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Le développement financier et les déficits budgétaires dans la CEMAC

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par zédou abdala
Université Yaoundé II - DEA-PTCI 2006
  

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Section 1

L'évaluation des réformes financières dans la CEMAC.

La prise en compte des conséquences du secteur financier sur l'économie réelle a abouti à la construction des variables mesurant le niveau de développement du système financier. Le « syndrome interventionniste » de Mckinnon traduit clairement cette relation et renvoie à la notion de répression financière. C'est à la fois le maintien des taux d'intérêt bas, les interventions de l'Etat visant à limiter la liberté d'action dans le système financier. Mckinnon soutient, que c'est cet interventionnisme qui maintient le système financier dans le sous-développement. Ainsi libérer celui-ci de l'interventionnisme étatique éliminerait les freins à son expansion. Il en résulterait la réduction des coûts de transaction et d'information grâce à une meilleure gestion et répartition du risque, et la réalisation des économies d'échelle1. Le développement financier est le concept qui traduit à la fois l'essor des marchés et l'expansion de l'intermédiation. Il recouvre à la fois la taille des systèmes financiers et la diversité des instruments financiers à la disposition des agents économiques. Ainsi d'après Fry (1995), un système financier étroit (respectivement vaste) et offrant des services traditionnels (fournissant une gamme variée de services financiers) sera dit sous développé (développé). Des indicateurs financiers sont calculés pour saisir de manière empirique le niveau d'expansion du système financier. Les variables construites par King et Levine (1992) sont indiquées pour notre étude. Elles sont relatives au système bancaire et pratiquement simples à construire. Le système financier de la CEMAC est essentiellement à finance indirecte (Mathis, 1992). Les auteurs présentent clairement la méthode de calcul des indicateurs à partir des Statistiques Financières Internationales (SFI) du Fonds Monétaire International (FMI).

1 Pour une revue de cette littérature, voir Raffinot et Venet (1998) ou VENET, Baptiste, (1996),

1- L'évaluation de l'approfondissement financier dans la CEMAC.

La période d'étude est choisie pour tenir compte de la crise bancaire et de la libéralisation financière2. Elle va donc de 1987 à 2002, l'année la plus récente dont nous disposons de statistiques financières. Tous les six pays de la CEMAC fournissent des statistiques sur cette période. Les données sont tirées des SFI : l'annuaire 1996 et le numéro de mai 2003, complétés par le numéro d'octobre 2000.

Nous nous proposons (les pays ci-après sont choisis de manière aléatoire) de mesurer l'approfondissement financier dans deux pays représentatifs de l'UEMOA (la Côte d'Ivoire et le Sénégal) et deux pays hors Zone Franc et hors Afrique subsaharienne (le Maroc et la Tunisie). Les indicateurs financiers de ces autres groupes nous permettront de comparer leur niveau de développement à ceux de la CEMAC. En UEMOA, les indicateurs financiers sont calculés sur la période 1987-2001 ; la période se réduit au Maroc par manque de données (1990-2001). Les calculs sont effectués à l'aide du logiciel Excel en raison de sa simplicité.

1.1- Des comparaisons significatives.

En prenant seulement en compte les indicateurs LLY et PRIVY, qui donnent le niveau réel de développement financier dans la zone, les indicateurs calculés sur notre période d'étude (1987-2002) ont connu une baisse assez remarquable, par rapport à ceux calculés sur la période 1967-1995 (Ekani, op. cit.).

Tableau 2.1 : Tableau comparatif des niveaux moyens de développement financier sur les périodes 67-95 et 87-02.

 

Cam.

Gab.

RCA

Con.

Tch.

G.éq.

LLY

1967-1995

0.194

0.194

0.193

0.187

0.172

 

1987-2002

0.174

0.175

0.174

0.171

0.168

0.102

PRIVY

1967-1995

0.214

0.182

0.197

0.175

0.134

 

1987-2002

0.143

0.121

0.054

0.113

0.074

0.103

Source : calcul à partir des SFI, selon la méthode King et Levine (1992), et Ekani (1999).

2 Les pays de la zone CEMAC, comme ceux de la zone Franc ouest africaine, ont été frappé par une crise bancaire dès 1987. C'est justement pour faire face à cette crise que les mesures de libéralisation financière ont été prises dès 1990.

Les indicateurs LLY et PRIVY dans la CEMAC sont aussi très faibles comparés à ceux des pays de l'UEMOA. En effet, les moyennes sur la période 87-02 pour le Sénégal (LLY=0.234, PRIVY=0.221) et Côte-d'Ivoire (LLY=0.279, PRIVY=0.266) sont très au- dessus de la moyenne de n'importe quel pays de la CEMAC. Le désavantage des pays de la CEMAC s'accentue, lorsqu'on les compare à deux pays africains hors Zone Franc. LLY au Maroc représente, en moyenne, plus de 3.5 fois la valeur de l'indicateur au Gabon. PRIVY en Tunisie vaut environ 4 fois plus qu'au Cameroun.

Tableau 2.2 : Indicateurs moyens en Côte-d'Ivoire, au Sénégal, au Maroc et en Tunisie.

 

C.Iv.

Sén.

Mar.

Tun.

LLY

0.279

0.234

0.638

0.503

PRIVY

0.266

0.221

0.379

0.544

Source : calcul à partir des SFI, selon la méthode King et Levine (1992). 1.2- L'analyse du développement financier dans la CEMAC.

L'indicateur traditionnel d'approfondissement financier mesure la taille du système bancaire dans l'économie. Il est aussi l'indicateur de la liquidité de l'économie. Ses valeurs décroissantes et faibles par rapport à la période 67-95 traduiraient la réduction de la taille du secteur des intermédiaires financiers, et de la liquidité de l'économie. Les explications se trouveraient dans la crise aiguë, et l'âpreté des réformes du système. En effet, la crise aurait considérablement réduit la liquidité dans la zone, par l'exportation des fonds en quête de meilleurs emplois. La restructuration des systèmes bancaires a entraîné des liquidations en masse. Aussi le nombre de banques est-il passé, entre 1986 et 1995, de 38 à 32 (Wamba, 2001). Ainsi, malgré les mesures de libéralisation financières, l'approfondissement financier n'a pas été amélioré.

BANK est souvent pris en compte pour signifier que les banques sont mieux armées que la banque centrale pour gérer les risques et l'information. Ses valeurs élevées témoigneraient de ce que le crédit alloué par les intermédiaires financiers est en grande partie octroyé par les banques commerciales tandis que leur baisse signifie une activité grandissante de la Banque Centrale.

Les indicateurs PRIVY et PRIVATE représentent la taille du secteur privé dans l'économie,
ou encore l'efficacité du système bancaire vis-à-vis du secteur privé. Leurs valeurs

relativement médiocres et sans cesse en diminution, par rapport à 67-95, connoteraient une efficacité de plus en plus réduite du système bancaire pour le secteur privé, et une baisse de la contribution des acteurs privés dans l'économie. La méfiance des banques, issue de l'expérience de la crise (créances compromises), les conduirait, par prudence, à léser les agents privés. La perte de la part du privé se ferait alors au profit des activités de rente3 ou du secteur public.

La comparaison des niveaux de développement financier entre les pays de la CEMAC et deux pays de l'UEMOA montre clairement, que le système financier des seconds est plus développé que ceux des premiers. La différence est davantage ressentie, lorsqu'on met en parallèle les pays de la CEMAC d'une part, et le Maroc et la Tunisie d'autre part. Ces résultats confirment bien ceux des travaux précédents, qui donnent un avantage des pays de l'UEMOA sur la CEMAC, en matière de développement financier, et un avantage certain de l'Afrique du nord sur l'Afrique subsaharienne. Il faut même noter que le système financier de l'UEMOA dispose d'une bourse de valeurs, localisée à Abidjan (la BRVM). Le Maroc et la Tunisie ont chacun une bourse de valeurs (la Casablanca Stock Exchange et la Tunis Stock Exchange respectivement).

Il apparaît qu'à partir de 1987, le niveau de développement financier a fortement baissé. Le système financier de la CEMAC déjà sous-développé a encore été endommagé par la crise bancaire. Les causes étaient trouvées dans le caractère répressif de l'environnement financier entre autres.

II
L'appréciation des réformes du système financier de la CEMA C.

En une quinzaine d'années, le système financier de la CEMAC connaît deux générations de réformes. Les premières (1990) répondaient aux insuffisances du cadre d'exercice de l'activité d'intermédiation, et surtout visaient à juguler la crise de la fin des années 1980. Ces mesures se sont avérées satisfaisantes pour assainir le système bancaire, et

3 Ceci constituerait une explication de la surliquidité des banques de la zone.

non pour assurer son développement4. C'est pourquoi des réformes de deuxième génération, dont certaines sont encore en cours de réalisation, sont nécessairement entreprises.

2.1- Les insuffisances du système financier de la CEMAC.

La CEMAC souffre gravement de l'absence d'alternatives à l'intermédiation bancaire. Pour assurer le financement des projets d'investissement, l'Afrique centrale a besoin d'instruments et de mécanismes variés lui permettant de mobiliser l'épargne longue en grande quantité. Dans un contexte marqué par les exigences croissantes de privatisation, la sous région devrait fournir des mécanismes de sortie pour les investisseurs dans les titres des entreprises à privatiser. Elle devrait aussi proposer des facilités pour le changement de structure aux entreprises qui le désirent. Les instruments de financement long et les possibilités de modification de la taille des entreprises font défaut dans la zone.

De plus, les Trésors Nationaux continuent de dépendre des avances de la BEAC pour combler leurs déficits de trésorerie. La Banque Centrale continue donc de subir les pressions du financement monétaire des déficits budgétaires et la politique monétaire ne trouve pas toujours les bons de Trésor. Ceux-ci animent généralement le marché monétaire et sont le canal privilégié de transmission de la politique monétaire. La BEAC ne peut donc pas agir efficacement sur le système bancaire et sa liquidité du fait de la quasi absence des titres publics.

Par ailleurs, la CEMAC pèche par l'opacité de son tissu productif. Les informations sur les activités dans les différents secteurs sont rares dans la zone. Les potentiels investisseurs voulant se lancer dans l'industrie ou les activités commerciales ne trouvent pas les données nécessaires sur les positions concurrentielles ou sur les débouchées dans les différentes branches. Dans le même ordre d'idées, il n'existe pas de structure fournissant aux éventuels investisseurs des renseignements sur les entreprises et leur gestion. En fait, les agents économiques n'ont pas une bonne connaissance des activités et opportunités en Afrique centrale.

Il est important de noter que dans un contexte mondial marqué par la dématérialisation des valeurs et le règlement électronique des transactions, la CEMAC n'a pas encore assuré le développement de la monnaie scripturale. Le système de paiement de la sous région est

4 Les mesures de première génération et leur appréciation sont présentées en annexe 6.

encore dominé par les transactions en monnaie fiduciaire, qui marquerait la confiance peu solide en ce système. Le caractère archaïque des moyens de paiement découle de la rigidité du système de paiement et de règlement de la zone.

Une explication au manque de confiance du public au système bancaire le défaut de paiement à la fois des crédits et des dépôts. Ces incidents de paiement révélaient qu'il n'était plus sécurisant de déposer ses fonds en banque dans la CEMAC. En fait, Les clients insolvables des banques n'ont jamais fait l'objet d'aucune procédure judiciaire. Il n'est donc pas insensé de souligner qu'il n'existe pas de répression aux incidents de paiement dans une zone où les flux financiers sont dominés par les règlements en monnaie fiduciaire.

Les insuffisances ainsi recensées expliquent le sous développement du système financier de la CEMAC. Les réformes de deuxième génération prennent notamment en compte ces manquements. Elles sont donc à mesure d'améliorer l'activité financière et d'assurer le développement financier dans la sous région.

2.2- Les réformes en cours, pour le développement financier.

Des réformes financières et monétaires sont en cours dans la CEMAC pour construire une structure permettant le développement de la sphère financière propice au développement économique.

La belle illustration de cette nouvelle orientation est le projet de la bourse des valeurs mobilières de l'Afrique centrale (BVMAC). Le chronogramme de la mise en place de la BVMAC a été révisé à plusieurs reprises. Les principales institutions du marché ont déjà été mises en place et mais démarrage effectif des activités est handicapé par l'existence de deux projets concurrents dans la zone. La BVMAC s'imposerait alors comme alternative au financement bancaire, puisque la bourse est un organisme à fortes externalités positives. Elle met continuellement et spontanément à la disposition du public, des informations exhaustives et qualitatives sur les performances des agents économiques ; et les titres financiers viennent accroître la gamme des services offerts par le système financier.

Le projet d'émission des titres publics de même accroît la gamme des services financiers offerts dans le cadre d'un marché des valeurs du Trésor. Ce dernier est un instrument de gestion de l'endettement public permettant à l'Etat de mobiliser les capitaux dont il a besoin pour financer son budget. Les titres publics libèrent la Banque Centrale de la pression du financement monétaire des déficits publics et lui permettent en même temps d'agir plus efficacement sur la liquidité bancaire. Les projets de la BVMAC et de l'émission des titres

publics associés à celui de la Centrale des Bilans devront apporter une meilleure connaissance du tissu productif des Etats membres.

En outre, pour répondre à l'insuffisance et à la rigidité du système des paiements et de règlement (SPR) de la sous région, une réforme est en cours pour le rendre plus souple, ouvert et fiable. Complété par le projet de création d'une centrale des incidents de paiements, la modernisation du SPR va accroître la sécurité des paiements, réduire les délais et coûts de transactions bancaires et favoriser le développement de la monnaie scripturale et de l'interbancarité.

Le système financier de la CEMAC est encore sous-développé. Les indicateurs ont même régressé par rapport à la période d'avant la crise. Ils sont inférieurs à ceux des pays de l'UEMOA, de la Tunisie et du Maroc. Les mesures de libéralisation auront été utiles seulement à juguler la crise. Mais des perspectives meilleures se dessinent pour le système financier de la CEMAC, avec les projets financiers et monétaires en cours de réalisation.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984