Etude socio-anthropologique de la contribution des institutions sociales à l'allongement de la vie: l'exemple de l'ebeb chez les Adjoukrou( Télécharger le fichier original )par Fato Patrice KACOU Université de Cocody-Abidjan (Côte d'Ivoire) - Diplôme d'Etude Approfondie (DEA) 2005 |
I.4- OBJECTIFSI.4.1 L'objectif généralL'objectif de ce travail vise à mettre en évidence la contribution d'une institution sociale - l'ebeb - à l'allongement de l'espérance de vie. A cet objectif général, il est rattaché quatre objectifs spécifiques. I.4.2- Les objectifs spécifiques
Il s'agit concrètement dans cette étude de: 1- analyser les structures sociales d'intégration et les fonctions sociales des ebebu, 2- décrire la perception de la vie et de la longévité chez les Adjoukrou, 3- étudier le fonctionnement institutionnel de l'ebeb, 4- mettre en évidence l'allongement de la vie en terme d'intégration des personnes âgées. Le recueil de ces données permettra de vérifier l'hypothèse que nous formulons. I.5- HYPOTHESE1- L'allongement de la vie chez les Adjoukrou est favorisé par les institutions sociales d'intégration de la personne âgée. L'intégration ici, est considérée comme un moyen de renforcement de la santé en tant que force vitale. Cette définition rejoint le sens anthropologique que Memel-Fotê Harris, donne à la santé perçue chez lui comme la résultante des rapports entre l'individu et la société, les divinités et la nature indépendamment des dimensions biomédicales et psychologiques. En d'autres termes l'allongement de la vie chez les Adjoukrou est lié aux rapports de l'individu et avec la société et avec les forces surnaturelles. La confrontation de cette hypothèse au fait nécessite que les concepts clés du thème de recherche soient élucidés. I.6- DEFINITIONS DE CONCEPTI.6.1- La contribution: le concept de contribution vient du mot latin`' contributio''. Il signifie la part apportée par chacun à une action commune ou la collaboration à une oeuvre collective.Dans le domaine des sciences sociales, ce terme introduit la notion de participation d'un élément du système social, c'est-à-dire l'implication réelle, consciente et responsable d'un acteur social ou d'un fait social à une action collective qui est entreprise. En socio-anthropologie précisément, le concept de contribution renvoie à la fonction sociale que remplit une institution. Et c'est dans ce sens que le thème contribution est pris. Ainsi, entendons-nous par contribution des institutions sociales, le rôle propre et caractéristique joué par l'ebeb dans la quête de l'allongement de la vie. I.6.2- Les institutions sociales: le terme institution vient du latin `'instituere'' et signifie au sens étymologique: établir, construire, fixer. Au sens large, elle est une pratique ou un comportement énéral dans un milieu donné qui, lié à des représentations collectives, est stéréotypé. En Droit, l'institution désigne un organisme ou une organisation suscité par la prise de conscience, due à quelques individus, de certaines exigences de l'intérêt commun d'une collectivité et qui doit durer aussi longtemps que ces exigences, indépendamment des volontés particulières des membres de la société. Chez les sociologues américains, une institution est une forme établie de conduite homogène et cohérente qui sert à la fois à l'exercice du contrôle social et à la satisfaction des besoins sociaux de base. C'est une combinaison ou une configuration de modèles de comportement, partagés par une pluralité et centrés sur la satisfaction d'un besoin fondamental du groupe. Ce sont les sociologues de l'école durkheimienne qui ont donné au concept d'institution un sens technique plus précis. Ainsi, alors que les ethnologues et les anthropologues de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle avaient étudié les institutions tels que: la famille, les organisations politiques et économiques, les systèmes religieux; et dans une perspective historique et comparative sans en définir ni le contenu, ni les critères, la sociologie durkheimienne va au contraire circonscrire le concept par l'identification des critères qui permettent une construction intellectuelle plus rationnelle et méthodologique de cette réalité que désigne le concept d'institution. Pour la sociologie durkheimienne, il existe deux types de faits: les faits sociaux institutionnalisés ou cristallisés et les faits sociaux non cristallisés ou non institutionnalisés. Les faits sociaux non institutionnalisés sont des faits ponctuels et n'ayant pas une portée générale. Les faits sociaux institutionnalisés sont des manières d'agir, de sentir, et de penser constantes qui sont marquées par l'extériorité et la généralité. Autrement dit, les institutions sont des manières de vivre que l'individu trouve préétablies et qui se transmettent par l'éducation. En ce sens, l'ebeb est une institution sociale Adjoukrou qui consacre de façon cyclique la prise du pouvoir exécutif et législatif par une classe d'âge regroupant des individus d'un âge oscillant entre 60 ans et 76 ans. I.6.3- La longévité (l'allongement de la vie): ce mot vient du latin longus qui signifie long et de aevum qui veut dire âge. C'est la longue durée de vie. En Adioukrou on parle de « sel pkap », c'est-à-dire, la longue vie. La longévité de façon générale renvoie à la durée de la vie. Ainsi, peut-on admettre une longévité de moins de deux ans et plus. Etant donné le caractère relatif de la notion de durée de vie, dans la présente étude nous fixons la longue durée de vie minimum à 60 ans. En effet, en Côte d'Ivoire les études considèrent une personne comme appartenant au troisième âge, à partir de l'âge de 60 ans. Or, dans le système des Nations Unies est considéré comme personne du troisième âge, tout individu ayant un âge supérieur ou égal à 65 ans. Autrement dit, nous entendons la longévité comme étant un allongement de la vie supérieur ou égal à 60 ans. Et cette définition tient compte du milieu dans lequel la présente étude a lieu. Dans la société Adjoukrou ne peut célébrer son ebeb que les individus d'une classe d'âge ayant au minimum 60 ans. La longévité et la vie sont assimilées totalement à la santé. Or, dans une approche classique, le sens de la santé a été réduit strictement aux données biologique et biomédicale. Il a fallu les travaux de l'anthropologie pour que l'on admettre avec MemeL-Fotê Harris((*)35), que la santé en tant que réalité globale, s'apprécie à trois niveaux. D'abord la santé en tant que force, renvoie au bien-être physique des individus, c'est-à-dire à l' « absence de maladie ». Ensuite, la santé au plan psychologique s'entend comme l'équilibre affectif et l'éloignement de l'angoisse. Et enfin, au plan social, la santé en tant que force vitale traduit le rapport de l'individu avec sa communauté, la nature et les divinités. Avec cette définition anthropologique, la santé s'affranchit du seul domaine des sciences médicales pour intégrer les variables socioculturelles. C'est dans ce sens que chaque société en rapport avec sa vision du monde construit son système sanitaire en définissant les éléments pathologiques et normaux susceptibles de nuire ou de favoriser la santé et par là, participer de la longévité. Dans cette optique, le maintien de la santé sera fonction de l'observance des normes et des valeurs, du respect des lois de la nature et du respect des prescriptions divines. Aussi, l'intégration sociale des personnes âgées en terme de catégorie sociale toujours utile, peut être un facteur de longévité. En un mot la solidarité et la cohésion en tant que force vitale stimulent les personnes âgées. En outre, l'hygiène de vie au-delà des habitudes alimentaires, embrasse les totems et les agents pathogènes qui sont tous des éléments considérés comme anormaux. Comme illustration d'éléments microbiens nous avons le vol et le mépris des âges avancés. I.7- CHAMPS DE L'ÉTUDE * (35) Harris Memel-Fotê, les représentations de la santé et de la maladie chez les Ivoiriens, OMS, Abidjan, 1996. |
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