Les techniques externes de couverture contre le risque de
change, contrairement aux techniques internes, sont les méthodes qui
nécessitent le recours à des organismes externes à
l'entreprise.
L'entreprise exportatrice emprunte à sa banque une
somme en devise dont le montant correspond à celui de la créance
détenue sur son client étranger ou à la valeur actuelle de
celle-ci pour une durée au moins égale au délai de
paiement du client. Les devises ainsi avancées seront converties
immédiatement (au comptant) en monnaie nationale. La banque facturera
à l'entreprise des intérêts calculés à partir
du taux interbancaire majoré d'une marge. L'entreprise remboursera sa
dette à l'échéance avec les devises reçues de son
client. L'entreprise annule ainsi le risque de change, et reconstitue sa
trésorerie en monnaie nationale (schéma 9).
Bien plus qu'une simple technique de couverture, les avances
en devises constituent un crédit de trésorerie en devises et de
ce fait, elles peuvent être considérées comme un moyen de
financement des exportations.
Les avances en devises constituent pour un exportateur des
crédits à court terme en devises accordés par des banques
nationales ou étrangères. Elles lui permettent de constituer
immédiatement une trésorerie en monnaie nationale correspondant
à la contre-valeur de la créance sur son client
étranger.1
Il est à faire remarquer que l'avance en devise ne peut
être obtenue qu'après justification du passage en douane des
marchandises.2
En matière d'importation, le dépôt en devises
est en quelque sorte l'opération inverse à l'avance en
devises.
L'entreprise importatrice, qui a une position courte en
devise, achète au comptant et prête à sa banque une somme
en devise dont le montant est celui de sa dette à l'étranger sur
une durée au plus égale au délai du crédit
fournisseur. La banque rémunérera ce prêt au taux
interbancaire de la devise considérée, et l'entreprise pourra
payer son fournisseur à l'échéance avec les devises
remboursées par la banque.
Le fait d'acheter la devise le jour de sa commande, l'entreprise
annule son risque de change.
Toutefois, la couverture par avance en devises pour les
opérations d'importations ne représente pas
d'intérêt majeur dans la mesure où cela fait perdre le
bénéfice de la trésorerie. Il revient pratiquement au
même de payer immédiatement son fournisseur en suivant la
technique de termaillage.
L'entreprise peut se couvrir contre le risque de change via
des assurances que proposent des organismes externes. Ces assurances ont pour
objet de permettre aux entreprises exportatrices d'établir leurs prix de
vente et de passer des contrats en devises sans encourir le risque de variation
des cours de change.
· Elles concernent aussi bien des opérations
ponctuelles que des courants d'affaires réguliers ;
· Elles peuvent couvrir les variations de change sur un
courant d'affaires à l'import ou à l'export pendant la
période de facturation jusqu'au paiement ;
· Ces assurances comprennent parfois des clauses
permettant de bénéficier de l'évolution favorable de la
devise, le cours garanti pouvant être modifié pendant la
période de facturation.
Exemple
La Compagnie Française d'Assurances pour le Commerce
Extérieur (COFACE), moyennant le versement d'une prime d'assurance,
garantit un cours de change déterminé. Cette garantie s'applique
dans le cas de flux d'échanges internationaux aléatoires quant
à leurs montants et/ou leurs dates de règlement.
Au moment du règlement de l'exportation (importation),
si le cours de change est inférieur (supérieur) au cours garanti,
la COFACE indemnise l'entreprise. Si par contre, le cours de change est
supérieur (inférieur) au cours garanti, l'entreprise verse la
différence à la COFACE.
Il est possible de prévoir dans le contrat d'assurance un
intéressement permettant aux entreprises de bénéficier
partiellement d'une évolution favorable du cours de change.
Il est à faire remarquer qu'en Algérie,
l'équivalent de la COFACE, la Compagnie Algérienne d'Assurance et
de Garantie des Exportations (CAGEX) n'offre aucun produit qui permet la
couverture du risque de change.
3. Le change à terme
3.1. Définition
Le change à terme est un accord portant sur l'achat ou
la vente d'un montant défini d'une devise contre une autre à un
cours de change ferme et définitif, mais l'échange à lieu
à une date ultérieure déterminée. Cette
opération permet de fixer à l'avance un cours de change pour une
transaction future sans que n'intervienne le moindre flux de trésorerie
avant l'échéance1.
1 P. Desbriéres & E. Poincelot, Gestion de
trésorerie, Ed. Management, Paris, 1999, P 123.
Court à terme = Cours au comptant + Points de
terme
Cette technique consiste à éliminer la position
de change, c'est-à-dire éliminer la position courte par l'achat
de devises auprès d'une banque et la position longue par une
opération de vente. Comme ces opérations s'effectuent à
des cours prédéterminés, la contre valeur en monnaie
nationale n'est plus dépendante des fluctuations des cours.
L'échéance du contrat de change à terme
doit coïncider avec la date à laquelle sont encaissées les
recettes ou engagées les dépenses en devises.
Le change à terme peut prendre la forme d'une vente
à terme de devises (couverture des exportations) ou un achat à
terme de devises (couverture des importations). L'exportateur, pour se couvrir
contre le risque de change lié à la dépréciation
éventuelle d'une devise, vend à terme à sa banque le
montant de sa créance. Il fixe ainsi de façon précise le
montant de monnaie nationale qu'il recevra à
l'échéance.
L'importateur, quant à lui, pour se couvrir contre le
risque de change lié à l'appréciation éventuelle
d'une devise, achète à terme les devises correspondant au montant
de sa dette. Il connaît ainsi avec précision le montant en monnaie
nationale qu'il devra payer.
3.2. Le mécanisme de formation du cours
à terme
Le change à terme n'est pas un pari sur l'avenir ou
une anticipation de cours. Le change à terme est un produit que le
combiste clientèle d'une banque va fabriquer en plusieurs étapes
qui se résument dans une opération de change au comptant assortie
d'un emprunt suivie d'un prêt, ou depuis peu assortie d'un swap.
Le cours à terme dépend de trois facteurs :
· Le cours au comptant du jour de la négociation
;
· L'échéance de l'opération ;
· Le différentiel de taux d'intérêt
entre les deux devises.
La différence entre le cours à terme et le
cours au comptant résulte du différentiel de taux
d'intérêts entre la devise et la monnaie nationale; elle s'appelle
«points de terme» ou «points de swap».
Les points de terme ou points de swap sont cotés au
1/10000éme d'unité de devise.
Cet écart est qualifié de report ou de
déport suivant qu'il est respectivement positif ou négatif.
Pour illustrer le mécanisme de formation des cours nous
allons traiter successivement le cas d'un achat à terme et d'une vente
à terme :
3.2.1. La vente à terme
Un exportateur algérien facturant en Euro souhaite
couvrir une rentrée de 100.000 Euros qui doit avoir lieu dans 3 mois. Il
opte pour une vente à terme. Il s'adresse donc à son banquier qui
lui propose le cours de vente à terme de 88,43 68.1
Le banquier a calculé ce cours à terme à
partir des informations de marché suivantes et en procédant en
trois étapes :
Cours comptant EUR/DZD : 88,0000/93,0000
Taux EUR 3 mois : 2,00 %/3,00 %
Taux DZD 3 mois : 5,00
%/6,00 %
Première étape :
emprunt en Euro
La banque recevra de l'exportateur dans trois mois EUR
100.000. Elle va donc emprunter pour trois mois des Euros pour un montant lui
permettant de verser à échéance la somme (principal +
intérêts) avec la recette de l'exportateur. Elle emprunte
la valeur actuelle de 100.000 Euros, soit :
=
Capital EUR
1+???
taux × Nb jours
base annuelle
100.000
???
1 + 360
?
× ?? 0 ,03 90
= 99.255,58 Euros
1 On suppose que cette opération est
possible. Ce point sera détaillé dans le chapitre 4.
Elle emprunte 99.255,58 Euros au taux de 3,00 % pendant trois
mois, remboursant à l'échéance 100.000 Euros.
Deuxième étape : vente au
comptant
Craignant une baisse de l'Euro à échéance
la banque cède les Euros au comptant au cours acheteur EUR/DZD =
88,0000
La banque recevra ainsi :
99.255,58 x 88 = 8.734.491,04 Dinars
Troisième étape :
placement des Dinars
Le produit de la cession est placé par la banque durant
trois mois au taux prêteur 5,00 %.
A l'échéance la banque dispose de :
( )
taux × Nb jours = ( )
0,05 × 90
Capital DZD × 1 + 8.734.491, 04 × 1 +
base annuelle360
= 8.843.672,18 Dinars
A échéance, le client versera 100.000 Euros
à la banque qui remboursera son emprunt. La banque recevra le produit de
son placement, soit 8.843.672,18 Dinars qui sera versé au client. En
conclusion, la banque, moyennant rémunération pour ce service
(marge), peut garantir un cours à terme à son client de 88,4368
(8.843.672,18/100.000)1.
En résumé :
Une vente à terme d'une devise 1 contre une devise 2
implique pour la banque les opérations suivantes :
· Emprunt de la devise 1 ;
· Vente au comptant de la devise 1 contre la devise 2 ;
· Prêt de la contre valeur en devise 2
1 On remarque bien que le cours à terme
EUR/DZD est supérieur au cours au comptant donc le Dinar est en
déport par rapport à l'Euro (l'Euro est en report par rapport au
Dinar).
Le cours de la vente à terme est obtenu grâce
à la formule suivante :
1 + nX T 2 p B2
( )
1+(nXT1e B1)
CT (dey 1 /dey 2)
= CCa X
Où :
CT = cours à terme
CCa = cours comptant acheteur de la devise 1 contre la devise 2
T1e = taux emprunteur de la devise 1
T2p = taux prêteur de la devise 2
n = nombre de jours
B1 = base annuelle1 de la devise 1
B2 = base annuelle de la devise 2
Cette formule peut être écrite autrement, sous la
forme suivante :
B2
B1
1 +
n T1 e
×
B1
CT (dey1/dey2) C Ca C Ca n
= + × ×
2p T1 e
-
T
3.2.2. L'achat à terme
L'achat à terme concernerait, par exemple, un
importateur algérien qui souhaite couvrir le payement d'une facture de
100.000 Euros pour un délai de six mois. Il opte pour un achat à
terme.
Le mécanisme de l'achat à terme est le même
que celui de la vente à terme.
Afin de garantir le cours d'achat à terme, la banque fait
les opérations suivantes :
· Emprunt des Dinars au taux prêteur à six
mois ;
· Achat des Euros au comptant au cours vendeur ;
· Placement des Euros au taux emprunteur à six
mois.
1 La base annuelle la plus utilisée est 360
jours. Pour certaines monnaies (par exemple GBP), on utilise 365 jours.
Dans le cas général, un achat à terme
d'une devise 1 contre une devise 2 implique pour la banque les
opérations suivantes :
· Emprunt de la devise 2 ;
· Achat au comptant de la devise 1 contre la devise 2 ;
· Prêt de la contre valeur en devise 1.
Le cours de l'achat à terme est obtenu grâce
à la formule suivante :
+ ×
( )
n T 2 2
e B
+ ×
( n T 1 1)
p B
CT(dev1/dev2) CC
= v
×
1
1
Où :
CT = cours à terme
CCv = cours comptant vendeur de la devise 1 contre la devise 2
T1p = taux prêteur de la devise 1
T2e = taux emprunteur de la devise 2
n = nombre de jours
B1 = base annuelle de la devise 1
B2 = base annuelle de la devise 2
Cette formule peut être écrite autrement, sous la
forme suivante :
T 2 T 1
e p
-
CT(dev1/dev2) CC CC
= + × ×
v v n
B1
B2
1+
n T 1
× p
1
B
3.2.3. Le change à terme par les swaps de
trésorerie
Dans le mécanisme de formation des cours à
terme intervient une double opération de trésorerie (prêt
d'une devise et emprunt de l'autre) que la banque réalise sur le
marché du dépôt. Elle peut, toutefois, avoir recours
à un swap de trésorerie pour fabriquer du change à terme
plutôt que de faire un prêt-emprunt.
Le mécanisme du swap s'apparente à celui d'un
crédit croisé à court terme et à taux fixe, d'un
côté l'emprunt et de l'autre le prêt dans des devises
différentes avec une même contrepartie. De ce fait, le risque de
l'opération ne porte pas sur le montant nominal mais sur les
intérêts. Le risque étant moindre sur le swap que sur les
opérations de trésorerie, les cotations sont évidemment
meilleures.
Sur le plan pratique, les flux à la date de mise en
place sont purement conventionnels, puisqu'on peut les annuler
immédiatement en procédant à une opération de
change au comptant en sens inverse. C'est exactement ce que fait la banque pour
fabriquer le change à terme pour son client.
En résumé :
Une vente à terme d'une devise 1 contre une devise 2
implique pour la banque les opérations suivantes :
· Une vente au comptant de la devise 1 contre la devise 2
;
· Une opération de swap (emprunt de la devise 1 et
prêt de la devise 2).
Il est à faire remarquer que le swap est une
opération de hors bilan ce qui peut présenter certains avantages
pour la banque (limites dues aux règles prudentielles).
3.3. Le dénouement d'une opération de
change à terme
L'opération de change à terme peut être
remise en cause par l'entreprise lorsque la transaction faisant objet de la
couverture ne se déroule pas comme prévu.
En effet des événements peuvent se produire
nécessitant un autre traitement de l'opération de couverture :
3.3.1. L'annulation
Le change à terme est effectué pour couvrir le
risque de change que peut subir une entreprise lors d'une transaction en devise
étrangère. Si à un moment donné et avant la date
d'échéance l'opération de change à terme n'a plus
lieu d'être, suite à l'annulation de la transaction, elle peut
faire l'objet d'une annulation.
La banque procède alors à la mise en place d'une
nouvelle opération de change à terme dont
les
caractéristiques sont les mêmes que celles de l'opération
initiale pour annuler tous les flux.
Toutefois, à cause du changement des conditions du
marché, il peut en résulter une perte ou un gain de change qui
est répercuté sur le client.
3.3.2. La levée anticipée
La levée anticipée consiste à avancer la
date d'échange des devises par rapport à la date
d'échéance initiale de l'opération de change à
terme.
Comme dans le cas de l'annulation, l'entreprise supporte un gain
ou une perte de change.
3.3.3. La prorogation
La prorogation consiste à retarder la date
d'échange des devises à une date ultérieure à celle
de l'échéance de l'opération de change initiale.
Pour ce faire, les deux parties peuvent annuler
l'opération de terme initiale à la date d'échéance
et mettre en place une nouvelle. L'écart de change
généré par ces opérations est enregistré
sous forme de perte ou gain immédiat, assumer par l'entreprise, sans
incidence sur le calcul du nouveau cours à terme.
Elles peuvent aussi maintenir le contrat initial mais
l'écart de trésorerie sera pris en compte dans le calcul du
nouveau cours à terme.
3.4. Les avantages et les inconvénients du
change à terme
Le change à terme comporte aussi bien des avantages que
des inconvénients :1
Les avantages du change à terme :
· Fixe le cours d'achat ou de vente des devises à
une date donnée (absence d'incertitude) ;
· Souplesse d'utilisation (échéance et
montant sur mesure, couverture pour de nombreuses monnaie) ;
· Les reports ou déports peuvent constituer un
avantage : déport pour un acheteur et report pour un vendeur ;
· Produit ne nécessitant aucune gestion ni suivi
administratif.
1 Par cette technique, le client n'est cependant pas
à l'abri d'un risque de non payement ou d'un risque de
résiliation du contrat commercial. Ce faisant, il court le risque de
retournement du terme.
Les inconvénients du change à terme
:
· Ne permet pas de bénéficier d'une
évolution favorable des cours ;
· Peu adapté aux risques potentiels ou
aléatoires en raison du caractère irrévocable de
l'engagement ;
· Le cours garanti n'est pas négociable (égal
au cours comptant +/- points de terme) ;
· Risque de retournement du terme, en cas
de créance impayée, il y a une obligation de racheter les devises
au cours du jour ;
· Paiement d'un coût de couverture au travers de
report sur des créances futures en devises (déport sur
dettes).
Le change à terme permet d'éliminer le risque de
change dès sa naissance afin de s'assurer un prix de revient ou une
marge commerciale sans chercher à tirer parti des opportunités de
gain inhérentes à la position de change.
Le change à terme participatif ou avec
intéressement est un contrat de change à terme qui permet
à l'entreprise de bénéficier d'un pourcentage, fixé
préalablement, sur les gains de change escomptés1.
Le client pourra fixer lui-même le cours de change
garanti mais dans ce cas la banque fixera le pourcentage de participation. Il
est également possible que le client fixe le taux de participation, et
dans ce cas, la banque fixera le cours garanti.
Il s'agit là d'un produit plus souple que le change
à terme et qui permet de remédier à l'un de ses
inconvénients : l'entreprise se protège à un niveau de
cours de change qu'elle juge acceptable, tout en se réservant la
possibilité de faire mieux.
Nous avons vu, tout au long de ce chapitre, les instruments
traditionnels de couverture du risque de change. Ces instruments ont certes
leur importance en matière de couverture, cependant ils semblent peu
flexibles pour pouvoir accompagner les nouvelles données
financières de la mondialisation. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle on assiste à l'essor de nouveaux instruments plus souples et
mieux adaptés à la finance moderne.
Ces instruments seront étudiés dans le prochain
chapitre.
Les mutations économiques et financières qu'a
connues la scène internationale ont suscité des besoins nouveaux
de couverture contre le risque de change auxquels les instruments traditionnels
ne répondent plus.
De nouveaux instruments de couverture ont vu le jour pour
assister les opérateurs économiques dans ce nouvel environnement.
Le recours massif des entreprises à ce type d'instruments peut
être expliqué par leur efficacité et adaptabilité
aux nouvelles données économiques. Ce sont les produits
dérivés1.
Dans ce chapitre, nous allons présenter les nouveaux
instruments de couverture du risque de change. Cette présentation
s'articulera sur 3 sections : dans la première, nous étudierons
les contrats de futures pour passer ensuite aux swaps de change dans la
deuxième section et en fin la troisième section portera sur les
options de change.