L'Etat, l'UEMOA et la souveraineté fiscale: la cession partielle de souveraineté( Télécharger le fichier original )par Dit Justin Wenyaoda Yaméogo Ecole Nationale des Régies Financières - Diplôme Superieur d'Administrateur des Services Financiers 2008 |
« L'Ecole Nationale des Régies Financières n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans les mémoires qui doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. » A mon père qui a tout donné pour faire de moi un homme. Papa, je ne t'oublierai jamais. A ma mère pour tous ses conseils. Maman, je t'aime. Qu'il me soit permis de dire merci à certaines personnes qui m'ont apporté leurs concourt à la réalisation de ce mémoire. A Monsieur Alain Siri pour tous ses conseils, ses recommandations et surtout sa compréhension. A tous mes frères et soeurs pour leur compréhension. A mes amis inconditionnels Michel, David, Charles, Wendouana, Yves pour leur soutient. A tous ceux qui m'ont apporter leur aide pour la réalisation de ce mémoire. Que Dieu vous bénisse. .
Introduction1. Avec la constitution des espaces d'intégration économique et monétaires sous-régionaux (UEMOA, UE) on assiste à une remise en cause continue et croissante de la liberté des Etats partis à un processus d'intégration économique dans la conduite de leurs politiques budgétaire. Cette remise en cause s'est manifestée pour la première fois en Europe avec l'adoption de l'acte unique de 1986 qui instituait les conditions de la mise en place d'un marché commun, avec notamment des directives en matière douanière et en matière d'harmonisation de la fiscalité.1(*) Il s'ensuit une série de mesures relatives à l'harmonisation des politiques budgétaires, ceci en vue de promouvoir une intégration économique, puis l'instauration d'une monnaie unique. 2. Le même phénomène va se manifester par la suite en Afrique Occidentale avec une situation un peu différente quant aux objectifs. Les pays membres étant déjà dans une union monétaire, devaient réaliser une union économique. En Afrique de l'Ouest, c'est surtout après la dévaluation du franc CFA qu'apparaît pour la première fois la nécessité de coordonner les politiques budgétaires, d'harmoniser les finances publiques afin de les rendre aussi convergentes que possible, pour une plus grande stabilité macro-économique et une protection plus accrue de la monnaie unique. L'harmonisation des politiques budgétaires ainsi décidée va s'étendre progressivement à divers domaines des finances publiques. Ainsi, en matière fiscale (fiscalité directe ou indirecte, intérieure ou de porte), de nombreuses règles d'origine communautaire vont intervenir, soit pour régir directement ces domaines, soit pour encadrer les législations des Etats membres. Cet état de fait est de nature à faire ombrage ou même à contrarier sérieusement certaines passerelles de la souveraineté des Etats, notamment la souveraineté fiscale. 3. La souveraineté fiscale dont il sera question dans ce mémoire est un élément de la souveraineté (tout court) des Etats. Il est donc nécessaire de bien comprendre la notion de souveraineté pour mieux appréhender celle de la souveraineté fiscale. 4. Le mot souveraineté s'entend différemment selon qu'il s'agit du droit international public, du droit constitutionnel interne ou du droit communautaire. 5. En droit international public, le mot souveraineté désigne le pouvoir de l'Etat de déterminer et conduire librement sa politique intérieure et extérieure. Les seuls limites à son action étant ses propres engagements et le droit international. 6. Du point de vue du droit constitutionnel interne la souveraineté est l'expression du pouvoir d'autodétermination d'un peuple. Elle (le mot souveraineté) désigne le droit d'un peuple de choisir s'il veut être souverain ou pas et le cas échéant de choisir son système politique et économique 7. L'apparition d'un troisième ordre juridique, l'ordre juridique communautaire, semble changer la donne. La souveraineté en droit communautaire2(*) se conçoit essentiellement en termes de limitation de compétences des Etats dans l'espace communautaire. Les Etats membres de tels espaces renoncent à l'exercice d'une compétence autonome dans certains domaines pour l'exercer en commun par l'intermédiaire d'une institution supranationale qu'ils créent. Cet état de fait de nature à faire ombrage ou même à contrarier sérieusement certaines passerelles de la souveraineté des Etats, pose de sérieux problèmes aussi bien au regard du droit international public qu'au regard du droit constitutionnel interne 8. Au regard du droit international public, le principal problème posé par l'appartenance des Etats à une Union correspond, selon les termes de M. Thibault de Berrager au "paradoxe fondamental du droit international3(*)", qui peut se résumer en cette interrogation : Comment un Etat peut-il à la fois se proclamer souverain et être soumis à un droit sécrété par d'autres institutions ? 9. Au regard du droit constitutionnel interne, les constitutions des Etats qui consacrent généralement la souveraineté internationale de ceux-ci semblent incompatibles avec toute idée de soumission de ces Etats à quelques règles, quelles qu'elles soient, fussent-elles d'origine internationale. Ces constitutions, qui consacrent la répartition des compétences entre les domaines règlementaires et législatifs, ne font point référence à une probable compétence communautaire. Que ce soit au regard du droit international public ou au regard du droit constitutionnel interne, la souveraineté peut avoir des contenus différents selon le domaine. On parle ainsi de souveraineté économique, de souveraineté fiscale, de souveraineté politique4(*), ...La souveraineté fiscale semble cependant être la pièce maîtresse de la souveraineté (tout cour) des Etats et mérite d'être explicitée. Notion de souveraineté fiscale 10. La souveraineté fiscale est souvent présentée comme le symbole par excellence des pouvoirs régaliens de l'Etat, de sorte que les débats y relatifs sont toujours exacerbant. 11. L'expression souveraineté fiscale doit être bien comprise et ne pas être confondue avec la souveraineté budgétaire, notion plus connue sous le concept de principe d'autorisation budgétaire et qui désigne le droit reconnu au parlement de donner au gouvernement l'autorisation de percevoir les recettes nécessaires en vue d'assurer le bon fonctionnement des services publics5(*). 12. L'expression ne doit pas non plus être confondue à une notion voisine qu'est l'autonomie fiscale. Selon André Baralari, « tandis que l'autonomie est une question de degré, la souveraineté elle, est une question de nature6(*) ». L'autonomie fiscale est la capacité d'une collectivité non souveraine d'ajuster ses recettes à ses dépenses. 13. La souveraineté fiscale peut être définie comme la liberté dont dispose une entité pour déterminer les règles applicables au prélèvement fiscal ainsi que le pouvoir de contrainte pour l'appliquer7(*). Elle est la plupart du temps indissociable avec la souveraineté tout court de l'Etat même si l'on admet souvent qu'elle n'est pas réservée exclusivement à l'Etat et qu'elle (la souveraineté fiscale) peut être exercée par d'autres entités, infra étatiques ou interétatiques8(*). Selon G. Tixier, une entité territoriale déterminée, bénéficiant ou non de la souveraineté politique, est réputée jouir de la souveraineté fiscale dès lors qu'elle dispose d'un système fiscal présentant deux caractéristiques essentielles, d'une part une autonomie technique et d'autre part une exclusivité d'application9(*). L'exclusivité d'application signifie que le système fiscal s'applique à l'exclusion de tout système concurrent, dans un territoire géographique déterminé où il est l'unique pourvoyeur de ressources fiscales d'un budget. L'autonomie technique suppose un système fiscal complet, c'est-à-dire qui contient toutes les règles d'assiette, de taux de liquidation et de recouvrement nécessaires à sa mise en oeuvre, même si son contenu a été élaboré sous l'influence d'un autre système. 14. Le fait que la souveraineté des Etats au sens du droit international et du droit constitutionnel interne s'oppose à toute idée de limitation de souveraineté, tandis que les organes communautaires édictent des règles qui s'imposent aux Etats, pose certains problèmes aux les administrations (et particulièrement à l'administrations financières) et aux les particuliers et mérite que l'on se penche la dessus. Pour les particuliers, les textes communautaires créent à leur profit des droits auxquels les Etats risquent de porter atteinte à travers leurs règlementations fiscales, surtout lorsque ces textes sont destinés à la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale internationale. Se pose alors pour ces particuliers la question de savoir comment faire respecter leurs droits. Pour les administrations financières, elles sont amenées à proposer au législateur (pour adoption), des textes en vue d'adapter les systèmes fiscaux nationaux. En outre, elles sont amenées à prendre des textes règlementaires (décrets, arrêtés, circulaires, instructions administratives) pour appliquer les lois fiscales nationales. Se pose alors pour elles, la question de savoir jusqu'où elles peuvent aller en matière de réglementation fiscale sans enfreindre aux règles communautaires10(*), ou de savoir quelle règle elles doivent appliquer, en cas de contradiction entre une norme législative ou constitutionnelle interne, et une norme communautaire, surtout lorsque l'application des normes communautaires risque de porter atteinte à la cohérence générale de leurs systèmes fiscaux ou de fausser leurs objectifs de lutte contre l'évasion fiscale internationale11(*). 15. Dans ce contexte notre étude vise à préciser les conditions dans lesquelles se réalise la confrontation de la souveraineté fiscale des Etats membres avec le processus d'harmonisation des législations fiscales. Il s'agira donc pour nous, de répondre à la question suivante : de quel espace de libre exercice de leur politique fiscale disposent les Etats membres de l'UEMOA. Notons qu'il ne s'agira pas de confronter la souveraineté fiscale des Etats membres à celle de l'UEMOA12(*), mais plutôt d'étudier les conditions de l'exercice de cette souveraineté dans le contexte de la formation et du développement d'un ordre fiscal communautaire. Il s'agira souvent de préciser les règles de partage des compétences en matière de réglementation fiscale entre les organes communautaires et les autorités nationales. Il s'agira quelquefois d'indiquer dans quelle mesure cette souveraineté fiscale subit une certaine érosion du fait de l'intégration sous régionale) et subsidiairement de traiter des questions relatives à la souveraineté fiscale propre de l'UEMOA prise en tant qu'institution13(*). 16. Dans le cadre de notre étude, nous avons choisis, comme méthode de recherche, de procéder à l'analyse de certains des textes communautaires, et de les confronter à la réalité des pratiques administratives. Ceci non pas parce que ces textes sont les plus importants ou que les autres sont de moindre valeur, mais parce que nous estimons que c'est à travers ceux-ci que nous pourrons mieux appréhender la question objet de cette étude. Nous ferons également recours à la jurisprudence. Celle de la CJCE sera privilégiée d'abord parce que la jurisprudence de la CJ UEMOA s'inspire fortement de celle-ci, ensuite parce que sur nombres de points, il n'existe pas encore de jurisprudence de la CJ UEMOA. Enfin, les législations internes ainsi que les agissements de certaines administrations seront mis en rapport avec le droit communautaire selon qu'ils sont ou pas conformes à celui- ci. 17. Pratiquement pour traiter de notre thème, plusieurs démarches s'offraient à nous : Aborder le problème en traitant d'une part les questions liées à la souveraineté fiscale de l'Union et d'autre part celles relatives à la souveraineté fiscale des Etats. Une telle approche ne présente cependant pas beaucoup d'intérêts. L'Union n'étant pas un Etat, la souveraineté fiscale dont elle dispose de part le Traité est simplement destinée à lui conférer les ressources propres, nécessaires à son fonctionnement. Cette question ne présente donc pas beaucoup d'intérêts pour les administrations financières. Traiter la question de la souveraineté fiscale en analysant les différentes matières de la fiscalité selon que les règles communautaires régissent entièrement la matière ou se contentent de dicter des objectifs à atteindre tout en laissant aux Etats la liberté quand aux moyens. Cette seconde option n'a pas été retenue parce qu'elle ne permet pas d'aborder la question sur tous ses aspects. Nous avons alors choisi de subdiviser notre analyse selon que les règles en causes concernent des impôts directs ou indirects15(*). 18. Dans la partie consacrée aux impôts directs (Partie 1), nous rechercherons le mode de partage des compétences législatives entre les organes communautaires et les autorités nationales en matière de fiscalité de porte (Chapitre 1) et en matière de fiscalité indirectes intérieure (Chapitre 2). Pour ce qui de la partie consacrée à la fiscalité directe (Partie 2), nous verrons comment et dans quelles mesures, en l'absence de tout texte communautaire sur la fiscalité directe, la souveraineté fiscale des Etats membres est limitée et leurs législations fiscales soumises au contrôle de la CJ UEMOA (Chapitre 1). On pourra également examiner le programme d'harmonisation de la fiscalité directe et le partage de compétence entre l'Union et les Etats en matière de convention internationale (Chapitre 2).
* 1 Voyez M. Fourmann Emmanuel, Genèse de la monnaie unique. Séminaire sur l'élaboration du budget de l'Etat. ENAREF 1997 * 2 Le droit communautaire est le droit de l'intégration sous régionale. Elle est constituée du Traité (droit primaire), des actes prix par le conseil ou la commission (droit communautaire dérivé : règlements, directives, décisions, avis et recommandations) et du droit issu des accords externes conclus avec des Etats et des organisations tiers, complété par des accords interétatiques et par la jurisprudence de la cours de justice. * 3 Voyez COMBACAU et SERGE, Droit International Public. Paris 1997 P. 247 cité par Alexandre Maitrot de la Motte dans, souveraineté fiscale et construction communautaire P.27 * 4 Selon le professeur Berlin cité par Alexandre Maitrot de la Motte dans souveraineté fiscale et construction communautaire, P.33, la somme de ces souverainetés serait égale à la souveraineté tout court de l'Etat * 5 Voyez. Da Dakor. Cours Technique de Budgétaire. ENAREF cycle A * 6 Voyez. André Barilari, la question de l'autonomie fiscale. RFFP n° 80 P. 77 * 7 V. Alexandre Maitrot de la Motte, souveraineté fiscale et construction communautaire P.35 * 8 Selon Alexandre Maitrot de la Motte dans, souveraineté fiscale et construction communautaire, la souveraineté fiscale ne se confond pas exactement à la souveraineté politique. Ainsi, un Etat membre d'une fédération ou un Etat protégé peuvent exercer une souveraineté fiscale sans être politiquement souveraine. * 9 V. Guy GEST et Gilbert TIXIER, Droit fiscal international. Paris : presse universitaire de France, 1990 P. 16 cité par Alexandre Maitrot de la Motte dans, souveraineté fiscale et construction communautaire. * 10 Cette limitation à la faculté des organes Etatiques de légiférer est critiquable. Selon M. Chrétien «Un Etat ne peut vivre librement que s'il peut imposer librement » * 11 La CJCE a admis que les Etats puissent évoquer la nécessité de sauvegarder la cohérence de leur système fiscal (affaire Bachmann) l'efficacité des contrôles fiscaux (affaire cassis Dijon) pour justifier les atteîntes aux règles fiscales communautaires. V. Alexandre Maitrot la Motte dans, souveraineté fiscale et construction communautaire P. 123 * 12 L'Union n'étant pas un Etat fédéral, on voit difficilement comment il peut exister une confrontation entre la souveraineté de celle-ci et celle des Etats membres. L'article 9 du Traité, contenu dans le chapitre 1, consacré au statut juridique de l'Union, n'indique pas sa nature juridique. Mais, l'on peut néanmoins affirmer que l'UEMOA ressemble plus à une organisation internationale qu'à un Etat fédéral. * 13Selon les dispositions du Traité (article 55), l'Union dispose d'une certaine souveraineté fiscale, puisqu'elle fonctionne sur la base de ressources propres, provenant notamment du prélèvement communautaire de solidarité (PCS), c'est-à-dire, une fraction du produit du tarif extérieur commun (TEC), et éventuellement de la TVA communautaire14. L'Union perçoit directement ces taxes et peut, au besoin, et ce après consultation du parlement, introduire des taxes additionnelles
* 15 Selon F.M Sawadogo et S. Dembélé cette subdivision constitue la division majeure du droit fiscale. Voyez Précis de Droit fiscal burkinabé, P. 67 |
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