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Les instruments de couverture du risque de change

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par Fouad BERRA
Ecole superieure de banque Alger - Diplome superieur des etudes bancaires 2009
  

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Section 1 : Les instruments traditionnels internes

Les techniques internes de couverture contre le risque de change sont les méthodes que l'entreprise met en place sans qu'elle fasse appel à aucun organisme externe. Autrement dit, l'entreprise s'autocouvre par la réorganisation des services concernés et l'analyse des éléments constitutifs des transactions : les devises, les délais de paiement... etc.

Parmi les instruments internes de couverture, on distingue :

1. La réduction du volume des dettes et des créances en monnaies étrangères

Cette technique consiste à diminuer, dans la mesure du possible, les créances et dettes en devises étrangères. Le trésorier peut exiger aux clients et fournisseurs la facturation en monnaie nationale.

La réduction du volume des dettes et des créances est utilisée pour des raisons de non maîtrise du risque de change ou d'une aversion aiguë envers ce dernier. Ce type d'opération relève du principe suivant : si l'on ne peut contrôler les effets du risque encouru, il faut éliminer les causes.

Certes, cette méthode permet une réduction du risque de change, cependant, elle n'est pas toujours possible du fait qu'elle entraîne des effets néfastes. En effet, l'opérateur qui facture en monnaie nationale condamne son partenaire étranger à subir seul le risque de change. L'entreprise étant implantée dans un environnement concurrentiel risque de voir ses transactions avec l'extérieur diminuer voire même disparaître.

2. Le choix de la devise de facturation

Afin de palier aux inconvénients du choix de la monnaie nationale comme monnaie de facturation, il y a la possibilité de la facturation en une monnaie étrangère.

Cette technique peut être plus bénéfique dans la mesure où elle permet d'éviter, par rapport à la facturation en monnaie nationale, de renvoyer la charge de la couverture sur le partenaire étranger qui peut répugner à y recourir.

Toutefois, les parties arrivent rarement à s'entendre sur une monnaie du fait que les intérêts de l'importateur et de l'exportateur sont diamétralement opposés.

L'importateur est intéressé par une facturation en une devise faible susceptible de se déprécier par rapport à sa monnaie nationale et par conséquent faire diminuer le montant à payer ; par contre l'exportateur préfère facturer dans une monnaie forte qui peut s'apprécier et le faire profiter ainsi d'un gain de change.

L'indexation de la devise de facturation à un panier de devises (le droit des tirages spéciaux D.T.S) peut être un outil de partage du risque entre l'importateur et l'exportateur.

Il existe aussi une autre forme de facturation, qui consiste en la facturation en plusieurs monnaies. Cette technique vise à partager le risque sur les parties et compenser les pertes éventuelles sur une monnaie par des gains sur une autre.1

3. La compensation des positions de change opposées

« Cette technique consiste à utiliser les mêmes devises à l'export et à l'import afin de réduire naturellement l'exposition au risque de change dans une devise. Ainsi une entreprise contrainte d'acheter ses matières premières en Dollar proposera une facturation en Dollar à ses clients à l'export. Elle diminue de cette façon le recours au marché des changes et réalise des économies en terme de spread et de commission de change. La compensation se définit à partir du tableau de suivi de la position de change. Elle requiert la définition d'un cours de couverture interne auquel seront valorisées les opérations en sens opposés. Elle nécessite la mise en place d'un compte en devises sur lequel les encaissements viendront couvrir les décaissements.

1 F. Mehdi, Les opérations de couverture et de placement sur le marché des changes, Diplôme supérieur des études bancaires, Ecole Supérieure de Banques d'Alger, 2001, P 28.

Lorsqu'elle est réalisée entre les entités juridiques d'un même groupe, la compensation des positions opposées repose sur de véritables contrats à terme entre ces dernières. »1

4. L'auto couverture

L'auto couverture consiste en la détention simultanée d'une créance et d'une dette libellées dans la même devise et de termes voisins. L'entreprise peut donc payer ses dettes en devises avec les devises reçues après le règlement de ses créances. Cela évite le risque de change dû aux variations des cours à très court terme.

La possibilité d'application de cette technique reste limitée dans la mesure où il n'est pas toujours possible d'avoir des dettes et des créances libellées dans une même monnaie et encore moins de même terme.

5. L'action sur les délais Cette technique consiste à agir sur les délais de règlement en devises étrangères. Deux

types sont à distinguer, à savoir le termaillage et l'escompte financier :

5.1. Le termaillage

« Le termaillage consiste pour une entreprise à accélérer ou à retarder ses paiements en devises étrangères selon les prévisions et les évolutions de hausse ou de baisse des cours de change, en fonction, bien évidemment, de l'incidence éventuelle des agios. »2

Le paiement anticipé est appelé lead, tandis que le paiement différé est nommé lag.

Un exportateur qui a des créances en devises susceptibles de se déprécier par rapport à sa monnaie nationale (ou de compte) aurait intérêt à accélérer leurs encaissements. Par contre dans le cas d'un exportateur qui a des créances en devises fortes susceptibles de s'apprécier à terme, le termaillage consiste à éloigner les échéances de paiement afin de bénéficier de la hausse de la devise.

Pour l'importateur, le termaillage consiste à retarder les paiements de ses fournisseurs quand
les dettes sont exprimées en devises faibles. Par contre, il consiste à accélérer le paiement de

1 M. Sion, Gérer la trésorerie et la relation bancaire, op. cit., P 238.

2 P. Prissert & P. Garsuault & S. Priami, Les opérations bancaires avec l'étranger, La revue banque éditeur, Paris,1995, P 117.

ses fournisseurs et réduire la durée du crédit dont il a bénéficié dans le cas où la devise est forte pouvant s'apprécier et alourdir le montant de la dette.

Le tableau ci-dessous mentionne les principales décisions à prendre, compte tenu de la tendance de la devise :

 

Importations

Exportations

La devise s'apprécie

Accélérer le paiement

Retarder le paiement

La devise se déprécie

Retarder le paiement

Accélérer le paiement

Le termaillage suppose implicitement un accord de la contrepartie sur une modification de la position de change à son désavantage avec ou sans compensation. Il suppose aussi que la dette ou la créance n'était pas préalablement couverte.

Le termaillage constitue une véritable opération de spéculation, le trésorier agissant uniquement en fonction de ses anticipations. C'est une technique peu utilisée, ne serait-ce que parce que l'évolution des cours de change est peu prévisible, aussi le niveau de la trésorerie et les contraintes commerciales constituent des limites pour l'application du termaillage.

5.2. L'escompte financier

L'escompte financier est un instrument qui concerne l'exportateur qui cherche à raccourcir le délai de sa créance, il peut donc accorder un escompte pour paiement anticipé afin de bénéficier d'un paiement au comptant. Le montant de cet escompte constitue le coût de couverture de l'exportateur.

Le coût de l'escompte n'est en fait qu'un calcul actuariel. Il est égal à :

Coût de l'escompte

=

Prix

Prix - 1 Taux Nbre jours Base annuelle )

+ ×

(

Il ne faut pas oublier de prendre en compte (soustraire) les intérêts éventuels que l'exportateur perçoit en plaçant sa liquidité sur le marché ou les intérêts qu'il paye en empruntant sur le marché.

En utilisant cette technique, l'exportateur ne limite pas uniquement le risque de change mais aussi le risque de crédit et le manque de trésorerie.

6. La compensation interne des positions

La compensation interne des positions (netting) consiste en une compensation des créances et des dettes réciproques entre les différentes entités d'un groupe. L'objectif du netting étant de rationaliser les flux de règlement à l'intérieur d'un groupe par une réduction des volumes transférés d'une société à l'autre1.

La compensation peut être faite entre deux ou plusieurs filiales et pour une seule ou plusieurs monnaies. Un centre de compensation peut aussi être créé à l'échelon du groupe, afin d'organiser le cycle de compensation, centraliser l'information et calculer la compensation. Ce centre peut être un département spécialisé de la maison mère ou bien une société juridiquement autonome.

6.1. La compensation bilatérale

La compensation bilatérale s'applique à deux sociétés qui étant simultanément débitrice et créditrice l'une envers l'autre, y compris dans des monnaies différentes, peuvent convenir d'un transfert limité au solde net de leurs engagements2.

Exemple :

Soit une multinationale française ayant deux filiales : une en Suisse et une autre au Japon.

La filiale suisse possède une créance de EUR 1.000.000 sur la filiale japonaise, qui à son tour possède une créance de EUR 400.000 sur la filiale suisse.

La compensation bilatérale (schéma 5) consiste à faire apparaître une seule position (position
nette), qui est donc une créance de EUR 600.000 détenue par la filiale suisse sur la filiale

1 M. Debauvais & Y. Sinnah, La gestion globale du risque de change, nouveaux enjeux et nouveaux risques, op. cit., P 140.

2 Op. cit., P 140.

japonaise. Ainsi la couverture contre le risque de change se limitera pour EUR 600.000 au lieu de EUR 1.400.000.

Schéma 5 : Compensation bilatérale

Avant compensation

Après compensation

Filiale
suisse

Filiale
suisse

EUR 1.000.000

EUR 400.000

EUR 600.000

Filiale
japonaise

Filiale
japonaise

6.2. La compensation multilatérale

Le principe de la compensation multilatérale (clearing) est identique à celui de la compensation bilatérale, sauf que le clearing se passe entre plusieurs filiales avec plusieurs transactions (schéma 6).

La mise en place d'un centre de compensation permet de dégager un solde net de chacune des sociétés, qui prend en compte les règlements à effectuer ou les paiements à recevoir vis-à-vis de l'ensemble des sociétés du groupe.

Exemple

Soit une multinationale française qui a quatre filiales, une au Canada, une au Japon, une autre en Suisse et une autre en Russie.

Le schéma 6 synthétise les créances et les dettes des unes et des autres.

Schéma 6 : Compensation multilatérale
Avant compensation

Filiale

Filiale

i

400000

150000

50000

310000

Filiale

Filiale

canadienne

La compensation multilatérale (schéma 7) consiste à faire apparaître une seule position (position nette) entre les filiales deux à deux, cela a permis de réduire le montant total, sujet à la couverture, de EUR 2.695.000 jusqu'à EUR 525.000.

Schéma 7 : Compensation multilatérale
Après compensation

100000

Filiale

Filiale

90000

Filiale

canadienne

Filiale

i

La compensation multilatérale avec centre de compensation (schéma 8) consiste à faire apparaître une seule position par filiales, cela a permis de limiter la couverture au montant de EUR 270.000.

Schéma 8 : Compensation multilatérale

Après compensation avec un
centre de compensation

Filiale

j n i

Filiale

i

Filiale

r

Filiale

canadienne

Centre de

compensation

Le netting permet de réduire le nombre et le volume des transactions, et donc de réduire le nombre et le volume des opérations de change et des opérations de couverture contre le risque

de change.

Toutefois, cette technique présente certaines limites quant aux réglementations de certain pays qui ne permettent pas son utilisation, aussi le netting reste-il un instrument de gestion intragroupe.

6.3. Les centres de refacturation

Dans le système des centres de refacturation, les différentes sociétés du groupe ne sont plus en contact avec leurs clients, elles établissent leurs factures à l'ordre du centre de refacturation qui leur règle les factures dans leurs monnaies. Le centre de refacturation se fait payer par les clients.

Ce système prend en compte tous les paiements (intra ou extra groupe), et le risque de change est reporté sur le centre de refacturation qui doit établir régulièrement un cours de change interne au groupe.

6.4. La mise en commun

La mise en commun (pooling) est la centralisation la plus large des opérations en devises des
différentes entités du groupe. Tous les flux de trésorerie en devises, qu'ils soient entre
sociétés du groupe ou entre sociétés du groupe et sociétés externes au groupe, sont centralisés

dans un cash center. Les excédents en devises de certaines filiales sont utilisés pour financer les besoins en devises d'autres filiales.

La gestion de trésorerie du groupe est totalement centralisée. L'avantage est que le besoin minimal dans chaque devise est réduit à son niveau le plus faible dans ce système centralisé que dans tout autre système.

7. Les clauses contractuelles

La technique des clauses contractuelles consiste à inclure dans le contrat d'achat ou de vente des clauses permettant un ajustement du prix, suite à une évolution du cours de la devise de facturation, afin d'éliminer ou de réduire l'exposition au risque de change.

On distingue quatre grands types de clauses contractuelles :

7.1. Les clauses d'indexation proportionnelles

La clause d'indexation proportionnelle (à taux fixe) consiste en une répercussion totale de la variation du cours de la devise sur la contre-valeur de la somme à payer. Si le cours de la monnaie de facturation augmente, le prix baisse, et si le cours baisse, le prix augmente.

Certes, cette technique permet une élimination du risque de change pour une partie, cependant, elle n'est pas toujours possible du fait qu'elle condamne l'autre partie à subir seule le risque de change.

7.2. Les clauses d'indexation proportionnelles avec franchise

L'indexation proportionnelle avec franchise consiste en une répercussion de la variation du cours de la devise de facturation sur le prix mais uniquement au-delà d'un seuil déterminé conjointement par l'importateur et l'exportateur.

7.3. La clause de risque partagé

La clause de risque partagé est une clause qui permet de répartir le risque entre l'acheteur et le vendeur en cas d'une évolution défavorable des cours pour l'un ou pour l'autre.

Généralement la répartition se fait par moitié, mais tout autre pourcentage de répartition peut être négocié.

7.4. La clause multidevises

La clause multidevises (clause de change multiple) permet d'exprimer le montant du contrat en plusieurs devises avec la possibilité pour l'une des parties de choisir la monnaie de règlement à l'échéance.

Cette technique permet en fait de spéculer.

Après avoir exposé les instruments internes, il en ressort qu'ils permettent de couvrir le risque. Cependant, elles demeurent techniquement difficiles à mettre en oeuvre ; ce qui pousse l'entreprise à faire appel à des instruments externes, objet de la prochaine section.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault