La problématique du contrôle de l'Etat sur les collectivités territoriales décentralisées au regard de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996( Télécharger le fichier original )par John Richard KEUDJEU DE KEUDJEU Université de Douala Cameroun - DEA 2008 |
Paragraphe 3 : Une gestion autonome
Indépendants du pouvoir central pour ce qui concerne leur existence, les organes locaux doivent bénéficier d'une réelle autonomie dans l'exercice de leurs fonctions (B) Cette indépendance fonctionnelle n'est que la conséquence de la personnalité juridique reconnue aux collectivités territoriales décentralisées (A)
A) La personnalité juridique reconnue aux collectivités territoriales décentralisées La personnalité juridique s'entend d'un ensemble de droit et d'obligations d'une part et d'autre part de la faculté de celui qui les possède de les faire valoir dans le commerce juridique pour la défense de ses intérêts78(*). La personne morale quant à elle est un groupement de personnes ou de biens ayant la personnalité juridique et par conséquent, titulaire de droit et d'obligations79(*).Or les collectivités territoriales étant des personnes morales, elles peuvent accomplir tous les actes résultants de cette existence propre, disposer d'un patrimoine et engager leurs responsabilités. C'est de cette interpénétration entre personnalité juridique et personnalité morale que la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 dispose en son article 55 alinéa 2 que « les collectivités territoriales décentralisées sont des personnes morales de droit public [...] » ; sinon à quoi servirait-il de consacrer la libre administration des collectivités locales c'est-à-dire qu'elles aient des compétences et des ressources propres, si elles ne disposaient pas de la faculté de prendre les décisions qui les engagent et d'agir en justice afin de défendre leurs intérêts. Ainsi, même si la loi constitutionnelle ne fait mention de la personnalité juridique, l'on en déduit avec M. Bernard-Raymond GUIMDO que la collectivité territoriale décentralisée est nécessairement une personne juridique80(*). L'autonomie fonctionnelle reconnue aux collectivités locales, n'est en effet que la conséquence de cette personnalité juridique. B) L'autonomie fonctionnelle des collectivités territoriales décentralisées
« Il y a décentralisation rappelle le Pr. EISENMANN, si et lorsque les autorités administratives locales ont le pouvoir de prendre des décisions, poser des normes de leur seule volonté et librement »81(*). Certes, les collectivités territoriales camerounaises jouissent d'une autonomie administrative et financière82(*). Mais, dans le cadre d'un Etat unitaire, cette liberté n'est jamais totale, même lorsque les organes locaux bénéficient d'une compétence discrétionnaire. Elle s'inscrit nécessairement, comme pour toute autorité administrative, dans le respect du principe de la légalité Dans cette lancée, le conseil constitutionnel français, a dans une décision du 25 février 1982 explicitement rappelé que « le principe de légalité exige à la fois le respect des attributions du législateur et celui des règles supérieurs de droit par lesquelles la constitution adoptée par le peuple [...] a proclamé l'indivisibilité de la République, affirmé l'intégrité du territoire et fixé l'organisation des pouvoirs publics. De même, le fait que les collectivités disposent d'une autonomie administrative, sous entend qu'elles doivent avoir une administration et un personnel propre pour gérer les intérêts locaux »83(*). L'octroi aux collectivités de la personnalité juridique entraîne l'autonomie financière, sans laquelle, fautes de ressources propres et de toute possibilité d'action, il n'est pas question qu'elles puissent gérer leurs affaires84(*). L'autonomie financière s'analyse par la capacité des collectivités territoriales à générer des ressources nécessaires au financement de leur politique de développement. Cette autonomie s'accommode de transferts financiers de l'Etat (dotations de décentralisation, subventions, fonds de concours divers)85(*). Bien que les collectivités locales bénéficient de dotations de la part de l'Etat, l'autonomie doit se manifester par l'exercice d'une compétence fiscale et d'un pouvoir budgétaire au niveau local. Ce qui implique l'existence d'un impôt local et d'un pouvoir de décision fiscal local86(*) dont la conséquence est que les prélèvements ne soient pas opérés par l'Etat sur les ressources fiscales locales. L'efficacité de cette autonomie est subordonnée à la détention de moyens propres de financement suffisant. D'où, la nécessité d'une réforme fiscale adéquate. * 78 GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), (dir.), Lexique des termes juridiques, 13e éd, Paris, Dalloz, 2001, p.413 * 79 Ibid * 80 GUIMDO D. (B.-R), « Constitution et décentralisation depuis la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 », op.cit, p. 210 * 81 BAGUENARD (J.), La décentralisation, op.cit, p.56 * 82 Art. 55 al.2, Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 * 83 GUIMDO D. (B.-R), « Constitution et décentralisation depuis la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 », op.cit, p.211 * 84 RIVERO (J.) et WALINE (J.), Droit administratif, 18ème éd, Paris, Dalloz, 2000, p.311 * 85 Art. 26 al. 2 et 56 al. 2, Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 et art. 7, Loi n°2004-17 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation. * 86 COURSON (Ch. De), « Autonomie financière des collectivités locales : La voie étroite », in Commentaire, N° 100, Hiver 2002-2003, Pp 885-887 |
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