I.1. La domination dans la
tradition critique
Le concept de domination provient du droit romain où il
recouvrait déjà deux sphères séparées : le
dominium renvoyait à la propriété des
choses tandis que la potestas dominica désignait le
pouvoir du maître sur l'esclave. Invariablement depuis lors,
l'idée de la domination recouvre toujours ces deux sphères :
d'une part, un certain rapport de l'homme à la nature - dont ce dernier
se serait rendu « maître et possesseur » (selon les
mots de Descartes) - d'autre part, un mode de relation politique par laquelle
un individu ou un groupe s'impose - impose sa volonté et son
idéologie - à d'autres. Le dénominateur commun que
représente le concept de domination consiste ainsi en une maîtrise
acquise et assurée au moyen d'une certaine violence. La domination est
donc avant tout la figure d'une relation : elle ne dit rien sur
la nature de ceux qui l'établissent ou de ceux qui la subissent, elle
caractérise tout juste la position des uns par rapport aux autres ; elle
désigne plutôt une situation, et semble ainsi figurer un
potentiel, une ouverture : la domination peut donc être distinguée
de l'exploitation dont elle est plutôt la condition préalable, ou
du moins le corollaire nécessaire.
On peut donc caractériser la domination comme
l'exercice de fait d'un pouvoir sur (que l'on opposera au pouvoir
de) régi par une rationalité instrumentale. La domination
relève d'un pouvoir que l'on détient et s'incarne dans une
activité ou une action politique qui met en oeuvre certains moyens en
vue d'une fin déterminée - l'effort pour conserver et
perpétuer cette domination en est un très bon exemple ; c'est
d'ailleurs en quelque sorte déjà cette figure que mettait en
oeuvre Le Prince de Machiavel dans son souci quasi-permanent d'assurer
et de légitimer le pouvoir du souverain -. Par le double sens du terme,
se trouve ainsi illustré le lien qui existe entre le rapport que la
science et la technique entretiennent avec une nature prise pour objet, et
l'instrumentalisation aliénante des rapports sociaux et humains. On ne
peut dès lors s'en tenir à une perspective limitée
à une relation interindividuelle, il faut appréhender la
domination dans le monde politique, c'est-à-dire comme liant
différents types d'unités sociales et politiques selon certaines
modalités : il faut appréhender la domination dans le
monde politique comme liant différents types d'unités
sociales, c'est-à-dire l'envisager l'envisager à travers des
propriétés structurelles. Deux conceptions se trouvent alors
opposées : faut-il considérer la soumission comme un simple
dérèglement de l'exercice de l'autorité, comme la
manifestation d'une violence qui aurait envahi la politique, ou bien, peut-on
pousser la critique jusqu'à l'assimiler à un des fondements de
l'organisation politique d'une société ?
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