6- Type et distribution des poussées
épidémiques
Les principaux microbes et toxines microbiennes auxquels
peuvent être certainement ou vraisemblablement imputées des
maladies transmises à l'homme par le lait sont
énumérés au tableau1.
Dans de nombreux pays économiquement
avancés, certaines maladies dues au lait contaminé :
fièvre typhoïde, diphtérie, salmonelloses, streptococcie
(angine, scarlatine), fièvre Q, brucellose et tuberculose ont
pratiquement disparu soit qu'elles aient été
éliminées de la population animale (brucellose, tuberculose, soit
que leur fréquence ait été considérablement
réduites parmi la population humaine (typhoïde, diphtérie),
soit que leur transmission ait été évitée par un
traitement thermique et un contrôle sanitaire efficaces des produits
laitiers ; dans les pays en voie de développement où cet
heureux résultat n'a pas encore été atteint, on peut
craindre la répétition des épidémies successives
qu'on connues, au début du siècle, les pays maintenant
avancés . Mais cette répétition est évitable
à condition de mettre à profit les connaissances récemment
acquises concernant les facteurs de transmission des maladies et surtout en
appliquant au lait cru, soit en vrac dans un centre de traitement, soit dans
des dispositifs de conception simple à l'usage familial, des techniques
d'inactivation thermique économiquement praticables.
Les flambées épidémiques
classiques comme celles que causent les staphylocoques toxigènes, les
streptocoques, les bacilles de la typhoïde et d'autres
salmonella, ne sont généralement pas difficiles à
localiser si l'on entreprend des recherches épidémiologiques, car
l'affection clinique se manifeste par l'accumulation de cas sur une
période de temps relativement courte. Il est beaucoup plus difficile, et
même souvent impossible, de déceler l'origine des maladies comme
la brucellose, la tuberculose et l'hépatite infectieuse parce que leur
période d'incubation est beaucoup plus longue et plus variable.
La prévision d'épidémies
spécifiques dans différentes régions est en outre
compliquée par l'existence de différences dans l'état
d'immunité des populations, prises dans leur ensemble, et divers groupes
d'âge, abstraction faite des variations, individuelles chez l'hôte
et chez l'agent infectieux. Ainsi, le tableau épidémique
résultant de la contamination (après pasteurisation)
d'une masse de lait par des bacilles typhoïdiques ou diphtériques
dans une collectivité aux pratiques sanitaires insuffisantes, sera-t-il
totalement différent de celui qu'on observera dans une communauté
où le degré d'hygiène est très élevé,
et qui depuis longtemps est soustraite à tout contact naturel avec ses
germes pathogènes. En général, on peut dire que dans les
zones où l'hygiène est médiocre et où les maladies
transmissibles par l'intermédiaire du tractus digestif sont
endémiques, les nourrissons, les enfants et les adultes
présentent souvent une immunité acquise à ces maladies.
Cette immunité peut être temporaire (salmonellose, dysenterie
bacillaire) ou de longue durée (diphtérie) selon les variations
de souche et la nature antigénique du germe infectant. Les programmes de
vaccination des divers pays contre des maladies telles que le choléra et
la typhoïde affectent aussi le potentiel épidémique des
affections véhiculées par le lait. Finalement, à
très peu d'exceptions prés, on dispose de connaissances
insuffisantes pour établir avec certitude les causes microbiennes de
nombreuses entérites mal définies et d'autres maladies
apparemment contractées par la voie digestive.
En raison de ces variables et du manque de
connaissances précises sur les maladies, dans la plupart des pays, il
serait inutile de vouloir appliquer à la prévision des
épidémies des méthodes complexes. Tout ce que l'on peut
dire, c'est que si l'on insère un traitement thermique dans la
chaîne d'infection, le tableau épidémiologique ne
présente plus que des maladies dont l'homme est le principal
réservoir (voir tableau 1) ; mais en l'absence de ce traitement, on
observe toutes les maladies énumérées au tableau1.
Il est probable que ce tableau devra être
profondément remanié dans les prochaines années. Il
apparaît de plus en plus évident que les entérovirus (dont
font partie les virus de la poliomyélite et les virus Coxsackie) et
certaines souches de Escherichia coli jouent un rôle
considérable en tant que germes pathogènes. On sait qu'ils sont
universellement répandus, mais ils ont fait l'objet de recherches
particulières (peut être à la faveur de la disparition dans
les collectivités d'autres germes pathogènes intestinaux). Ceux
de ces germes pathogènes transmis par le lait proviendraient surtout des
manipulateurs humains, après la pasteurisation. On observera
probablement bientôt, dans les pays les plus avancés, un
changement réel des types d'affections causées par le lait,
à moins qu'il ne soit pas déjà produit. Mais dans les pays
en voie de développement, il se pourrait que l'on doive ajouter les
entérovirus à la liste des nombreux agents encore mal
définis qui causent des maladies intestinales.
Dans ces pays où la contamination des
approvisionnements en lait, tant avant qu'après le traitement thermique,
est beaucoup plus forte que dans les pays très avancés, le seuil
d'infection de l'homme est plus facilement atteint.
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