Réformes macroéconomique et intégration par le marché dans la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Michel Dieudonné MIGNAMISSI Université Yaoundé II - DEA 2008 |
SECTION 2. ... A LA NECESSITE DES REFORMES EN ZONE CEMACFragilisation généralisée des institutions, manque d'esprit communautaire, absence d'organes de contrôle et d'un cadre de concertation macroéconomique, monétaire, financière et bancaire, telle sont les signaux de l'échec de l'intégration en Zone CEMAC. Face à ce constat, une solution s'impose : les réformes initiées par les bailleurs de fonds multilatéraux. C'est ainsi qu'en décembre 1991, l'instance supérieure de l'UDEAC, à savoir le Conseil des Chefs d'Etats, décida à l'unanimité de donner une nouvelle impulsion au processus d'intégration sous-régionale. Le Gouverneur de la BEAC a été chargé de piloter le dossier. Les différentes expertises ont abouti à la création de la CEMAC, institution susceptible de transformer la coopération monétaire existante en une véritable UM et, d'autre part, la mise en cohérence des politiques macroéconomiques à travers la surveillance multilatérale des politiques budgétaires nationales (BEAC, 2005) 2.1. LES REFORMES MONETAIRES, BANCAIRES ET FINANCIERESL'intégration en Zone CEMAC est d'abord de nature monétaire et financière. C'est la raison pour laquelle le premier souci est l'assainissement de ces secteurs. Deux principaux temps forts ont marqué le processus des réformes. 2.1.1. La première vague des réformesElle a pour but principal le recentrage du rôle de la BEAC sur l'objectif de la politique monétaire, la modernisation du cadre et des procédures d'interventions de la BEAC. Cette vague met aussi l'accent sur la réforme du dispositif de supervision bancaire et la mise en oeuvre d'un programme de restructuration bancaire et enfin, l'adoption d'une réglementation commune des changes (BEAC, 2005). Avant les réformes, l'environnement monétaire de la CEMAC n'est certes pas parmi les meilleurs, car les grands principaux équilibres macro-monétaires ont du mal à être respectés. C'est ainsi que l'indicateur de couverture extérieure de la monnaie passe drastiquement de 57% en 1985 à 15% en 1993 (BEAC, 2002 ; Avom et Eyeffa, op. cit.). Ces déviances constatées appellent automatiquement la réforme de la politique monétaire qui prend une optique d'inspiration libérale. C'est ainsi qu'en juillet 1991, la programmation monétaire (nationale)25(*) est adoptée dans chaque Etat membre comme cadre de définition de la politique monétaire. Sept ans plus tard (1998), les missions de la BEAC sont clairement définies. Cette première génération de réformes a aussi été ponctuée en juillet 1994 par la création d'un marché monétaire sous-régional26(*). Après ces réformes successives, la stratégie de politique monétaire est plus complète et lisible. Il existe désormais un cadre de formulation à travers la programmation monétaire, un objectif final de politique monétaire clairement défini dans les statuts de 1998 (stabilité monétaire). En plus, deux objectifs intermédiaires ont été retenus (crédits à l'économie et masse monétaire - M2). En outre, la BEAC dispose de trois instruments indirects pour ses interventions (refinancement à travers le marché monétaire, taux d'intérêt et réserves obligatoires). Le système bancaire de la CEMAC quant à lui est chaotique jusqu'au début des années 90. En effet, sur une quarantaine de banques que comptait la zone, neuf avaient cessé leurs activités et sur celles restant en activité, une seule respectait l'ensemble des normes réglementaires en vigueur ; quatorze avaient des équilibres précaires et seize étaient totalement insolvables. Ce constat a rapidement appelé les pays de la CEMAC à l'assainissement de leurs systèmes bancaires et à se doter d'un dispositif de contrôle. La restructuration s'est opérée en deux phases : la première concerne des mesures isolées au sein du système bancaire et a généralement abouti à un résultat peu concluant. La seconde phase implique toute la structure macroéconomique dans le processus, car une véritable restructuration ne doit plus être une action parcellaire ou isolée (COBAC, 2002). Elle vise globalement l'arrimage aux nouvelles règles mondiales définies (Bâle II), l'homogénéisation des règlementations bancaires des différents pays, la minimisation du poids des Etats, la facilitation de la sous-régionalisation des banques, le regain des activités de la microfinance (BEAC, 2005). Ainsi, après ces réformes, la sphère bancaire bénéficie globalement d'une instance de contrôle : la Commission Bancaire d'Afrique Centrale (COBAC). Elle va ainsi permette à la BEAC d'entamer une marche vers son indépendance tout en crédibilisant sa politique monétaire vis-à-vis du marché et de la communauté internationale. Des améliorations sont sensibles. Prenant un cas simple de comparaison statutaire entre 1972 et 1998, on note une évolution remarquable en ce qui concerne la marge d'autonomie des Autorités monétaires dans la mise en oeuvre de la politique monétaire (Avom, 2006). Par délégation du Conseil d'Administration, le Gouverneur a le pouvoir de manipuler les taux d'intérêt pour répondre à l'objectif de stabilité monétaire. En contrepartie, la BEAC a l'obligation de rendre compte de son activité et des décisions de politique monétaire. En outre, ces réformes ont permis de définir des normes de gestion conformes aux standards internationaux, d'instituer un agrément unique pour les établissements de crédit désirant s'implanter dans plusieurs pays. Enfin, elles ont facilité une réglementation sous-régionale adaptée aux institutions de microfinance et permis de mener à bien les restructurations. Après ces réformes, tous les pays ont connu une embellie significative en ce qui concerne leur tissu bancaire (BEAC, 2005)27(*), avec des améliorations des bilans (graphique 2). C'est ainsi que l'indicateur de liquidité dans tous les pays est en moyenne supérieure à 100% (surliquidité)28(*) sur la période 1993-2003 (CEA, 2006 ; Avom et Eyeffa, op. cit.).
En ce qui concerne l'harmonisation de la réglementation des changes de la CEMAC, elle a été adoptée le 29 avril 2002 par le Comité Ministériel de l'UMAC. Elle vient renforcer le dispositif de la monnaie commune et concourt au développement des transactions financières des Etats membres avec l'extérieur. Le but visé par cette réglementation est de lever toutes les restrictions aux paiements courants, conformément aux dispositions des Statuts du FMI et aux engagements auxquels les Etats de la CEMAC ont tous adhéré. Bien que la Réglementation Harmonisée des Changes relève de la tutelle du Ministère chargé des Finances dans chaque pays, le rôle de la BEAC a été renforcé en ce qui concerne certaines dispositions, notamment le rapatriement des recettes d'exportation. Pour préparer et/ou favoriser davantage l'intégration, les pays envisagent des mécanismes sains et concurrentiels de financement des économies. Et c'est sous la deuxième génération des réformes que ce chantier est entrepris. * 25 Mise en place en septembre 1991 au Cameroun et en janvier 1992 dans les autres pays de la CEMAC, elle a pour but de répondre aux critiques formulées à l'encontre de l'ancien système, en vigueur jusqu'au début des années 90, des plafonds globaux de refinancement des banques commerciales. Cette méthode, qui permettait de déterminer le montant maximum d'intervention de la Banque Centrale à partir des prévisions de déficits des banques après confrontation de leurs emplois et ressources s'est en effet avérée limitée et inopérante, particulièrement dans le contexte de crise. La démarche de la programmation monétaire est essentiellement macroéconomique ; l'exercice s'articule généralement en deux temps, à savoir : tout d'abord l'établissement des prévisions des agrégats économiques et financiers et, ensuite la détermination des objectifs monétaires et de crédit. Source : www.izf.net/IZF/FicheIdentite/Complements/Beac1.htm. * 26 Ce marché comprend un compartiment interbancaire impliquant les banques de réseaux et de pays différents. En plus il faut ajouter l'abandon du contrôle direct du crédit au profit d'instruments indirects qui agissent sur la liquidité bancaire (BEAC, 2005). * 27 Le bilan est appréciable. Ainsi lorsque la COBAC entre en activité, 1 seule banque respectait l'ensemble des nouvelles normes prudentielles et 16 étaient dans une situation critique. Au terme de la première phase, on ne comptait plus que 28 banques en activité, dont 10 seulement présentaient une situation financière relativement bonne. La situation en 2002 montre que sur un peu plus de 30 banques en activité, 20 présentaient une situation relativement saine et 2 seulement étaient dans une situation critique (COBAC, 2002). * 28 Cette surliquidité peut aussi se justifier par la stagnation de l'épargne, qui n'est pas transformée en investissement ou en emplois longs. |
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