INTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE
La Zone CEMAC comme d'ailleurs toute la Zone Franc africaine
est caractérisée de zone atypique, car elle n'obéit
à aucune logique théorique dans sa formation ou son
évolution. C'est ainsi que l'Union Monétaire a été
lancée depuis la décennie 30, alors que l'UDEAC ne s'est
formée qu'en 1964. Cette caractéristique peut être à
l'origine des résultats paradoxaux rencontrés dans cette
communauté.
Mais en plus, le faible niveau de commerce observé
entre les pays pourrait s'expliquer par la structure productive et donc le
potentiel commercial intra-zone. Ainsi cinq pays sur six de la
sous-région sont spécialisés dans les produits primaires
ou de base et sont essentiellement des mono-producteurs (de pétrole).
Cette caractéristique pose ainsi le problème de la
spécialisation, qui selon la littérature économique est
due soit aux dotations factorielles, soit aux avantages comparatifs.
L'objectif de la deuxième partie de ce travail est de
tester si la suppression de l'effet frontière monétaire,
héritée des réformes, a conduit à une augmentation
des échanges ou plutôt à une spécialisation des
pays. Ce questionnement sera éclaté en deux chapitres qui vont
meubler cette deuxième partie du travail.
CHAPITRE 3. LA SUPPRESSION DE L'EFFET FRONTIERE MONETAIRE
ENCOURAGE-T-ELLE LE COMMERCE DANS LA CEMAC ?
Selon la doctrine dichotomique classique du
XVIIème s, l'économie est composée de deux
sphères : la sphère réelle et la sphère
monétaire, la dichotomie ici voulant dire qu'il n'y a pas de lien entre
les deux. Mais l'approche intégrative de Keynes des années 30
viendra radicalement rompre avec cette vision : les deux sphères
s'influencent mutuellement.
Loin de ce débat purement doctrinal, il existe
aujourd'hui d'autres problématiques, mais ce travail privilégie
celle du lien entre la monnaie et les flux commerciaux. C'est dans cette veine
que Rose (2000) s'inscrit en débouchant sur un résultat
important, à savoir l'impact positif et significatif de la monnaie
unique sur le commerce. Plusieurs études ont confirmé ce
résultat dans certaines UM, mais très peu, à la
connaissance actuelle, se sont intéressées au cas de la CEMAC, en
dehors de Carrere (2002) et d'Avom (2005).
Ce chapitre, qui examine la question de l'existence ou non
d'un effet frontière monétaire et de son impact sur le commerce
des pays de la CEMAC, débouche sur quelques résultats empiriques.
Ainsi, dans la compréhension de cette problématique, il convient
au préalable de faire un aperçu sur les théories du
commerce international et des ZMO.
SECTION 1. JUSTIFICATION THEORIQUE DU LIEN ENTRE MONNAIE ET
COMMERCE
L'orientation géographique des exportations des pays de
la CEMAC vers leurs principaux partenaires révèle que ces pays
sont essentiellement extravertis. Prenant le cas du Cameroun, locomotive du
commerce dans la sous-région, il ressort que l'orientation de ses
exportations vers l'Afrique centrale occupe une place négligeable
à son total mondial. Ainsi de 2003 à 2005, la part du commerce
intra-zone, calculée comme le ratio de la somme des importations et des
exportations de l'Afrique centrale au total mondial, dévoile un trend
décroissant : 4,94% en 2003 ; 4,28% en 2004 et 3,87% en
2005.
Cette situation est en majeure partie expliquée par un
détournement des exportations intra-zone qui sont continuellement
décroissantes, plus que proportionnellement à la création
des courants d'importations, qui augmentent. Ces différentes
informations sont synthétisées dans le tableau ci-dessous.
Tableau 2 : Orientation
géographique des échanges du Cameroun (millions de
FCFA)
|
Zones
Géographiques
|
2003
|
2004
|
2005
|
Exports
|
Imports
|
Exports
|
Imports
|
Exports
|
Imports
|
Europe
|
839 697
|
657 642
|
870 572
|
665 455
|
1 080 101
|
590 149
|
Afrique Centrale
|
111 606
|
15 370
|
82 639
|
29 744
|
69 900
|
47 650
|
Afrique
|
189 373
|
211 604
|
158 425
|
284 881
|
211 113
|
521 558
|
Amérique
|
116 858
|
94 475
|
79 747
|
112 453
|
61 212
|
139 691
|
Asie
|
134 648
|
195 025
|
107 352
|
236 962
|
96 872
|
250 807
|
Océanie
|
197
|
1 301
|
147
|
879
|
322
|
1 548
|
Total général
|
1 318 157
|
1 251 561
|
1 256 789
|
1 365 047
|
1 509 215
|
1 524 464
|
Source : Construit par
l'auteur à partir des données du MINCOM, 2007.
|
Sur un autre plan, l'évolution du total des
exportations intra-communautaires dévoile un trend faiblement croissant
au cours du temps (graphique 6a). Il est en outre pertinent de
constater qu'une large part de ces exportations (environ 70%) revient au
Cameroun (graphique 6b).
Graphique 6 : Evolution du total et
moyenne (%) par pays des exportations intra-CEMAC (1994-2003)
|
|
|
Source : Construit par
l'auteur à partir de CEA, 2006.
|
Après ce bref dialogue intuitif avec les chiffres, il
va s'agir d'adopter une logique empirique beaucoup plus rigoureuse. Mais avant
d'y parvenir, il s'avère opportun de faire un détour
théorique du lien entre monnaie et commerce. Ceci passe tout d'abord par
une revue critique et éclectique des différentes théories
du commerce international et enfin par la présentation de nouveaux
facteurs explicatifs du commerce.
1.1.
APERCU SUR LES THEORIES DU COMMERCE INTERNATIONAL
Le commerce international a été depuis longtemps
expliqué par de nombreux déterminants, mais le rôle de la
monnaie (unique) a été relégué au second plan ou
oublié. Mais avant de passer à la justification théorique
de la monnaie (unique), il convient au préalable de rappeler
l'évolution théorique de la littérature sur le commerce
international.
|