le biais d'une
prise de décision éclairée, aux étapes clés
dans la préparation et la mise en oeuvre de projets et de programmes.
Notre approche propose une façon de prendre en compte des parties
prenantes (groupes cibles, bénéficiaires, institutions locales et
élus locaux) dans les différentes phases d'un projet ou d'un
programme. Elle est en quelque sorte un assemblage de concepts et de
tâches ou techniques relativement simples, notamment :
· Le concept du cycle de projet ;
· L'analyse des parties prenantes ;
· Le « cadre logique » comme outil de
planification et d'évaluation ;
· Les facteurs clés de qualité.
L'applicabilité de celle-ci dépend de la
gestion des informations disponibles (et plus précisément, celles
émanant des bénéficiaires et groupes cibles) et de la
façon d'obtenir ces informations et de négocier avec tous les
acteurs qui sont concernés par le projet.
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