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Problématique de la gestion des terres par les collectivités locales au MALI: cas de la commune de Bougouni

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par Ibrahim Boubacar SOW
Université Gaston Berger de Saint Louis- Sénégal - DEA Droit de la Décentralisation et de la Gestion des Collectivités Locales 2008
  

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Section 2 : La réalité du conflit des normes.

La mise en place d'un texte régissant le code domanial et foncier prenant en compte les domaines d'intervention des collectivités locales est une avancée importante dans la politique de décentralisation. A travers les exposés précédemment annoncés, il se trouve que le droit des collectivités entre en contradiction avec le droit coutumier, ce qui nous permet de dégager la difficile coexistence entre ces deux normes (Paragraphe1) mais aussi de dégager les effets de ces conflits (Paragraphe2).

Paragraphe 1 : Coexistence difficile entre le droit positif et le droit coutumier.

Le Mali, de son accession à l'indépendance a fait l'inventaire de ces textes applicables en matière domaniale et foncière laissant apparaitre du coup la législation d'origine coloniale. La multiplicité et l'enchevêtrement des textes hérités de la période coloniale étaient tels que personne, à part quelques fonctionnaires des domaines n'avait la capacité de faire un état correct de la législation.

En Côte d'Ivoire, malgré cette reconnaissance du droit coutumier par la loi du 30 décembre 1998, on constate une contradiction entre les objectifs de cette législation à savoir, la reconnaissance du droit coutumier, et son immatriculation qui marque une rupture avec cette même notion coutumière. Cette nouvelle forme d'immatriculation marque une coexistence difficile entre le droit moderne et le droit traditionnel dit coutumier.

Cette nouvelle législation a soulevé pas mal de réaction notamment, le doyen Degni-Ségui qui estime que« la coexistence dans le cadre d'une même nation, dans un même Etat de deux(2) ordres juridiques en situation conflictuelle permanente, n'est pas de nature à favoriser le développement escompté»66(*). L'entendement du terme « immatriculation » donne lieu à des procédures administrative et judiciaire visant à assurer les droits fonciers et à déterminer leurs titulaires. De ce fait, il en résulte qu'on assiste en Côte d'Ivoire à la suppression du droit coutumier. Ainsi, les terres qui seront immatriculées se verront dispensées de l'exercice du droit coutumier.

C'est aussi le cas du Sénégal ou la nature juridique du domaine national pose de véritable problème d'une part à la multiplicité des textes et à leur défaut d'harmonisation, et d'autre part, en son art 2 selon lequel « l'Etat détient les terres du domaine national en vue d'assurer leur utilisation et leur mise en valeur rationnelles, conformément aux plans de développement et aux programmes d'aménagement ». Le terme « détention » pose problème en ce sens que la doctrine parait partager sur la notion. On en déduira l'imprécision de la nature des terres du domaine national.

Dans le ressort des communautés rurales au Sénégal, la loi sur le domaine national pose des difficultés aussi quant à la notion de mise en valeur, ces modalités ne sont pas définies de façon précise et applicable. L'encadrement par les conseils ruraux dans l'exercice de ses pouvoirs d'affectation et de désaffectation fait défaut. Ce vide juridique est l'une des sources de corruption qui se développe à propos de la terre et une des causes du conflit foncier.

La résistance et la réticence de la population à l'égard de la loi est perçue comme une dépossession et une remise en cause de leur tradition. Ces attitudes ont entrainé le développement de comportement d'accommodation et de contournement de la loi par les populations, l'acceptation par l'administration et les élus locaux d'interprétation et de pratiques pas toujours conformes à l'esprit et parfois à la lettre de la loi. A partir des anciennes législations, le Mali aussi dispose aujourd'hui la loi n° 02-008 du 12 Février 2002 qui est beaucoup plus pratique mais mérite quelques modifications.

Pour réussir la décentralisation au Mali, le besoin de régler la question foncière s'impose, cela est une condition impérative du développement national en général et local en particulier. Pour cela divers instruments juridiques ont été élaborés régissant le foncier (textes législatifs) et des textes réglementaires en la matière. A travers l'exposé de ces différentes législations, on constate aussi bien, que les C.L et l'Etat n'ont pas de domaine d'intervention qui leurs sont propre. Selon l'esprit de ces dispositions, pour que la collectivité ait un domaine de compétence propre, il faut obligatoirement que celui-ci soit cédé ou affecté par l'Etat. Cette situation nous pousse à soutenir qu'on ne doit plus parler de domaine propre des collectivités que les textes régissant le foncier utilisent. Les collectivités sont confrontées à des limites juridiquement établies, ce qui constituent une source d'inapplicabilité quand on sait que les éléments du domaine public naturel, du domaine public artificiel et du domaine public des collectivités décentralisées constituent des aspects d'une importance capitale surtout pour les questions foncières et de ressources naturelles renouvelables.

Concernant le domaine privé, l'esprit de la loi stipule que les terres pouvant être cédées aux collectivités doivent au préalable faire l'objet d'une immatriculation d'une part, et d'autre part les terres non immatriculées peuvent faire l'objet d'une affectation ou être cédées par l'Etat aux collectivités territoriales dans la mesure si elles sont situées dans les limites des collectivités territoriales. Dans la pratique, le découpage territorial ne fixe pas les limites des collectivités, alors que le domaine de compétence de la commune de Bougouni demeure là encore imprécis. Compte tenu de ces aspects qui constituent des difficultés de gestion du foncier pour les collectivités, on dira que le partage de compétences entre l'Etat et les collectivités locales, à travers les textes de la décentralisation nécessite une réflexion sûre pour mieux édifier les rôles et les responsabilités au niveau local entre les nouvelles entités (communes) et les entités villageoises qui exercent jusqu'à présent des responsabilités de gestion foncière.

En matière de gestion foncière, le droit positif malien a connu une reconnaissance progressive des droits coutumiers non seulement en droit d'usage mais aussi en droit de gestion, collectifs ou individuels, permettant la reconnaissance de différentes combinaisons de la maîtrise foncière.

La flexibilité de ce droit (coutumier) semble s'imposer au droit positif essentiellement, par la gestion participative des ressources foncières. L'élément le plus important de la reforme foncière est celle de la reconnaissance des droits fonciers coutumiers des populations locales. Par cette reconnaissance et technique de compréhension, les populations locales donnent la légitimité à justifier leurs droits en prenant comme référence le droit coutumier normatif, même si, dans le contexte actuel, la coutume présente un pluralisme normatif et institutionnel combinant les registres coutumier et moderne. L'officialisation de cette reconnaissance du droit coutumier est confortée par le recours aux arguments ou justifications qui reposent sur les droits et pratiques coutumières. A Bougouni, le droit foncier le plus courant est le droit de propriété, le droit de gestion et le droit d'accès au foncier.

A l'époque précoloniale, l'acquisition de la propriété foncière se faisait à la suite des conquêtes guerrières entre les chefferies villageoises. Le chef de terre est le descendant en ligne de compte patrilinéaire de ces sociétés. Il s'agit de l'ancêtre qui a été le premier à occuper les terres après y avoir marqué sa présence par des activités comme l'agriculture; la chasse; extraction de minerai...

Le droit de propriété prend effet à partir de l'installation du premier arrivant qui est supposé inaliénable. Des raisons diverses peuvent pousser le premier arrivant à céder une partie de ses terres au chef lieu d'un groupe arrivé après lui.

Le droit de gestion procède à une délégation de l'autorité du chef de terre au profit d'un tiers qui confie la gestion d'une partie du patrimoine foncier de son lignage. Cette mode de gestion très fréquente dans la commune de Bougouni peut être cernée sous deux formes de conventions à savoir : le prêt et la vente des terres.

Le prêt est un système à travers lequel le propriétaire d'une terre ou d'un domaine met à la disposition d'un tiers une partie ou la totalité de sa propriété pour en tirer profit avant que le besoin s'impose. Ainsi, le bénéficiaire de ce droit de gestion exerce comme le propriétaire de la terre les mêmes fonctions de gestion, notamment sur la portion de la terre qui lui a été attribuée. Le droit de gestion qu'exerce le bénéficiaire est différent du droit de propriété en ce sens qu'il est tenu de rendre compte de sa gestion au propriétaire. A travers une convention de prêt, le bénéficiaire jouit de la ressource foncière qu'il a sollicitée et obtenue auprès d'un détenteur le droit de propriété ou d'un débiteur le droit de gestion. Cette jouissance des terres implique en contre partie le respect de certaines clauses auprès duquel l'on a obtenu le droit. Ces clauses peuvent être sociales ou foncières.

En ce qui concerne les « clauses sociales » par rapport au prêt, elles sont de natures relationnelles, elles prescrivent très peu les lignes de conduite que le bénéficiaire doit avoir envers son chef de terre et octroie plutôt une grande marge au respect des valeurs et des normes et de la bienséance locale.

A la différence des « clauses sociales », les « clauses foncières » sont prescriptives : c'est un système à travers lequel, le chef de terre attend du bénéficiaire des gestes en nature, en numéraire ou en industrie. En cas de refus du bénéficiaire de réagir face à cette situation, il peut engendrer dès fois des conflits fonciers.

En sommes, les principales conventions sous la forme des prêts peuvent être considérées comme des accords institués entre les individus ou les groupes d'individus à propos de l'usage du foncier et de son contrôle dans la commune de Bougouni, peu importe que ces accords soient consignés ou non sous forme écrite.

Dans la gestion et des pratiques foncières, la vente des terres entre en ligne de compte des conventions dites coutumières. Ces genres de conventions se prescrivent sur un document non moins important qui sera visé par les parties et témoins à la vente en plus du témoin du chef du village de la localité. Ces conventions demeurent des pratiques informelles car n'étant pas reconnues officiellement de même que les conventions coutumières ou l'acheteur de parcelle donne en guise de prix quelques colas au chef de terre. Les règles de la convention foncière coutumière demeurent prédominantes, malgré les nombreuses réglementations modernes ou étatiques mise en oeuvre à travers les politiques de développement et de reforme foncière foncières. Ces règles peuvent être évoquées par des individus pour structurer leurs raisonnements lors de la réglementation des conflits fonciers.

Dans la commune rurale de Kola, le chef de village est le gestionnaire du terroir villageois conformément à la réglementation coutumière. Il est considéré aussi comme le doyen de la première famille accueillie par le fondateur et ayant conclu un pacte avec lui. Sa désignation se fait sur consentement du chef de culte, la gestion coutumière revient à lui et prend des décisions en s'appuyant sur des compétences du chef de culte.

En définitive, on retiendra que la décentralisation n'est pas à priori en contradiction avec les systèmes fonciers ruraux existants puisque ceux-ci sont locaux. La reconnaissance de ces droits coutumiers par les textes de la décentralisation, en particulier par l'article 43 du code domanial et foncier n'a pas une grande consistance.

Ce cas reflète une affaire qui concerne d'une part les autorités coutumière de la commune de Bougouni (Diakité) et le comité APE.

* 66 Degni-Ségui : « Le diagnostic du droit foncier rural », Etudes et documents du CIREJ, n°1, avril 1987, page 102.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery