Section 2 - L'extension du panel des
sûretés réelles mobilières
Tout crédit important doit être
nécessairement subordonné à la constitution ou la
reconnaissance d'une sûreté. La constitution d'une
sûreté réelle permet au banquier, entre autres
d'échapper à la loi de concours ou d'égalité
caractérisant le créancier ordinaire.
A travers de nombreux choix conférés aux
donneurs de crédits, le législateur OHADA a augmenté la
gamme des garanties disponibles pour faciliter l'octroi du crédit. De ce
fait, « les parties peuvent alors plus librement exprimer leurs choix
»101. Entre autres sûretés réelles que peut
proposer le demandeur de crédit au banquier, la diversité des
sûretés réelles mobilières issues de la
réforme OHADA laisse apparaître l'institution du droit de
rétention. Le gage qui représente une place importante peut
porter tant sur un meuble corporel qu'incorporel. De ce fait, il est
susceptible d'être suivi d'une dépossession des débiteurs
s'il s'agit du gage traditionnel ; ou être sans dépossession :
c'est un nantissement102. Ainsi, il sera question d'étudier
tour à tour le maintien du gage (§ 1), l'institution du droit de
rétention (§ 2) et l'extension du régime des nantissements
(§ 3).
§ 1 - Le maintien du gage
Il est question ici du gage traditionnel. C'est à dire
celui qui peut entraîner la dépossession du débiteur. Il
s'agit au sens de l'article 44 A.U.S d'un « contrat par lequel un bien
meuble est remis au créancier ou à un tiers convenu entre les
parties pour garantir le paiement d'une dette ». Il est important de
savoir quelles sont les modalités du gage avant le régime
juridique qui lui est applicable et les effets qui dérivent d'un contrat
de gage.
101 F. ANOUKAHA, op. cit., p. 11, n° 14.
102 Il ressort d'une terminologie récente que l'on parle
de gage lorsqu'il y a dépossession et de nantissement en l'absence de
dépossession.
Les garanties de crédit bancaires au
Cameroun Mémoire de DEA Droit des affaires,
Université de DOUALA, FSJP, 2003 - 2004, Présenté par
Bertin YMELE KEMBOU, Sous la Direction du Dr Jean GATSI et la Supervision de
Prof. MODI KOKO A - Les modalités du gage
La dépossession du débiteur a pour objet de
manifester aux yeux des tiers et notamment d'autres créanciers que le
banquier a un droit sur le meuble mis en gage. Cette dépossession dure
aussi longtemps que peut durer le gage lui-même, tant que le banquier
n'est pas entièrement payé. La créance garantie peut donc,
de ce fait, être soit à terme, soit conditionnelle, soit
éventuelle103.
En ce qui concerne le bien remis en gage, le constituant doit
être propriétaire dudit bien. Il peut être soit le
débiteur lui même, soit un tiers. Et dans ce dernier cas, le tiers
est tenu en tant que « caution réelle »104. Le bien
objet du gage doit être forcément un meuble105. Ce bien
mobilier peut être corporel ou incorporel. Il doit s'agir d'un bien
aliénable, car en cas de défaillance du débiteur lors du
remboursement, le banquier pourra le vendre librement pour se faire payer sur
le prix ou dans la situation où le législateur le prévoit,
il peut se le faire attribuer.
En ce qui concerne la remise de la chose, le débiteur
doit se dessaisir de la chose donnée en gage et en transmettre la
possession au banquier ou à un tiers convenu106. En principe,
la chose doit être remise au banquier qui se charge de sa garde. Mais
pour lui éviter l'entretien et la conservation des biens qui
nécessitent des soins sérieux, les parties peuvent convenir de
confier le bien à un tiers. C'est le mécanisme de
l'entiercement107.
Par le phénomène de l'entiercement, l'avantage
que peut se procurer le débiteur est qu'il peut consentir d'autres
sûretés sur ces biens. La substitution à l'objet
déposé d'un bien de même valeur peut intervenir dans deux
circonstances : en cas de perte de la chose, le gage se reporte sur
l'indemnité d'assurance108 ; lorsque l'objet est une
marchandise susceptible de perdre sa valeur, en se détériorant ou
en se démodant, on admet qu'une autre marchandise analogue la
103 Article 45 de l'acte uniforme relatif aux
sûretés.
104 Article 47 du même texte.
105 Cette mesure permet le déplacement du bien pour sa
mise à disposition du banquier. Ce qui exclut de ce régime les
immeubles par destination.
106 Art. 48 al. 1er AUS ; voir également, F.
LEFEBVRE, Contrats et droits de l'entreprise, op. cit., pp. 760-761, n°
4885.
107 A titre d'exemple, lorsqu'il s'agit de marchandises
volumineuses et dont le banquier ne dispose pas d'entrepôt, il peut
convenir avec son débiteur de les confier à un magasin
général. Le propriétaire du magasin est donc responsable
de la conservation des marchandises. Voir également F. LEFEBVRE, op.
cit., pp. 760 - 761, n° 4885 et suivants.
108 J. MONDINO et Y. THOMAS, op. cit., p. 103.
Les garanties de crédit bancaires au
Cameroun Mémoire de DEA Droit des affaires,
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Bertin YMELE KEMBOU, Sous la Direction du Dr Jean GATSI et la Supervision de
Prof. MODI KOKO
remplace pour permettre la réalisation du gage. La
chose nouvelle étant placée dans la même situation
juridique que la chose originelle, il s'agit là d'une subrogation
réelle. Mais pour que le gage soit efficace, il doit satisfaire à
certaines règles.
B - Le régime du gage
Le banquier doit convenir avec son client du bien que ce
dernier doit lui donner en gage. Quelle que soit la nature de la créance
garantie, le gage doit être constaté par écrit pour
être opposable aux tiers. Cet écrit directement enregistré
contient l'indication de la somme due ainsi que l'espèce, la nature et
la quantité des biens meubles donnés en gage. La créance
bancaire étant une créance commerciale, aucun écrit n'est
exigé pour sa validité, l'écrit étant tout
simplement pour servir de preuve, bien que la preuve en matière
commerciale puisse se faire par tout moyen.
Pour ce qui est du gage portant sur une créance, le
débiteur constituant doit, en plus d'un écrit constatant ledit
gage, le signifier à son propre débiteur109. S'il ne
le fait pas, le banquier peut lui-même procéder à cette
signification. Sur la demande du banquier, le débiteur
transféré peut s'engager par écrit de lui payer
directement ce qu'il doit à son créancier. Cet écrit est
exigé à peine de nullité110. Un tel engagement
interdit du débiteur transféré111 d'opposer les
exceptions fondées sur ses rapports personnels avec son propre
créancier112. S'il ne s'engage pas à payer
directement, il est néanmoins tenu de payer si, au jour de
l'échéance, il n'a aucune exception à opposer à son
propre créancier ou au banquier. Le paiement effectué dans de
telles conditions constitue l'un des effets du gage.
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