II-1-2- Quelques observations sur la carte sociale du
Burkina
Les informations de la carte sociale du Burkina nous
permettent de faire six remarques sur la population burkinabé. Ces six
observations constituent des facteurs qui influent à court et long terme
sur la paix et la cohésion sociale
Quelle législation foncière comme outil de
cohésion sociale et de développement économique,
adaptée aux réalités socio - culturelles du Burkina ?
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widap7@yahoo.fr
1) - Le Burkina Faso compte une soixantaine de groupes
ethnolinguistiques et donc au moins autant de diversités
coutumières, établies dans plusieurs centaines de villages. Si
l'Etat du Burkina Faso n'était pas constitué, l'espace qui le
compose serait administré par au moins autant de lois foncières
coutumières et chaque burkinabè serait toujours étranger
quelque part dans cet espace.
2) - 46,8% de la population totale, soit environ six millions
quatre cent vingt cinq mille sept cent soixante (6.425.760) personnes ont tout
au plus quatorze (14) ans et n'ont donc pas l'âge minimum requis pour
postuler à la possession d'un terrain. En effet, l'âge minimum
requis par la RAF pour être attributaire d'une parcelle est de quinze
ans1. Cette portion passe à plus de la moitié de la
population totale si l'on considère l'âge de la majorité
juridique c'est-à-dire dix-huit (18) ans.
3) - Sur environ quatorze millions de personnes que compte le
Burkina, près de onze millions vivent en milieu rural. Selon les
informations recueillies à l'INSD, sur cinq (5) burkinabé, quatre
(4) vivent en milieu rural.
4) - L'immense majorité de la population active tire
ses revenus de la terre.
5) - Plus de la moitié de la population est
composée de personnes vulnérables et défavorisées
par la gestion foncière de l'autorité coutumière : il
s'agit des femmes et des enfants.
6)- Une forte portion de la population
burkinabé est immigrante et participe faiblement à la demande en
terre au niveau national. Mais y a néanmoins droit, au même titre
que la population résidente.
II - 2 - ELEMENTS CONCEPTUELS D'UNE LA LEGISLATION FONCIERE,
OUTIL DE COHESION SOCIALE
Ainsi que nous le rappelions dans le premier chapitre de cette
partie, la loi doit être un phénomène social afin que les
populations se l'approprient. C'est la condition sine qua non pour la rendre
légitime. C'est la condition primaire pour rendre la loi vraiment
applicable. C'est enfin de cette condition que découlent la
légitimité et la sécurité des droits des individus.
Nous reviendrons sur ce dernier point dans le troisième chapitre de
cette partie.
1 Décret n° 97-054/PRES/PM/MEF portant
application de la RAF, Article 155.
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La législation foncière ne peut être
vraiment au service de la cohésion sociale si la population
dépendante de la terre qu'elle régit ne se sent pas
protégée et prise en compte dans ses dispositions. La
législation foncière burkinabè doit donc tenir compte de
la configuration sociale du pays. Elle doit permettre l'égal
accès à la terre, en vertu de l'article 1 de la Constitution du
Burkina qui garantit à tous, l'égalité des droits devant
la loi. Pour ce faire elle doit répondre à huit (8) aspirations
qui nous paraissent essentielles :
1) - Au regard de la diversité de la configuration
ethnolinguistique du Burkina, la législation foncière doit tenir
compte des règles foncières coutumières mais ne doit
jamais leur laisser la prédominance sur la loi nationale. A
défaut, la cohésion sociale serait fracturée. Force doit
donc rester à la loi nationale et à l'Etat qui constitue le
garant de l'unité de la nation. La reconnaissance de la nature
collective et non individuelle du droit de propriété coutumier et
son mode de transmission permettrait de maintenir la cohésion sociale de
la nation dont l'Etat constitue le garant.
2) - La population burkinabè est essentiellement
jeune. La législation foncière doit protéger les droits de
cette frange de la société. Elle doit donc préserver la
terre pour cette population jeune ainsi que pour les générations
futures. La loi et la coutume accordent au Burkina des droits similaires sur la
terre. La législation foncière doit donc être l'expression
de cette réalité. Le caractère absolu du droit de
propriété qui pouvait constituer le point de divergence entre les
deux législations foncières n'en constitue pas puisque la
propriété selon la loi burkinabè ne confère pas
l'abusus indéfiniment. La détention du droit de
propriété par l'Etat constitue la meilleure garantie de la
préservation des droits des générations futures.
3)- L'article 155 du décret
97-054/PRES/PM portant modalités d'application de la RAF permet aux
autochtones âgés de quinze (15) ans et résidant dans les
villages englobés par les lotissements de postuler à
l'attribution d'une parcelle. Le délai de mise en valeur étant de
cinq (5) ans (article 159 du décret précité),
l'administration est fondée à retirer ces parcelles lorsque les
autochtones ayant bénéficié de cette disposition
dépasseront l'âge de vingt (20) ans. Combien de jeunes
burkinabè sont à mesure de mettre une parcelle en valeur à
cet âge ? Cette disposition, au lieu de préserver le droit de la
jeunesse d'accéder à la terre, la fragilise au contraire et fait
de ces jeunes des instruments de spéculation foncière aux mains
des adultes qui utilisent leurs noms pour les attributions des parcelles
destinées à être revendues
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plus tard. Pour éviter cela, l'âge requis pour
postuler à une attribution doit être de vingt (20) ans pour
tous.
4)- Quatre burkinabé sur cinq, vit en milieu rural. La
loi doit disposer pour cette frange de la société en l'aidant
à accéder à la terre. La reconnaissance de l'existence des
droits fonciers coutumiers permettrait de sécuriser les droits
déjà existants de cette frange de la population.
5)- L'immense majorité des burkinabé tire ses
revenus de la terre. La loi doit sécuriser les droits de cette frange de
la société. La reconnaissance des droits d'usage coutumiers et le
fait de leur conférer des effets similaires à ceux des droits
démembrés du droit de propriété civiliste
contribueraient à sécuriser les droits des populations
rurales.
6)- Plus de la moitié de la population est
constituée de femmes et de jeunes qui sont considérés
comme vulnérables au regard de la précarité de leurs
conditions de vie. La loi doit protéger cette frange de la
société et résoudre sa vulnérabilité en
l'aidant à accéder à la terre au même titre que les
couches non vulnérables. La législation foncière pourrait
s'appuyer au départ, sur l'existant en milieu rural. Dans ce cas, elle
pourrait commencer par favoriser l'accès des jeunes et des femmes
organisés en association car des milliers d'associations existent en
ville et en campagne et sont pleinement intégrées à la vie
communautaire. Ensuite les attributions individuelles pourraient suivre.
7)- Une importante portion de burkinabé vit hors du
pays. Selon l'article 13 de la déclaration universelle des droits de
l'homme « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le
sien, et de revenir dans son pays. » La législation foncière
doit donc tenir compte de la frange importante de burkinabè vivant hors
du pays. Elle doit pour ce faire veiller à décourager la
spéculation foncière et accorder des droits ne remettant pas en
cause l'accès à la terre des burkinabé vivant à
l'étranger, en conformité avec les dispositions de l'article
précité.
8)- La majorité de la population burkinabè n'a
pas un niveau d'éducation lui permettant de lire et comprendre les
dispositions législatives. Selon les statistiques de l'INSD, 74,3% de la
population n'est pas alphabétisée. Cette portion passe à
plus de 85% si l'on considère les personnes qui n'ont pas le niveau
3° de l'enseignement scolaire. C'est cette population qui tire le plus sa
subsistance d'activités liées à la terre et qui a besoin
de comprendre ses droits et devoirs tels que définis par la loi. La
législation foncière gagnerait a être
élaborée (ne serait-ce qu'en ses dispositions les
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plus usuelles) en langues nationales afin que cette population
se l'approprie et soit à mesure de défendre ses droits face
à ceux qui voudraient les spolier. Car si elle n'occupe pas la place qui
peut lui revenir dans les esprits de l'ensemble de la population, la
législation foncière règlementaire laissera à la
coutume cet espace qui est pourtant celui qu'il convient de conquérir en
premier.
Sur la base de la carte sociale du Burkina que nous venons de
dresser et en fonction des facteurs déterminants de la paix et de la
cohésion sociale, nous essayerons de définir le statut juridique
de la terre.
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