Etude socio-anthropologique de la contribution des institutions sociales à l'allongement de la vie: l'exemple de l'ebeb chez les Adjoukrou( Télécharger le fichier original )par Fato Patrice KACOU Université de Cocody-Abidjan (Côte d'Ivoire) - Diplôme d'Etude Approfondie (DEA) 2005 |
I.3.2- Les déterminants de la longévité
Dans cette étude, Wolber Pascal s'est intéressé aux facteurs objectifs et subjectifs de la longévité. En ce qui concerne les facteurs objectifs, il en note trois. D'abord les facteurs comportementaux qui consistent à observer une hygiène alimentaire et à fréquenter les hôpitaux. Ensuite les facteurs environnementaux qui insistent sur la viabilité du cadre de vie. Et enfin, les facteurs biologiques qui sont liés aux gènes régulateurs. Quant aux facteurs subjectifs, il avoue à d'entrée la réticence des enquêtés à s'exprimer sur le secret de leur longévité. Toutefois, 88% des centenaires déclarent devoir leur longévité à la providence divine, aux respects des traditions, à l'égard pour des membres de la communauté et de la famille. Pour les enquêtés, la longévité n'est donc pas due à la science médicale et aux facteurs biologiques, mais plutôt aux variables sociales. En effet, l'auteur enquête sur une société dans laquelle le système médical revêt un caractère symbolique, où l'explication des questions de santé se rapporte à la culture; d'où le concept d'isomorphisme en anthropologie. Ce lien entre les variables sociales et la longévité avait déjà été évoqué par les religions comme l'illustre la revue, le `'Réveillez-vous !''((*)22). I.3.3- La conception théologique de la longévité
Selon cette revue, le vieillissement est le phénomène biologique le plus complexe, car malgré les multiples théories sur le vieillissement et les recherches importantes entreprises par la génétique, la biologie moléculaire, la zoologie et la gérontologie, l'on n'est pas encore parvenu à déterminer les causes de ce phénomène pour trouver un remède. Toutefois, la revue le `'Réveillez-vous!'', nous fait savoir que la vieillesse et la mort sont la conséquence du péché adamique. Adam et Eve en se rebellant contre Dieu ont en effet détruit le dessein de vie éternelle des hommes. Et d'ajouter: « l'histoire des premières générations humaines nous éclaire sur le genre de vie que Dieu avait réservé à l'homme. A l'époque, on ne vieillissait qu'au bout de plusieurs siècles. Adam vécut 930 ans. Quelques générations après, Sem, fils de Noé, ne vécut que 600 ans, et Arpakshad, petit-fils de Noé, 438 ans. Plus tard encore, Abraham vécut 175 ans. Il semble que sous l'effet du péché, l'espérance de vie de l'humanité ait diminué à mesure que celle-ci s'éloignait de la perfection originelle. Mais au commencement, l'homme était fait pour vivre éternellement». Autrement dit, les causes de la vieillesse et de la longévité sont à rechercher dans les relations entre l'humain et le divin. Dans ce même ordre d'idées, EL Hafez Ben((*)23) révèle que les actes de charité et la recherche des rapports fraternels ont un lien avec la longévité. Ainsi, affirme-t-il, le messager de Dieu, le prophète Mahomet, a dit: « que celui qui serait heureux de vivre dans le bien-être et de retarder l'heure de son trépas pratique ses devoirs de parenté ». En d'autres termes, les oeuvres caritatives sont source de longévité. En outre, pour les religions dites révélées notamment le christianisme, l'éternité compromise par le péché adamique sera retrouvée dans un monde nouveau que Dieu accordera à ses fidèles((*)24). A en croire les religions, l'homme recherche d'abord la longévité ici-bas, pour ensuite prétendre à celle d'en haut. Autrement dit, avoir une longue durée de vie est une preuve de rapport harmonieux entre l'homme et son Dieu. Cette conception de l'allongement de la vie est contredite selon Richard Lefrançois((*)25) par des études évolutionnistes. En effet, pour les évolutionnistes, toutes les recherches depuis la préhistoire en passant par la période paléolithique, mésolithique jusqu'au Bas Moyen Age, ont montré que les hommes ne vivaient pas au-delà de 50 ans ou que très peu parvenaient à atteindre 50 ans. Ainsi, les paléontologues Trinkaus et D.D Thompson à travers leur recherche sur la période paléolithique (200 000 à 30 000 avant J.C) ont estimé que deux sujets sur quatre n'atteignaient pas l'âge de 40 ans. René Dobos, de son étude sur l'époque du Mésolithique (10 000 avant J.C) ayant porté sur 173 squelettes dans un cimetière antique, a montré que seuls trois individus ont pu dépasser légèrement l'âge de 50 ans, soit un pourcentage inférieur à 2%. A une époque plus récente, il est prouvé à partir des études statistiques que la France, de l'Ancien Régime (1515-1547) à la Révolution (1789), avait une espérance de vie à la naissance de 25 ans. Et ceux qui arrivaient à atteindre 20 ans n'excédaient pas l'âge de 55 ans. Toute chose qui valorise la vieillesse et confère aux personnes âgées un prestige social comme on le voit avec Claude Meillassoux((*)26). * (22) « Combien de temps pouvez-vous vivre ? », in Réveillez-vous! mai 2006, pp 3-9. * (23) EL Hafez Ben, l'arrivée au but, édition, Dar Al Fikr, p.296. * (24) Confère la Sainte Bible (Jean 3,16) * (25) Richard Lefrançois, les nouvelles frontières de l'âge, Presse Universitaire de Montréal, 2004. * (26) Claude Meillassoux, anthropologie économique des Gouros de Côte d'Ivoire. De l'économie de subsistance à l'agriculture commerciale, Mouton, Paris, deuxième édition, 1970. |
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