Paragraphe II : Définir et conduire une
politique
globale
La politique à mettre sur pied sera d'autant plus globale
qu'elle sera empreinte de souplesse, de volontarisme (A) et ce, dans une
optique futuriste (B).
A) Une politique plus souple et plus
volontariste
La souplesse (1) et le volontarisme (2) souhaités
visent essentiellement, le premier, l'allègement des procédures
de soumission des candidatures au plan interne, le second, l'implication accrue
des fonctionnaires internationaux à l'oeuvre de développement
national.
1) Une politique plus souple
Chaque acteur institutionnel devra prendre conscience de
l'importance de sa partition dans la conduite des dossiers de promotion des
cadres. A cet effet, il est primordial que les ministères sectoriels
assument une diffusion diligente des avis de vacance des postes (avis officiels
ou prévisionnels). Leur acheminement devra faire l'objet d'une attention
particulière pour que les dossiers de candidatures éventuelles
parviennent en temps utile à la Cellule. Dans le même ordre
d'idées, il serait judicieux d'alléger la procédure
à suivre par les agents permanents de l'Etat pour postuler aux postes
internationaux.
Deux types de formalités pourraient être
réaménagées.
Le premier se rapporte à l'obtention de l'accord du
ministre de tutelle. Dans le contexte actuel, l'administration nationale exige
l'accord express du ministre de tutelle de tout agent permanent de l'Etat (APE)
avant la transmission de son dossier de candidature aux organismes
internationaux. Pour des raisons d'efficacité, il serait
préférable de libéraliser la procédure d'autant
plus que le fonctionnaire dont la candidature est retenue a le devoir de suivre
les formalités administratives que lui impose la loi n° 86-0 13 du
26 février 1986 portant Statut Général des APE avant de
s'affranchir de ses obligations professionnelles.
Le second réaménagement consistera à
faire droit aux requêtes de détachement formulées par les
APE toutes les fois que les impératifs du service public national ne
recommandent une attitude contraire.
De plus, le Ministère chargé des Finances devra
veiller à la mise à disposition des ressources
conséquentes pour assurer le bon fonctionnement de la Commission (et
partant, de la Cellule). Lors de l'élaboration du budget, une dotation
financière sera prévue à cet effet, à la suite
d'une concertation entre les responsables de la Cellule et les autorités
compétentes du MDEF.
A cette approche empreinte de souplesse, pourrait se combiner une
autre, plus volontariste.
2) Une politique plus volontariste
La politique plus volontariste préconisée pourrait
se décliner en cinq (5) axes :
L'institution d'un plan de carrière
Dans la plupart des pays disposant d'une administration
publique dont les règles sont en adéquation avec les constantes
mutations du monde moderne, la carrière des fonctionnaires se
déroule suivant un plan prédéfini qui tient compte
à la fois des nécessités du service, des
réalités du fonctionnariat international et des motivations
personnelles des intéressés. L'institution et (surtout) le suivi
rigoureux d'un tel mécanisme paraissent importants pour permettre :
- d'une part, à l'agent permanent de l'Etat d'avoir une
vision claire du déroulement de sa carrière -si aucune
circonstance exceptionnelle ne survient- et se forger en conséquence un
CV compétitif sur le plan international et
- d'autre part, aux pouvoirs publics de disposer d'outils
fiables pour avoir la maîtrise des compétences susceptibles
d'être promues à l'échelle internationale.
|
Echanges de fonctionnaires
|
Il existe un système d'échange de fonctionnaires
entre les Organisations internationales et les administrations nationales. Il
permet à un agent permanent de l'Etat d'aller en poste dans une
institution internationale pendant une durée maximale de trois ans pour
acquérir une expérience professionnelle plus vaste instituant
ainsi un roulement entre les deux types d'administration. Il faudra
étudier, avec des organismes cibles, les modalités pratiques
d'institution d'un tel mécanisme et, le cas échéant,
établir une liste dans chaque administration nationale des postes qui
pourraient être proposés aux OI.
Collaboration étroite avec les fonctionnaires
internationaux
A moyen terme, et en fonction des disponibilités
budgétaires, il serait souhaitable de doter les fonctionnaires
internationaux de ressources nécessaires pouvant les aider à
l'oeuvre de prospection de postes. A priori, une telle initiative semble
incompatible avec l'obligation de neutralité qui incombe auxdits agents.
Mais, à la réalité, comme le note Daniel Darmoy, de telles
pratiques sont courantes dans le milieu international137. Aussi
pourrait-il être organisées des conférences à leur
intention.
Organisation de conférences des fonctionnaires
internationaux
Il est suggéré l'organisation périodique
d'une conférence des fonctionnaires internationaux béninois. Elle
offrira l'occasion de débattre non seulement de l'évolution de
leur carrière, des difficultés qu'ils rencontrent et pour
lesquelles l'appui du gouvernement pourrait être sollicité, mais
aussi et surtout d'évoquer les grands chantiers de la nation en vue
d'analyser les modalités de leur implication plus active dans leur
réalisation. Il serait envisageable que, pour des raisons
d'économie, ces rencontres se tiennent en marge des travaux de la
Conférence des Béninois de l'extérieur.
|
Réinsertion des anciens fonctionnaires internationaux
|
Les OI offrent de plus en plus des contrats à
durée déterminée. Les APE en fin de détachement
dans les OI devraient être réintégrés dans la
Fonction Publique à des postes où les expériences acquises
pourraient servir les intérêts de l'administration nationale.
Au-delà de ces mesures, il serait souhaitable de
développer des programmes de relève, en collaboration avec les
partenaires et les OI, afin de faire entrer des personnes suffisamment jeunes
pour qu'elles puissent y acquérir, autorité et expérience,
leur permettant d'accéder plus tard à des postes plus
importants.
B) Une vision orientée vers l'avenir
Grâce à la formule des experts associés,
diverses institutions du système des Nations Unies proposent des
programmes de relève, des formations professionnelles débouchant
sur des postes dans la fonction publique internationale (1). Mais pour en
faciliter l'entrée aux jeunes béninois, un accent particulier
devra être mis sur la formation (2).
1) La stratégie des experts associés
Le programme des experts associés, sur lequel la
plupart des Etats ont axé leur «stratégie d'influence au
sein des organisations internationales» consiste à positionner de
jeunes diplômés dans certains organismes après
négociations, d'une part avec les organismes concernés, d'autre
part avec des bailleurs de fonds. Ces derniers, au titre du partenariat
existant entre le Nord et le Sud, prennent en charge la
rémunération des experts associés pendant une
période allant de deux (2) à trois (3) ans. Durant cette
période, les personnes concernées sont préparées
pour assumer plus tard des responsabilités dans la fonction publique
internationale.
Ces programmes, pilotés par des institutions comme le
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Programme
des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), le Haut Commissariat des Nations
Unies (HCR) sont, entre autres:
le `'Junior Professional Officer» (ou jeunes experts
associés) réservé aux diplômés disposant
d'environ trois (3) à cinq (5) années d'expérience;
le `'Youth professional officer» qui est un programme
réservé aux personnes ayant une qualification universitaire avec
au moins cinq années d'expérience;
64 de contribuer à la réalisation d'une action
sociale ou humanitaire.138;
etc.
L'exploitation de ces opportunités permettra de satisfaire
trois (3) objectifs :
d'abord, promouvoir l'expertise nationale dans les institutions
internationales ;
ensuite, offrir l'opportunité aux jeunes
diplômés béninois d'acquérir l'expérience de
la fonction publique internationale dont ils pourront se prévaloir pour
accéder à des postes permanents;
enfin, assurer aux jeunes cadres une formation de
qualité et une expérience professionnelle pouvant être
utiles pour la modernisation de l'administration publique.
S'il est vrai que de tels programmes sont accessibles aux pays
africains et leur permettent de préparer un vivier de compétences
en vue d'asseoir leur renommée dans l'arène internationale, seuls
les diplômés des universités jouissant d'une
crédibilité certaine auprès des `'chasseurs de
têtes» internationaux partent avec les meilleurs chances.
2) Assurer une formation de pointe
L'Etat béninois devra développer une politique
éducative qui prenne en compte les grandes mutations du monde
moderne.
Dans cette optique, il est indispensable que l'école
béninoise en général, les universités nationales en
particulier soient réhabilitées et retrouvent leurs lettres de
noblesse. Cela s'avère important afin d'améliorer à
l'extérieur du pays, principalement auprès des recruteurs des
institutions internationales à caractère universel, la cote des
diplômes délivrés au Bénin. La Commission de la
Fonction Publique Internationale qui a en charge le recrutement du personnel de
l'ONU est particulièrement exigeante sur la
138 Ces jeunes diplômés peuvent recevoir, quelques
fois, des subsides, à titre d'encouragement ; mais
l'intérêt majeur du programme pour les jeunes réside dans
d'expérience qu'il leur permet d'acquérir.
65 qualité des ressources humaines qu'emploie
l'organisation. Elle exige de plus en plus des formations de pointe
adaptée aux besoins du marché internationale: cela se traduit par
les épreuves auxquelles elle soumet les candidats qui font appel plus
à des compétences spécialisées qu'à la
culture générale comme par le passé.
Aussi, le plurilinguisme est-il devenu un facteur
déterminant dans la sélection des candidats. Pour cette raison,
l'enseignement des langues étrangères, notamment l'anglais, devra
faire l'objet d'une attention soutenue de la part des autorités en
charge de l'éducation.
L'adoption de ces mesures pourrait contribuer à
développer, dans la durée, une présence béninoise
de qualité, au sein des organisations internationales.
Depuis quelques années, le Bénin éprouve
des difficultés à promouvoir ses cadres au sein des organisations
internationales, notamment aux postes de direction. Il découle de la
présente étude que cette situation s'explique en majeure partie
par l'inexistence d'une politique dynamique en la matière. Ce
défi est l'un des primordiaux que devra relever la diplomatie de
l'ère du changement qui se veut une diplomatie incisive et proactive. Y
parvenir suppose la mise sur pied d'un pôle d'analyse stratégique,
un laboratoire de vision capable d'anticiper sur les constantes mutations du
monde moderne afin d'offrir au pays les moyens de façonner sa
destinée au sein des organismes internationaux et non plus de subir le
cours des évènements. Cette démarche appelle un engagement
et une détermination sans faille des pouvoirs politiques. Elle
s'avère d'autant plus capitale que la présence de cadres
béninois au sein des organisations internationales pourrait constituer
un levier de développement national et un vecteur de rayonnement
international
Pour ce faire, le pays dispose de potentialités
considérables qu'il convient de valoriser. Celles-ci résultent,
d'abord, de la qualité des ressources humaines : aujourd'hui comme hier,
le Bénin regorge de cadres compétents dignes d'être
positionnés à des postes de responsabilité au sein des
organisations internationales. Ensuite, elles découlent de la cote du
pays qui, depuis le renouveau démocratique, est en progression
exponentielle sur la scène internationale. Enfin, elles tiennent au
dévouement du Gouvernement à oeuvrer à la consolidation et
au renforcement des organisations internationales dont le Bénin est
membre. La transmutation de ces atouts en avantages comparatifs devrait
être une priorité nationale, inscrite, entre autres, au rôle
des services extérieurs (ambassades, représentations permanentes,
consulats et autres).
Cependant, si la mise sur pied d'une politique dynamique et
pragmatique de promotion internationale des cadres béninois est fonction
de la détermination des politiques, les résultats auxquels elle
parviendra seront tributaires de la capacité de
chaque citoyen à subordonner ses intérêts
personnels au besoin d'édification d'une nation rayonnante et
prospère.
Aussi, bien qu'il existe des dossiers dont la
sensibilité commande de la part des diplomates en charge de les conduire
l'observance stricte de l'obligation de discrétion professionnelle,
d'autres encore (comme bien souvent ceux de promotion internationale de cadres)
doivent en partie leurs succès à l'exploitation judicieuse des
puissants canaux de communication que constituent les mass media.
Au demeurant, n'y a-t-il pas lieu, toujours dans le souci
d'affirmer la notoriété du Bénin, et par ricochet celle de
ses cadres, dans l'arène internationale, d'adopter des points de vue
clairs et audibles sur les préoccupations majeures autour desquelles se
structurent les relations internationales ? Telle sera, probablement, la
prochaine interrogation à laquelle la diplomatie béninoise
pourrait tenter de répondre.
(Présentée suivant la norme Z44-005 de
l'Association française de normalisation : AFNOR)
I- OUVRAGES GENERAUX
DARMOY Daniel. Droit des organisations internationales. Paris :
Dalloz, 1995, 116 p.
DELDIQUE Pierre-Edouard. Faut-il supprimer l'ONU ? Paris :
Hachette Littératures, 2003, 283p.
KOUROUMA Ahmadou. Les soleils des indépendances. Paris :
Seuil, 1968, 196 p.
LUTTWAK N. Edward. Le paradoxe de la stratégie. Paris :
Nouveaux horizons, 1989, 315 p.
MERLE Marcel. Forces et enjeux dans les relations
internationales. Paris : Economica, 1981, 416p.
PLANTEY Alain. Les techniques de négociation : document
n°6, programme relations politiques internationales. Paris : IIAP,
1984.
PLANTEY Alain. De la politique entre les Etats, principes de
diplomatie. 5è éd. Paris : A. Pedone, 1987, 407 p.
PLANTEY Alain. La négociation internationale : principes
et méthodes. 2è éd. Paris : CNRS, 1994, 717
p.
TUDESQ André-Jean. Les medias en Afrique. Paris: Ellipses,
1999, 160 p.
|