SECTION 2 : LES MÉTHODES
D'ÉVALUATION :
Une entreprise ne vaut pas par son passé mais
plutôt par son devenir. Son évaluation ne peut pourtant se fonder
que sur le passé puisque généralement, on connaît
le passé mieux que l'avenir. Seul le passé peut donner une base
de crédibilité à l'évaluation de l'entreprise.
Ceci étant, toutes les méthodes
d'évaluation se présentent sous forme d'une combinaison
pondérée de deux approches :
Approche basée sur les actifs de
l'entreprise (patrimoine propre de l'entreprise).
Approche basée sur les flux futurs et les
résultats prévisionnels (rendement de l'entreprise).
1. Les méthodes patrimoniales :
Cette méthode, assez ancienne et très
répandue, se base sur le bilan (actif et passif). Elle regroupe
l'ensemble des méthodes qui présentent un caractère
historique et non prévisionnel.
a) Méthodes basées sur l'Actif
net :
· Méthode de l'Actif Net
Comptable :
La méthode de l'ANC utilise les chiffres du bilan sans
les modifier. L'ANC est égal aux fonds propres diminués des
actifs sans valeur et augmenté des passifs sans valeur. Autrement dit,
il est égal au total Actif diminué des provisions sans risque et
charges, des dettes financières et circulantes et des non valeurs.
La formule est la suivante :
ANC= Fonds propres- Actifs sans valeur+ Passifs sans valeur
Ou bien
ANC= Actif réel - Dettes réelles
· Méthode de l'Actif Net Comptable
Corrigé :
La méthode de l'ANCC détermine un actif net
comptable (ANC), mais corrigé de données économiques et
financières venant modifier les valeurs de certains postes du bilan. Ces
données doivent être retraitées d'un point de vue
économique et financier de manière à tenir compte, par
exemple, de plus-values latentes sur actifs immobilisés ou
d'impôts latents.
Cette méthode consiste à :
Ø Déterminer la valeur réelle(ou
vénale) de chaque actif et de chaque passif existant ou latent de
l'entreprise ;
Ø Calculer pour chacun d'eux, la différence
entre la valeur réelle et la valeur nette comptable, ou
retraitement ;
Ø Evaluer l'incidence fiscale de chaque retraitement et
la fiscalité latente incluse dans les Fonds propres ;
Ø Corriger l'Actif Net Comptable de l'entreprise.
En résumé on a :
ANCC=ANC+Retraitement (positifs et négatifs) -
Incidences Fiscales (positives et négatives) - Fiscalité latente
incluse dans l'ANC
· Intérêt et limites de ces
méthodes :
En tant que techniques de première approche,
basée sur un concept théorique simple, ces méthodes sont
couramment utilisées pour évaluer les sociétés.
En revanche, il s'agit d'une approche statique et
tournée vers le passé qui fait abstraction de la
rentabilité de l'entreprise et de ses perspectives d'avenir
(capacité bénéficiaire future).
Sa mise en place est lourde et parfois délicate
pour des actifs ou des passifs difficiles à estimer (fonds de commerce,
savoir-faire, marques...)
b) Méthodes basées sur la Valeur
Substantielle Brute(VSB) et les capitaux permanents nécessaires à
l'exploitation(CPNE) :
· Méthode de la Valeur Substantielle
Brute :
La VSB comprend la totalité de l'actif servant à
l'exploitation, corrigé de la surévaluation et de la
sous-évaluation de certains biens, augmenté des endettements.
Elle se calcule comme suit :
VSB=ANCC+D à CMLT+Compléments de substances
(biens de location, bien de crédit, effets escomptés non
échus...) + Frais d'établissement-Frais de réparation
à engager pour maintenir certains biens en état de
fonctionnement
· · Méthode des capitaux Permanents
Nécessaires à l'Exploitation :
Les CPNE sont constitués de la somme des
immobilisations nettes nécessaires à l'exploitation,
valorisées à un « coût d'usage », et du
fonds de roulement normatif (nécessaire à la mise en valeur de
ces immobilisations). Elle se calcule comme suit :
CPNE= Immobilisations d'exploitation+ BFR normatif +
Immobilisations en Leasing + Immobilisations louées
Ou bien
CPNE=VSB - D à CT - Effets escomptés non
échus
Intérêts et limites de ces
méthodes :
L'approche par les CPNE paraît être plus
pragmatique et plus réaliste que celle basée sur la VSB. En
effet, elle est basée sur une logique selon laquelle on
rémunère ce dont on a besoin, tandis que la VSB est basée
sur une logique selon laquelle on rémunère ce qui est.
Néanmoins, cette approche admet quelques limites du
fait qu'elle ne donne pas la valeur des fonds propres, mais seulement la masse
des capitaux nécessaires pour créer une entreprise ayant les
mêmes caractéristiques que l'entreprise concernée. La
difficulté majeure de détermination des CPNE étant
correcte du Besoin en Fonds de Roulement(BFR).
2. Les méthodes actuarielles :
La méthode patrimoniale est une approche statique,
exprimant la situation de l'entreprise au moment de l'évaluation.
L'acquéreur est bien plus intéressé par la valorisation
future de l'entreprise et par les flux qu'il peut générer de son
exploitation. Il accepte de payer V en début de période si au
cours des années suivantes il peut espérer avoir rentabiliser son
investissement au taux i, soit :
avec :
Vn : Valeur de cession
Fi : flux de la période i
T : taux d'actualisation
L'approche par les flux financiers, basée sur un
concept dynamique, vient donc situer l'entreprise dans une vision la destinant
à être un créateur de richesse à travers les
résultats qu'elle dégage. Elle considère que l'entreprise
est plus habilitée à générer des flux à
travers les éléments incorporels (fonds de commerce, savoir
faire, ...) qu'à travers les éléments corporels.
Ces méthodes offrent une grande souplesse d'utilisation
en s'adaptant aux objectifs de l'acquéreur et ce selon les flux retenus
dans le calcul. L'acquéreur minoritaire s'intéressera en
priorité aux flux de dividendes alors que le majoritaire
intégrera dans sa valorisation le résultat net, le cash-flow ou
le flux net de liquidité.
a) Evaluation fondée sur les
dividendes :
Les méthodes qui retiennent le dividende comme base de
calcul s'adressent généralement aux actionnaires minoritaires.
L'utilisation de dividendes futurs nécessite de
prévoir les résultats futurs et ou les taux de distribution.
La phase de diagnostic stratégique et financier permet
de porter un jugement global sur l'entreprise et ses perspectives de
croissance, et met en relief les événements ou les tendances
susceptibles d'affecter son activité ou sa rentabilité. Il faut
ensuite formaliser les prévisions. La méthode la plus simple
consiste à reproduire les tendances du passé en les corrigeant
des éléments fournis par le diagnostic et par l'analyse du
secteur d'activité.
Le taux de distribution dépend de la stratégie
de croissance envisagée par la société, de sa politique de
financement et de sa politique de distribution qui est étroitement
liée à la structure de l'actionnariat.
Le principe de base des méthodes actuarielles
fondées sur le dividende est illustré par la méthode de
Fisher, laquelle méthode a inspiré d'autres chercheurs tels que
Bates, Gordon Shapiro.
· Méthode de Fisher :
Pour Fisher, la valeur d'une entreprise est égale
à la valeur actuelle des flux qu'elle générera dans
l'avenir en direction de ses actionnaires (Dividendes+valeur de revente ou
résiduelle). Soit :
Avec :
Dj= Dividende reçu l'année j
Vn=Valeur de revente en fin de période
(année n)
t=taux d'actualisation
n= durée de prévision des dividendes ou de
conservation du titre
La démarche à suivre est la suivante :
§ Estimer les dividendes futurs sur la période la
plus longue possible (minimum 5 ans, avec un idéal 10 à 15
ans)
§ Estimer la valeur de revente par une méthode
classique (ANCC, ANCC avec GW, PER)
§ Déterminer le taux d'actualisation.
T= i+ â (tM- i)
avec :
t =taux d'actualisation
i= taux sans risque (Emprunt d'Etat)
â=Coefficient de risque de la société
tenant compte de sa structure financière
(tM_i)= Prime de risque moyenne du marché
boursier
Sachant que :
Avec :
F=taux d'impôt sur les sociétés (35%)
Dette= dette financière Nette de la société
V0= Valeur de la société
âs =Coefficient de risque
désendetté d'une société cotée comparable(ou
du secteur).
Une prime supplémentaire, liée à un
positionnement défavorable peut éventuellement être
rajoutée à ce taux. Dans la pratique, et dans
l'impossibilité de déterminer un âs fiable, les
évaluateurs prennent environ 1,5 par défaut.
§ ET enfin, mettre en oeuvre le calcul par
itération pour déterminer V0.
Avantages et inconvénients de cette
méthode :
Cette méthode est bien adaptée aux positions
minoritaires par la prise en compte de l'intérêt financier de
l'investisseur. En revanche :
ü Elle est très sensible à la politique de
distribution des dividendes de l'entreprise ;
ü L'estimation sur une longue période des
dividendes futurs est souvent difficile ;
ü Report dans le futur du problème de la
valorisation(Vn) ;
ü Mise en oeuvre lourde nécessitant un outil
informatique (itération) ;
ü Abstraction des besoins financiers de l'entreprise.
· Méthode de Gordon Shapiro :
Méthode basée sur le modèle de Fisher
sous deux hypothèses fortement restrictives : un taux di dividende
(g) constant à l'infini et un taux d'actualisation très
sensiblement supérieur au taux croissance du dividende, soit
(t>g).
La démarche à suivre est la
suivante :
§ Déterminer le taux de croissance constant du
dividende(g)
§ Calculer le dividende à recevoir la
première année(D1)
§ Estimer le coefficient de risque endetté de la
société â (ce coefficient est une fonction de la valeur, il
faut donc procéder par itération)
§ Calculer la valeur de la société,
soit :
V0= D1 / (t-g)
Ce modèle implique que la valeur de l'action est
d'autant plus élevée que D1 est important, que i est
faible et que g est grand.
Avantages et inconvénients de cette
méthode :
Cette méthode est utilisée par les analystes de
part sa mise en oeuvre simpliste. Mais son usage est réservé aux
sociétés dont le taux de croissance prévisionnel du
bénéfice par action est inférieur au taux d'actualisation
retenu.
La croissance infinie du dividende est difficile à
accepter et ne correspond pas à l'environnement économique
cyclique que nous vivons. En effet, la limite principale porte sur
l'hypothèse de constance des taux de croissance des dividendes(g) et des
bénéfices. Ces taux dépendent de l'environnement
économique et des décisions du chef d'entreprise qui ne sont pas
stables.
Enfin, cette méthode est peu utilisée dans la
pratique en raison de ses contraintes très restrictives.
· Méthode de Bates :
Cette méthode est basée sur le modèle de
Fisher avec les hypothèses :
§ Taux de croissance constant du dividende et du
résultat net (g) ;
§ Et taux de distribution constant (d).
Elle met en relation des PER sur résultat échu
d'entrée et de sortie pour un choix de durée de conservation (n)
et un taux d'actualisation ou de rendement souhaité (t).
L'équation de base est la suivante :
avec:
M=PER de revente en année n
m=PER d'achat
d=10 P0 = taux de distribution constant.
A et B étant des coefficients données par les
tables de Bates en fonction de :
n : durée de conservation du titre
g : taux de croissance constant du dividende et du
résultat
t : taux d'actualisation.
Avantages et inconvénients de cette
méthode :
Simple dans sa mise en place, cette méthode
intègre bien les perspectives de croissance du fait qu'elle introduit
plusieurs périodes au sein desquelles le taux de croissance est
constant. Elle permet ainsi de palier à l'hypothèse stricte de
croissance à taux constant (modèle Gordon & Shapiro).
La principale difficulté du modèle réside
dans la valorisation du PER de sortie (PER sectoriel). Ce modèle suppose
aussi une stabilité des niveaux de PER sectoriels.
Par ailleurs, le modèle de Bates ne tient pas compte
des besoins de financement.
b) Evaluation fondée sur la
rentabilité :
Cette méthode est très courante, elle permet
d'établir la valeur d'une entreprise à partir du
bénéfice net : c'est la valeur actuelle d'une suite de
résultats.
Pour cette méthode, il s'agit de procéder
à :
o La reconstitution des bénéfices
réels ;
o L'élaboration d'une série de
bénéfices homogènes avec les précédents
à partir des plans de financement prévisionnels ;
o Une extrapolation basée sur un taux de progression
calculé à partir des résultats réalisés et
prévus pour obtenir la série complète.
Soit la formule suivante :
V= B [1- (1 + t)-n] / t
Avec :
V = valeur de rentabilité
B = Bénéfice économique courant ou
bénéfice distribué ou distribuable (c'est le
bénéfice net déterminé avant déduction des
frais financiers)
t = taux d'actualisation
Avantages et inconvénients de cette
méthode :
Cette méthode permet dans la pratique d'obtenir des
résultats satisfaisants. Elle oblige l'entreprise à
établir des prévisions quant aux bénéfices futurs
et implique une analyse financière et économique rigoureuse.
Néanmoins, le taux d'actualisation reste une notion très
subjective qui varie d'un investisseur à l'autre. Plus l'entreprise
cible aura une importance stratégique pour l'acquéreur, plus il
sera prêt à faire des concessions en terme de rentabilité
exigée.
c) Evaluation fondée sur les flux
financiers :
Selon cette méthode, la valeur de l'entreprise est
égale à la somme de la valeur actuelle de liquidités
nettes futures (F) et de la valeur résiduelle (Vn) sachant
que :
Flux nets de liquidité = Bénéfices
révisés + Amortissement +/- Variation du fonds de roulement -
Investissement
La formule se présents ainsi :
avec :
Fi étant définie
précédemment ;
Vn= Valeur résiduelle de l'entreprise
à la fin de l'année n, appelée aussi valeur terminale
et t = taux d'actualisation.
Avantages et inconvénients de cette
méthode :
Dans la pratique, cette méthode est
utilisée par les experts comptables. Elle suppose une grande rigueur
dans la détermination des objectifs de l'opération
envisagée et les orientations futures.
Cette méthode permet pour l'acheteur et le vendeur
d'apprécier les prix de vente ou d'achat, de sélectionner les
investissements les plus rentables et de faire des simulations de
l'opération envisagée et ce afin d'avoir une idée sur
l'avenir du projet.
Il est évident que cette méthode, simple dans
son principe, est très complexe dans son application du fait des
problèmes de :
· L'estimation réelle des flux
prévisionnels : cela suppose un système de prévision
très élaboré portant à la fois sur la
rentabilité et sur les besoins de financement ;
· L'estimation de la valeur résiduelle très
arbitraire : qui pose à nouveau le problème de l'estimation
et de la fiabilité des coefficients de capitalisation.
Il est toutefois important de souligner que le
mécanisme d'actualisation tend à marginaliser le risque d'erreur
de l'estimation du coût moyen pondéré du capital, ou du
taux d'opportunité pour les sociétés non cotées,
qui reste très difficile à mesurer, et que l'on doit
éventuellement pondérer si le risque économique ou
financier venait à être modifié de par l'acquisition
projetée.
d) Evaluation fondée sur les
cash-flows :
Cette méthode est essentiellement utilisée par
l'actionnaire majoritaire qui peut effectivement disposer de ces flux. Son
principe repose sur l'actualisation des recettes et des dépenses futures
de l'entreprise. La somme des cash-flow actualisés (CF) correspond
à la rentabilité de l'entreprise.
La valeur de l'entreprise est alors donnée
par :
avec :
CFi = Cash-flow de la période i (i=1,2, 3,
..., n)
t = taux d'actualisation
Avantages et inconvénients de cette
méthode :
Dans la pratique, cette méthode est utilisée par
les experts comptables. Elle suppose une grande rigueur dans la
détermination des objectifs de l'opération envisagée et
les orientations futures.
Cette méthode permet pour l'acheteur et le vendeur
d'apprécier les prix de vente ou d'achat, de sélectionner les
investissements les plus rentables et de faire des simulations de
l'opération envisagée et ce afin d'avoir une idée sur
l'avenir du projet.
Il est évident que cette méthode, simple dans
son principe, est très complexe dans son application du fait des
problèmes de :
· L'estimation réelle des flux
prévisionnels : cela suppose un système de prévision
très élaboré portant à la fois sur la
rentabilité et sur les besoins de financement ;
· L'estimation de la valeur résiduelle très
arbitraire : qui pose à nouveau le problème de l'estimation
et de la fiabilité des coefficients de capitalisation.
Il est toutefois important de souligner que le
mécanisme d'actualisation tend à marginaliser le risque d'erreur
de l'estimation du coût moyen pondéré du capital, ou du
taux d'opportunité pour les sociétés non cotées,
qui reste très difficile à mesurer, et que l'on doit
éventuellement pondérer si le risque économique ou
financier venait à être modifié de par l'acquisition
projetée.
e) Evaluation fondée sur les Discounted Cash
Flow :
Cette méthode, largement utilisée ces
dernières années dans les pays anglo-saxons, à la place
des autres méthodes d'actualisation des flux financiers, est un
modèle d'actualisation des cash-flow disponibles. Ces derniers sont
calculés après que l'entreprise ait réalisé les
investissements nécessaires au maintien de son outil de production(les
investissements industriels) et au maintien de son appareil de
commercialisation (son besoin en fond de roulement).
Selon cette méthode, la valeur de la
société est égale à la valeur actuelle des flux
financiers augmentée de la valeur résiduelle actualisée de
l'entreprise, soit :
Avec :
DCFj = Discounted Cash-Flow de l'année j
Vn = Valeur globale de l'activité en
année n(valeur résiduelle)
n = Durée de prévision
t = taux d'actualisation
Sachant enfin, que les DCF des années futures se
calculent comme suit :
DCFj= Résultat Netj + Dotations
aux amortissementsj +/- BFRj - Investissements
Avantages et inconvénients de cette
méthode :
La méthode du DCF est devenue une méthode
incontournable, utilisée par les professionnels lors des
évaluations. Elle est la seule méthode à apporter une
réponse efficiente à la valeur d'une activité, et ce
pleinement :
§ Le processus économique propre à
l'entreprise ;
§ La viabilité de l'entreprise ;
§ L'opinion du marché (taux
d'actualisation) ;
§ Les besoins de l'entreprise (investisseurs et BFR)
Cette méthode permet aussi une gestion dynamique et
permanente de la valeur de l'entreprise. Elle est adaptée aux
sociétés cotées et non cotées industrielles et
commerciales.
En revanche, sa mise en oeuvre est lourde, nécessitant
des prévisions longues et fiables.
3. Les méthodes combinatoires basées sur le
Goodwill (GW) :
La valeur patrimoniale ne recouvre pas la totalité de
la valeur de l'entreprise. En effet, l'entreprise n'est pas un ensemble de
biens et de dettes, mais aussi une organisation d'éléments non
évaluables isolements tels que la notoriété, le fond de
commerce, la part de marché, etc.... Les méthodes
d'évaluation par les flux financiers mettent le praticien face à
l'impression des prévisions et à l'arbitraire du taux
d'actualisation. Une tentative d'intégration des deux approches est
faite pour remédier au problème de la valeur d'une entreprise.
Ainsi, la méthode combinatoire la plus utilisé est la
méthode du GW.
Le GW est défini comme
étant « l'excédent de la valeur globale de
l'entreprise sur la somme des valeurs des divers éléments
corporels et incorporels qui la composent ». Il est égal soit,
à la différence entre une valeur de rendement et un actif
(« méthode indirecte »), soit la capitalisation ou
à l'actualisation d'un profit diminué d'une
rémunération des capitaux investis (« méthode
directe »).
La valeur d'une entreprise est donc égale à la
valeur de l'Actif Net Comptable Corrigé(ANCC), à laquelle on
ajoute le Goodwill(GW) ;
VE = ANCC + GW
A noter que, si l'on veut obtenir une valeur de l'entreprise
indépendamment de ses modalités de financement, il convient de
remplacer l'ANCC par la VSB ou par les CPNE.
Soit : VE = VSB (ou
CPNE) + GW
a) Goodwill par la « méthode des
praticiens »(ou « méthode indirecte », ou
encore appelée « méthode
allemande »):
C'est la méthode la plus simple, d'origine allemande, elle
assimile la valeur de l'entreprise à une moyenne arithmétique
simple entre la valeur de la rentabilité et l'ANCC.
VE = ½ (VR + ANCC)
avec :
VR = Valeur de Rendement = Bénéfice Net/ Taux de
capitalisation
(Taux de capitalisation= K, déterminé par
l'évaluateur)
et GW = VE - ANCC
D'où on a :
GW = (VR - ANCC) / 2
b) Goodwill par la « méthode des
Anglo-saxons »(ou « méthode
directe ») :
Dans l'approche précédente, la plus-value
économique (GW) n'apparaît que de façon accessoire,
à l'issue d'un arbitrage sommaire entre les deux éléments
d'évaluation : capital et rendement.
Quand à cette approche, au contraire, elle tend vers
une appréciation du GW qui viendra s'ajouter à la valeur de la
masse des autres biens formant l'entreprise.
(1) Soit R le revenu brut sans risque, donc
minimum, que l'acheteur tirerait dans le futur de son acquisition et
i le taux de rémunération de l'ANCC (taux
d'emprunt d'Etat)
R = i . ANCC
(2) et B le brut généré
dans le futur (résultat net prévisionnel récurrent) qui
est diminué par une croissance de x% l'an.
Ces deux alternatives (1) et (2) se traduisent par un
écart de rendement de l'investissement dans le futur (la rente de
surprofit) se valorisant annuellement par :
S = B - (i . ANCC)
Donc, selon cette méthode, le Goodwill est donné
par :
(Avec 2i<t<2,5i)
La valeur de l'entreprise est donnée alors par la relation
suivante :
VE= ANCC + S/t
c) Goodwill par la « Rente
Abrégée »(ou « méthode directe
actualisée ») :
Cette méthode repose sur les résultats
récurrents des années futures. Elle diffère
légèrement de la précédente, du fait que la rente
est calculée à horizon limité (généralement
de trois à cinq ans).
On obtient alors un Goodwill actualisé de la
forme :
GWa = S1/(1+t) +
S2+/(1+t)2+.........+Sn/(1+t)n
d) Goodwill par la « méthode de l'UEC
(Union européenne des Experts Comptables, économiques et
financiers) » :
Il s'agit toujours de calculer un Goodwill basée sur la
différence entre un profit et une rente (B - i.ANCC). Mais on ajoute ici
à l'ANCC le montant du GW, et qu'il convient à ce titre de le
rémunérer.
D'où le Goodwill est donné par :
(Avec VE = ANCC + GW)
Ainsi, la valeur de l'entreprise serait alors :
VE = ANCC + GW
= ANCC + [B - i.
VE]/t
= ANCC + B/t - i/t (VE)
VE = [ANCC + B/t] / [1 + i/t]
Portées et limites de ces méthodes :
Les méthodes basées sur le Goodwill constituent
un tremplin entre la démarche statique patrimoniale (basée sur
l'ANCC) et la démarche dynamique prospective(en terme de flux). Elles
traduisent assez bien l'objectif et les préoccupations de
l'acquéreur. Elles sont fondées sur la notion d'accumulation du
surprofit et elles mettent en évidence la rentabilité des
capitaux investis.
Malgré tout, ces méthodes présentent
plusieurs inconvénients :
· Elles ne reposent pas sur un concept théorique
mais plutôt sur un support approximatif ;
· Elles sont tournées vers l'accumulation des
richesses passées (ANCC : composante dominante de la
valeur) ;
· La durée et le taux d'actualisation sont
difficiles à déterminer objectivement ;
· Elles déterminent la valeur des incorporels
internes à l'entreprise par un raisonnement externe
(l'évaluateur) ;
· Enfin, l'inconvénient majeur tient à la
notion de superprofit ou de rente économique. Or, en économie de
marché, annulant peu à peu ou brutalement l'avantage initial. Il
convient donc d'analyser en profondeur la nature de cette rente et sa
capacité à résister à un environnement plus
difficile. Son utilisation devrait se limiter aux situations où aucun
élément ne permet réellement d'anticiper un accroissement
ou une diminution du superprofit.
4. Les méthodes boursières :
Ces méthodes sont valables pour les
sociétés cotées en bourse. Le cours de cotation
reflète donc, pour ces derniers, l'évaluation faite par le
marché financier. Ils sont aussi appelés approches perspectives,
en effet, leur idée forte est que la valeur d'une entreprise est
fonction de ses perspectives futures. L'évaluation prend pour
hypothèse qu'il existe une conformité entre la valeur en bourse
d'une société (le cours boursier) et sa vraie valeur.
On distingue trois méthodes essentielles : le PER
(Prie Earning Ration), la valeur de rendement et le délai de
recouvrement.
a) La méthode du PER :
Des sociétés comparables se valorisent
sur la base de critères proches voire identiques, leur valeur se
détermine à partir des valeurs connues d'autres
sociétés. La méthode du PER est basée sur une
approche comparative où la Bourse est prise comme
référence. C'est l'approche la plus simple, faute de
reconnaître le rendement futur, qui considère le prix comme un
multiple du bénéfice net de l'année.
Dans ce cas, la formule utilisée habituellement
est :
V = PER. B
avec :
B = Bénéfice courant faisant abstraction de tout
élément considéré comme exceptionnel en raison de
sa non-récurrence.
PER = Cours de l'action (Price) / Bénéfice par
Action (Earning)
= Capitalisation boursière /
bénéfice Global
(Le PER généralement utilisé est celui de
l'année en cours soit : le cours actuel / BPA estimé pour
l'exercice en cours).
Dans le cas où la société est
cotée ou qu'une entreprise similaire est cotée, on pourra
appliquer la méthode précédente. Dans le cas contraire, il
est conseillé d'appliquer une formule dérivée,
soit :
V = PER. B. L. R
Où L est un coefficient de liquidité
Et R un coefficient de risque (déterminés au
gré des analystes).
Portées et limites de ces
méthodes :
L'utilisation comparative du PER dans l'évaluation doit
s'entourer de précautions parce que, hors de son contexte, le PER n'a
aucune portée générale. En dépit de son apparente
simplicité, la méthode du PER nécessite d'analyser les
sociétés comprises dans l'échantillon de
référence et généralement d'en rejeter certains
d'entre elles.
Cette méthode est fortement influencée par la
« santé » du marché boursier.
Malgré ses limites, le PER constitue une
référence dominante. C'est véritablement la seule
méthode prenant en considération un prix existant sur un
marché organisé où les opérateurs sont
supposés parfaitement informés. Lorsqu'un échantillon
comparatif satisfaisant peut être constitué, le PER permet une
approche très opérationnelle de la valeur qui est largement
acceptée comme méthode d'évaluation.
b) La valeur de rendement :
La valeur de rendement est une méthode comparative
(pragmatique) fondée sur le dividende. Cette méthode
procède par analogie et s'en remet au marché qui indique à
tout moment, comment les acheteurs et vendeurs perçoivent
instantanément la valeur d'une entreprise à travers ses
résultats actuels et l'anticipation de ses résultats futurs.
Ainsi, pour le calcul de la valeur de rendement, on
définit d'abord un échantillon de sociétés de
secteur, second marché, marché boursier dans son ensemble...et
l'on calcule :
La valeur est alors obtenue en divisant le dividende
versé par la société, par le rendement moyen de
l'échantillon. Soit :
Avec :
Di : dividende de la
société
rmoyen : rendement moyen de
l'échantillon.
c) Le délai de recouvrement :
Ce modèle renverse quelque peu la problématique
habituelle, l'inconnu n'est plus la valeur mais le nombre d'années. Le
prix est supposé connu, comme c'est le cas sur le marché
boursier, et on cherche à isoler le paramètre n (appelé
délai de recouvrement : DR). Ce dernier correspond au nombre
d'années de BPA nécessaire pour que l'acheteur d'une valeur
récupère le montant de son investissement initial.
La cherté relative d'une action s'apprécie alors
par le DR ; plus le délai est long, plus le titre est cher.
Le DR traduit en effet, la durée de retour sur
investissement, en fonction des cours actuels, du taux de croissance à
court terme et du taux d'actualisation : c'est au fait une logique
similaire au concept de délai de récupération
appliqué en matière de choix d'investissement.
La définition du DR peut être formulée de
la manière suivante :
Avec :
P = cours de l'action
B= BPA de l'année 0, c'est-à-dire le dernier
exercice clos
R=Taux d'actualisation, c'est le taux de rendement des
obligations à long terme, sans intégration de prime de risque.
C= taux de croissance nominal du BPA
n= délai de recouvrement en années.
Si on reprend l'équation de base en posant :
Q= (1+C)/ (1+R)
L'équation devient alors :
P /B= (Qn-1)/ (Q-1)
Qn-1= X (Q-1)
D'où :
N=Log[X (Q-1) +1]/ Log Q
(avec : X=P/B=PER)
Portées et limites de ces
méthodes :
Le DR n'est utilisable que pour les sociétés
cotées. Pour les sociétés non cotées, on peut
envisager seulement d'utiliser le délai de recouvrement moyen du
marché ou du secteur.
Ce modèle n'évalue une société
qu'en fonction de ses perspectives de croissance à très court
terme, ce qui ne correspond pas à l'objectif d'un investissement
majoritaire, ni systématiquement à celui d'un investissement
minoritaire.
Cette méthode est d'application plus
générale que les méthodes de PER, de Bates ou de Gordon
& Shapiro dans la mesure où l'hypothèse d'un horizon n infini
est éliminée.
De plus, cette méthode est plus simplement pertinente
que les autres lorsqu'elle est appliquée à une entreprise des
pertes.
|