Les garanties-propriétés( Télécharger le fichier original )par Dieynaba Sakho Université Gaston Berger de Saint-louis - Maîtrise es sciences juridiques 2007 |
Paragraphe 2/ Les transferts de propriété réalisés à seule fin de garantieIl s'agit des deux formes de garantie-propriété les plus anciennement connues puisque pratiquées depuis l'époque romaine à savoir, la vente à réméré (A) et l'aliénation fiduciaire (B). A- La vente à réméré Le code des obligations civiles et commerciales du Sénégal, en son article 334, définit le réméré en disposant: "le vendeur peut, par une stipulation expresse insérée dans le contrat, se réserver pendant un certain délai le droit de reprendre la chose vendue sous les conditions définies ci-après". Parallèlement le code civil français dispose: "La faculté de rachat ou de réméré est un acte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue moyennant la restitution du prix principal et le remboursement dont il est parlé à l'article 1673"104(*). La vente à réméré est donc une technique déclarée valable par la loi105(*). En droit OHADA, on ne retrouve aucune disposition relative à l'organisation des règles de la vente à réméré. Ce qui n'est point le cas en droit français où elle sert souvent d'instrument de crédit. L'emprunteur transmet au prêteur la propriété de son bien (immeuble ou meuble)106(*) afin de garantir sa dette. Le prétendu prix est en réalité un prêt. Si le vendeur-emprunteur restitue le prêt prix à l'échéance, la vente est résolue; sinon, l'acquéreur-prêteur demeure propriétaire irrévocable mais le vendeur-emprunteur est libéré. Ce genre de "sûreté" présente des avantages; les formalités de constitution sont aussi simples que possibles car la formation du réméré est subordonnée à une simple "stipulation expresse insérée dans le contrat107(*)". Toutefois, lorsque le réméré porte sur un immeuble immatriculé, la clause doit être contenue dans l'acte notarié conformément à l'article 383 du code des obligations civiles et commerciales108(*). La garantie du prêteur est excellente: elle échappe à la loi de la faillite. En effet, l'article 337 dispose: "la délivrance faite, l'acquéreur est propriétaire de la chose sous condition résolutoire de l'exercice du réméré. Lors de l'exercice du réméré, il est tenu de restituer la chose. Il a le droit de la retenir jusqu'au remboursement intégral de ce qui lui est dû". Aussi, en vertu de l'alinéa 1er de l'article précité, l'acquéreur est en droit de procéder au transfert à son nom des titres de propriété dès avant l'expiration du réméré109(*). En outre, le vendeur qui exerce le réméré doit rembourser à l'autre partie le prix de la vente. De plus, il doit désintéresser l'acquéreur des frais du contrat, des réparations nécessaires et des impenses utiles jusqu'à concurrence de la plus-value créée. Cependant, la technique présente des inconvénients si graves que Planiol y voyait un mauvais système de crédit appelé à disparaître. Pour le prêteur, le système est rigide, puisque le prêt est nécessairement égal au prix, ce qui soulève des difficultés lorsque la valeur du bien ne correspond pas au montant de la somme avancée. De même, la situation des ayants-cause de l'acquéreur n'est pas stable. Des problèmes peuvent aussi surgir en cas de rachat d'une part indivise ou d'un exercice conjoint du réméré110(*). Pour l'emprunteur, l'opération peut dissimuler un pacte commissoire lorsque la vente a pour objet un meuble corporel. Le pacte commissoire est un accord entre le débiteur et le créancier qui autoriserait celui-ci, à défaut de règlement de sa créance dans les délais prévus, à s'approprier le bien sans autres formalités. Cependant, en droit français, il faut noter que depuis l'ordonnance du 23 mars 2006 réformant le droit des sûretés et abrogeant l'article 2078 du code civil, le nouvel article 2348 rend licite le pacte commissoire. Cette réforme est due au fait que pendant longtemps cette règle a été mal comprise. Par exemple il y avait pacte commissoire prohibé, même si l'attribution devait se faire selon un prix fixé par experts, alors que n'existait pas la raison d'être de la prohibition. Au contraire, la jurisprudence contemporaine cantonne étroitement la prohibition. Aujourd'hui, le pacte commissoire passe pour constituer parfois une bonne sûreté, étrangère à l'esprit d'usure, d'autant plus que se développent des garanties par fiducie, où la prohibition du pacte n'a aucun sens. B- L'aliénation fiduciaire L'aliénation fiduciaire est une technique inconnue en droit OHADA. Cependant elle est une des formes de garantie-propriété les plus anciennes. Elle connaît de nos jours un renouveau en droit français. A la fin des années 1980, sensible aux sollicitations des praticiens du droit et de différents opérateurs économiques qui mettaient en avant le dépérissement des sûretés traditionnelles en raison de la perte progressive d'une partie de leur efficacité et constatant l'intérêt croissant de ces mêmes praticiens pour la propriété sûreté (cession Dailly de créances professionnelles, gage-espèces, crédit-bail mobilier et immobilier, vente avec clause de réserve de propriété), la chancellerie avait engagé une vaste concertation ayant abouti à la rédaction d'un avant-projet de loi sur la fiducie. Cet avant-projet a abouti à une prise en compte de la fiducie dans la loi du 19 février 2007. La fiducie est un contrat par lequel une personne aliène à une autre un bien afin de garantir une créance, à charge pour l'acquéreur de retransférer le bien au vendeur lorsque la garantie n'a plus lieu de jouer111(*). Cette aliénation n'est pas une vente, car l'acquéreur ne paye aucun prix; le transfert de propriété est fait en contrepartie d'une créance, par exemple un prêt consenti par le fiduciaire au fiduciant. La fiducie consacrée par la loi du 19 février est soumise à un régime unique, sans distinction entre fiducie-sûreté et fiducie-gestion. La fiducie peut servir à garantir le paiement d'une créance. Envisagée sous ce denier aspect, la fiducie est une technique qui repose sur un transfert de propriété au profit du fiduciaire (le créancier), transfert qui n'est ni simulé, ni fictif, ni enchâssé dans une vente. Le fiduciaire souscrit des obligations qui limitent ses prérogatives de propriétaire. Le transfert doit être suivi, en cas de paiement de la créance garantie, d'un transfert en sens inverse qui résulte soit de l'exécution d'une obligation de rétrocession, soit du jeu d'un mécanisme automatique. Ainsi entendue, la fiducie est une authentique sûreté réelle. Elle met la propriété au service d'un objectif exclusif: le paiement préférentiel d'une créance. Sa technique est celle de l'affectation d'un bien dont le constituant a vocation à récupérer la propriété, vocation qui se réalise en cas de paiement ou d'extinction de la créance. S'il n'existe donc pas dans la loi du 19 février 2007 de dispositions spécifiques à la fiducie-sûreté, pour autant il n'est pas contesté que la définition très large de la fiducie donnée par le nouvel article 2011 du code civil, permet bien que le transfert, visé par cet article, de biens de droits ou de sûretés, ou d'un ensemble de biens de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs bénéficiaires, puisse être effectué par le constituant à titre de sûreté112(*). Du fait que la loi du 19 février ne distingue pas entre les différentes utilisations possibles de la fiducie, trouvent également à s'appliquer les dispositions de ce texte relatives à la constitution, à l'enregistrement et à la publicité du contrat de fiducie. Il faut en outre admettre que, lorsque la fiducie-sûreté portera sur des biens immobiliers, le contrat de fiducie devra revêtir la forme notariée et faire l'objet d'une publicité à la Conservation des Hypothèques par les soins du notaire113(*). * 104 V. article 1659 du code civil * 105 V. article 1659-1673 du code civil * 106 Heinrich J.B., La vente à réméré d'obligations, JCP 1985, I. 279. * 107 V. article 334 Nouveau code des obligations civiles et commerciales du Sénégal, éd. EDJA 2001 * 108 V. Cour suprême, n° 14 du 31 mars 1982, Samba sow c/ Cissé * 109 V. Cour d'appel n°1 du 26 janvier 1983, Guèye c/ Ka * 110 V. article 338, 339, 340 du COCC * 111 Witz C., La fiducie, sûreté en droit français, in L'évolution du droit des sûretés, R. jur. Com., 1982, p. 67-75. V. aussi Marini Ph., La fiducie enfin, JCP éd. E n°36 du 6 septembre 2007 * 112 V. Larroumet Ch., Propos critiques, Dalloz 2007, p. 1350 * 113 V. Cerles A., op. cit. p.1 |
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