Etude socio-anthropologique de la contribution des institutions sociales à l'allongement de la vie: l'exemple de l'ebeb chez les Adjoukrou( Télécharger le fichier original )par Fato Patrice KACOU Université de Cocody-Abidjan (Côte d'Ivoire) - Diplôme d'Etude Approfondie (DEA) 2005 |
I.3.6- La quête transculturelle de la longévité
Jacques Attali((*)32) fait de la quête de la longévité un problème éminemment anthropologique qui a traversé les premières sociétés, il y a de cela des millions d'années. Il montre que la recherche de l'allongement de la vie est le vecteur et le socle de toutes les institutions sociales. C'est pourquoi il affirme: « la première ambition des hommes, celle qui les guide avant toute autre, est d'être, de durer, de retarder la mort. Et, pour durer, d'employer toujours la même ruse sous de multiples formes: s'approprier les biens des autres, qui sont leurs forces et leur vie; et les employer d'une façon qui correspond le plus exactement à l'idée qu'on se fait, à une époque donnée, de la mort.». Il rend indissociable la recherche de la longévité et la mort. D'une part, la mort donne d'accéder à une double vie: l'expérience d'ici-bas et celle de l'au-delà. Le mort de l'au-delà qui assiste et protège les membres du groupe. Et d'autre part, le mort qui s'avère une menace contre la sécurité et la survie des autres membres de la communauté. Ce dernier: « doit être éloigné au plus vite des vivants, pour ne pas revenir les chercher.». En outre, la mort des jeunes traduit une symphonie inachevée qui jette le désarroi et la hantise dans la communauté. En effet, l'âme d'un mort jeune refuse de quitter les siens et exige « une réparation » qui doit être matérialisée par la mort d'une autre personne. Pour Jacques Attali, certes toutes les traditions recherchent la longévité; mais cette recherche s'exprime différemment selon les sociétés et selon le temps. Ce qui conduit l'OMS((*)33) à avoir une approche nouvelle de la longévité. Pour elle en effet, la préoccupation n'est plus de vieillir mais de vieillir en « restant actif », c'est-à-dire que les vieilles personnes grâce à un suivi médical régulier et adapté doivent être en mesure de remplir des rôles au sein de la famille, de la société, et avoir des activités économiques appropriées à leur âge. Par exemple en Afrique subsaharienne, la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA et de leurs enfants revient dans les familles le plus souvent aux personnes âgées. Ce plan d'action ne manque pas d'évoquer les sévices dont les vieilles personnes sont victimes. Toutefois, il est aussi important d'indiquer comme le révèle Abram Kardiner((*)34), que dans certains systèmes sociaux, face à certaines difficultés, les vieilles personnes, sous le prétexte qu'elles ont vécu longtemps comparativement aux jeunes, acceptent au péril de leur vie, de se donner en sacrifice. C'était le cas dans la société traditionnelle Chuckchee, où, en période de famine les vieilles personnes acceptaient d'être tuées afin que le peu de nourriture puissent satisfaire les autres membres de la famille. La revue de littérature a permis de voir sous les angles biomédical, social et religieux, les différents discours sur le phénomène de la longévité. Notre recherche sans s'en éloigner, va tenter de ressortir la construction sociale de la longévité chez les Adjoukrou. A cet effet, elle se réfère au cadre conceptuel et théorique de l'anthropologie sociale et culturelle. Ce qui permettra de saisir d'une part, l'aspect socio-historique de l'ebeb; et d'autre part, de connaître la représentation de la vie et de la longévité chez les Adjoukrou. Mais quels sont les objectifs de cette étude ? * (32) Jacques Attali, au propre et au figuré, Fayard, 1988. * (33) OMS, Plan d'action international sur le vieillissement, Genève, 2002. * (34) Abram Kardiner, l'individu dans la société. Essai d'anthropologie psychanalytique, Gallimard, 1969, p. 184 |
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