Foncier en Afrique : quelle législation foncière comme outil de cohésion sociale et de développement économique ?( Télécharger le fichier original )par W. Paul DABONE Ecole Nationale des Régies Financières du Burkina - Inspecteur des Impôts 2008 |
SECTION 3 : LES INSUFFISANCES DE LA PNSFMRLa PNSFMR comporte de notre point de vue, certaines insuffisances. Nous en énumérerons quelques unes, qui nous semblent les plus importantes. I - L'INADEQUATION ENTRE LA VOLONTE POLITIQUE ET LA PORTEE DE LA PNSFMR Ainsi que nous le précisions tantôt, l'objectif global de la PNSFMR est « d'assurer à l'ensemble des acteurs ruraux, l'accès équitable au foncier et la garantie de leurs investissements 1». La PNSFMR vise donc à protéger tous les acteurs du milieu rural contre tout trouble de jouissance de leur droit. La première insuffisance réside dans la spécificité du secteur que la volonté politique voudrait règlementer au regard de la portée de la PNSFMR et apparaît dans les notions d'acteurs et de milieux ruraux. En effet, la notion `'d'acteurs ruraux» peut être comprise comme désignant tous les acteurs intervenant dans le milieu rural. Les acteurs intervenant dans le milieu rural sont d'abord des hommes et des femmes, des jeunes et des personnes adultes avant d'être des acteurs ruraux. L'action politique devait donc faire intervenir toutes les structures responsables du milieu rural, au lieu d'être l'apanage de quelques unes seulement. Ainsi, des ministères comme celui chargé de la jeunesse et celui chargé de la promotion de la femme, devaient être impliqués car ces structures maîtrisent mieux les préoccupations des couches les plus vulnérables de la population que sont les jeunes et les femmes. Quant au `'milieu rural», il ne constitue pas une entité distincte et différente mais bien une partie de l'ensemble de la terre formant le territoire national. C'est peut être la raison pour laquelle des structures du Ministère chargé des Domaines, qui ne sont pas spécialisés pour gérer des zones spécifiques tels que le milieu rural, par opposition à celui urbain, ou le milieu d'habitation par opposition à celui commercial par exemple se sont toujours vues confier des missions de gestion du foncier. L'agriculture et l'élevage constituent certes des activités qui doivent disposer d'une 1 Note introductive de la PNSFMR. Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - réglementation spécifique mais l'espace terrestre constitue un ensemble indissociable que la volonté politique doit atteindre dans son ensemble. C'est de notre point de vue, une des raisons qui expliquent que depuis la constitution du territoire qui forme le Burkina, tous les régimes politiques, de la période coloniale à nos jours aient règlementé la terre par un dispositif juridique qui traite de la question foncière dans son ensemble. Les terres de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso sont différentes du point de vue des richesses qu'elles contiennent, et même des hommes qui y vivent car le Burkina est une diversité écologique et sociale. Mais la nation est unique et le dispositif juridique doit y être le même. Quelle différence y a-t-il entre les terres rurales et urbaines ? Les terres rurales ne peuvent- elles pas avoir vocation à devenir des terres urbaines un jour ? Surtout au Burkina, un pays en construction dont les terres urbaines continuent toujours de s'étendre sur celles rurales ? II - LA REDEFINITION DU STATUT DE LA TERRE La PNSFMR est, ainsi qu'elle se dénomme, une politique c'est à dire un ensemble de prévisions et d'actions. Les terres du Burkina ont toujours été administrées par une loi unique qui fixe les dispositions globales qui servent de référence à l'ensemble des acteurs et sur la base duquel chaque secteur élabore des documents spécifiques pour compléter les dispositions globales. Les droits pouvant être acquis sur la terre sont ainsi de mêmes natures quelque soit le type de terre concerné (rural ou urbain). Pour exemple, des secteurs comme celui des mines ont élaboré des lois spécifiques mais sans remettre en cause les principes fondamentaux de la propriété telle que définie par la loi globale que constitue la RAF. La PNSFMR intervient sans abroger la RAF mais redéfinit sa notion fondamentale qui détermine le statut de la terre, c'est à dire celle de DFN. Le DFN n'étant pas constitué uniquement de `'terres rurales», nous pensons que l'action politique devait intégrer tous ses aspects et partant tous les secteurs de la vie nationale concernée par le foncier, dans un document de politique unique ne serait- ce que pour mettre en oeuvre en remplacement ou en complément de la RAF, un texte de dimension similaire. Ou alors, procéder d'abord aux modifications de la RAF avant de prendre des textes qui traitent du milieu rural, si elle désire revenir sur la composition du DFN et la nature des droits telles que définies par la RAF. Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - La loi relative à la PNSFMR n'est certes pas encore en vigueur même si elle a été adoptée en Conseil des Ministres1, mais si elle le devenait un jour dans ses dispositions actuelles, les usagers se retrouveraient avec un texte définissant un DFN unique et un autre instituant différents domaines fonciers. Cette situation serait d'autant plus complexe que la première loi dispose pour l'ensemble des terres du Burkina et fixe pour cet ensemble, des droits différents de ceux que la seconde institue pour le secteur rural uniquement. Ainsi la RAF définit le DFN comme constitué de l'ensemble des terres du Burkina tandis que la loi de PNSFMR détermine un DFE, un DFCT et un patrimoine foncier des particuliers, dont la composition et la nature des droits sont différentes de celles du DFN. III - LE STATUT CONFUS DE L'INSTANCE QUI GERE LA TERRE RURALE La PNSFMR définit deux domaines fonciers appartenant à deux personnes morales, l'Etat et la collectivité territoriale décentralisée. La loi relative à la sécurisation foncière en milieu rural « crée 2» au niveau de la commune rurale le Service Foncier Rural (S.F.R) chargé d'administrer la terre rurale. La commune rurale étant une structure décentralisée dotée de la personnalité juridique et de prérogatives spécifiques, quel rapport existe entre elle et le S.F.R qui ressemble à une structure déconcentrée créée par une loi nationale ? Car la loi `'crée» le Service Foncier Rural au lieu de donner aux communes rurales le pouvoir de l'instituer par arrêté communal par exemple. Cette situation nous paraît confuse au regard du fait que la PNSFMR confère la propriété de la terre aux communes rurales en créant leur domaine foncier propre. La propriété conférant un droit absolu, nous pensons que le législateur de la loi de sécurisation foncière en milieu rural devait aller au bout de sa logique et laisser aux collectivités, la latitude de disposer de leurs biens comme elles l'entendent, ou prendre la juste mesure des risques d'une telle disposition et reconduire la notion et la portée juridique du DFN telles que définies par la RAF. 1 Avant projet de loi relatif à la sécurisation foncière en milieu rural, article 61 2 Avant projet de loi relatif à la sécurisation foncière en milieu rural, article 39 Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - IV - LA NATURE INADAPTEE DES TERRES REVETUES DU CARACTERE DE DOMANIALITE PUBLIQUE L'avant projet de loi réintroduit la notion de terres vacantes et confère aux « espaces communautaires » les caractères des biens précédemment classés dans le domaine public de l'Etat.1 Ce n'est pas ici la nature du bien et le fait qu'il soit destiné à l'usage communautaire qui le rend inaliénable, insaisissable et imprescriptible mais le simple fait que la terre soit libre. L'article 32 de l'avant projet de loi instruit les communes rurales d'immatriculer « les terres n'appartenant pas en propre à des particuliers » en leur nom et confère à ces terres le caractère de domanialité. Cette disposition a suscité en nous les interrogations suivantes pour lesquelles le projet de loi reste muet : - De quel délai dispose le possesseur pour faire reconnaître son droit vu que la possession n'est valable que s'il la déclare auprès des autorités communales et reçoit le document de possession délivré par le juge2 ? En nous inspirant de l'échec des diverses initiatives passées tendant à obliger les personnes disposant de terres en vertu des coutumes à faire valoir leur droit par une déclaration administrative, nous pouvons affirmer qu'un risque subsiste qu'une partie des populations rurales ne satisfasse pas rapidement à cette exigence pour se faire reconnaître un droit qu'elle ne tient de toute façon pas de l'administration. Que deviendront alors les terres non déclarées ? - Qui sont les possesseurs ruraux désignés par l'avant-projet de loi et pouvant faire valoir leurs droits sur la terre rurale ? -Quelles sont « les terres n'appartenant pas en propre à des particuliers » ? Les dispositions du projet de loi nous permettent d'affirmer qu'il ne s'agit ni des autorités coutumières, ni de la terre qu'elles régissent. En effet, l'article 14 précise que la possession de fait est constituée par l'utilisation effective de la terre par son exploitation régulière, son entretien, son aménagement et sa mise en valeur. L'exercice du droit de propriété foncier coutumier ne se limitant pas aux espaces aménagés mais portant sur l'ensemble de l'espace de la communauté, le possesseur foncier n'est donc pas l'autorité coutumière. Celui-ci peut d'ailleurs faire 1 Avant projet de loi relatif à la sécurisation foncière en milieu rural, article 32 2 Avant projet de loi relatif à la sécurisation foncière en milieu rural, article 13 Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - valoir ses droits au même titre que les autres acteurs ruraux et dans les mêmes conditions, c'est-à-dire pour l'espace qu'il a effectivement aménagé. Cette situation qui ne résout pas le problème de la dualité des régimes fonciers, l'accentue par l'institution de nouveaux domaines fonciers. Par ailleurs, le projet de loi ne dispose pas pour les biens énumérés à l'article 34 de la RAF et revêtu du caractère de domanialité publique. Quel est par exemple le statut des sous-sols contenant des minerais ? V- LA PERSISTANCE DE LA DUALITE DES REGIMES FONCIERSLa PNSFMR reconnaît que les autorités coutumières constituent des acteurs incontournables en milieu rural mais les implique très peu dans la gestion foncière. En effet, l'avant-projet de loi stipule que les autorités coutumières sont membres de plein droit des commissions foncières rurales1 mais l'examen des compétences de cette commission indique qu'elle constitue une structure d'appui et non de gestion du foncier. La PNSFMR prévoit certes l'implication des autorités coutumières dans la gestion foncière locale mais leur confère un rôle d'appui - consei l2. La difficulté du respect d'une telle disposition réside dans le fait que les autorités coutumières pensent elles aussi être incontournables dans la gestion du foncier et disposer de droits qu'aucun dispositif juridique n'a réussi à leur enlever. Pourquoi se contenteraient-elles de rôles consultatifs quand elles disposent d'un véritable droit de propriété qui n'a jamais pu leur être contesté ? L'écart qui existe entre la perception que les autorités coutumières ont du rôle qu'elles pensent devoir jouer et celui qui leur est accordé par la PNSFMR est très perceptible dans les rapports des ateliers ou les groupes des autorités coutumières n'ont pas hésité à demander par moment la suppression de certains passages du document de PNSFMTR et leur remplacement par des dispositions qui disent clairement qu'elles doivent être membres de toutes les institutions qui gèrent le foncier3. 1 Avant projet de loi relatif à la sécurisation foncière en milieu rural, article 41 2 Confère axe 2 de la 2eme orientation de la PNSFMR 3 Se conférer à titre d'exemple aux recommandations des autorités coutumières relatives à l'axe 2 de la 2ème orientation à Kaya. Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - L'anthropologie et la sociologie juridique démontrent que les dispositions législatives et institutionnelles ne doivent pas être conçues comme une somme de propositions techniques pour résoudre un problème donné mais comme un « phénomène social » dans lequel des groupes sociaux peuvent se saisir des propositions de développement que la loi leur fait, tout en s'efforçant de les infléchir pour mieux servir leurs propres intérêts1. Quelles que soient les formules utilisées par le législateur, seul l'intérêt de l'autorité coutumière déterminera sa bonne collaboration. La PNSFMR lui offre certes un rôle mais ses véritables prérogatives ne sont toujours pas reconnues. La propriété foncière coutumière n'étant pas formellement reconnue, la responsabilisation des autorités coutumières demeure insuffisante. La dualité du système foncier n'étant pas résolue, toutes les difficultés de ce double mode d'administration de la terre subsistent et seront sources de conflits, surtout que le nombre de « propriétaire » de la terre augmente. Car nul n'ignore l'impact de la gestion du foncier par les communes urbaines sur la cohésion et la paix sociale. Si ces communes qui disposent de ressources alternatives plus importantes n'ont pu gérer convenablement la terre qui ne leur appartenait pas, celles rurales qui auront besoin de ressources financières qu'elles ne peuvent obtenir ailleurs risquent de constituer de sérieux concurrents aux autorités coutumières, surtout que la terre leur appartient. La paix et la cohésion sociale n'en seront que plus menacées. VI - L'OUBLI DES COUCHES VULNERABLES Le document de PNSFMR prévoit d'aider les couches les plus vulnérables, c'est-à-dire les femmes et les jeunes, à accéder à la terre rurale. Les différents acteurs ruraux ont d'ailleurs débattu de cette question pendant les ateliers de concertation. Nous n'avons relevé aucune disposition dans l'avant projet de loi tendant à faciliter l'accès de la terre à ses couches de la société burkinabé, alors que tous reconnaissent l'impérieuse nécessité de les y aider. 1 « Opérations de développement et droits fonciers en Afrique - la lutte antiérosive au centre -ouest du Burkina Faso », Délise Y et Jacob J-P, dans la revue `'sécheresse», vol 3. Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - La nouvelle approche de l'autorité politique, qui tient compte des droits acquis en dehors de la loi nationale dans la PNSFMR constitue une avancée dans le processus de mise en place d'une législation foncière qui constitue un outil de développement économique et qui intègre en même temps les réalités socio - culturelles du Burkina. Cependant, la mise en place d'une politique foncière du milieu rural uniquement constitue une importante insuffisance car la terre burkinabè se retrouve subdivisée en deux entités régies par deux dispositifs juridiques différents. En plus, la dualité des régimes fonciers reste une entrave non levée à la mise en place d'une législation foncière légale et légitime, car l'implication des autorités coutumières est toujours insuffisante. La terre burkinabè est disponible selon le Ministre Salif DIALLO. C'est justement cette disponibilité qui doit permettre de définir actuellement des droits adaptés à notre configuration sociale et prévenir ainsi tous conflits sociaux majeurs dans le futur. Car quoi que l'on dise, la patrie c'est d'abord la terre. Si la population burkinabè, dont la moitié a moins de quinze (15) ans aujourd'hui se retrouve un jour en voie de devenir `'étrangère» dans son propre pays, l'objectif de développement pourrait être atteint mais la paix sociale s'en trouverait sérieusement compromise. Nous proposerons dans les chapitres à venir, d'autres aspects d'une législation foncière au service de la cohésion sociale et du développement économique. Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - CHAPITRE 2 : QUELLE LEGISLATION FONCIERE, OUTIL L'histoire du Burkina Faso, aussi bien avant, pendant qu'après la colonisation montre à quel point il est difficile de définir une législation qui prend en compte les différents aspects de la corrélation entre la gestion du foncier et la consolidation de la cohésion et de la paix sociale. La situation foncière burkinabè est d'une telle complexité que toute proposition de solution semble relever de la gageure. Avoir donc la prétention de proposer une solution complète dans le cadre d'une réflexion individuelle est ainsi quasiment inimaginable. Nous nous intéresserons pour ce faire à quelques aspects spécifiques qui nous paraissent déterminants pour la cohésion sociale. Selon Etienne le Roy, « le rapport foncier est un rapport social déterminé par l'appropriation de l'espace»1. Cette assertion résume toute la complexité de la situation foncière burkinabè. En effet, et ainsi que nous l'avons expliqué dans la première partie de cette étude, l'appropriation de la terre revêt au Burkina au moins deux significations : d'une part, il consiste à rendre propre à un usage et ne renferme dans ce cas qu'un droit d'usage ; d'autre part et selon la volonté politique du moment et les exigences économiques, il concerne l'action de s'attribuer la propriété de quelque chose et véhicule dans ce cas une conception ressemblant à celle civiliste de la propriété. Mais qui en diffère en ce sens que le droit de propriété tel que défini par la législation burkinabè n'accorde pas indéfiniment l'abusus au propriétaire. La terre burkinabè étant unique et non proliférante, l'élément fondamental de la cohésion socio - culturelle réside dans la définition de son statut, qui doit obligatoirement prendre en compte ces deux significations de l'appropriation. Pour y parvenir, il convient de faire l'état des éléments qui déterminent la cohésion socio - culturelle (section 1) afin de pouvoir en tenir compte dans la définition du statut juridique de la terre (section 2). 1 « L'appropriation de la terre en Afrique noire », éditions KHARTALA, Paris, 1991, page 11. Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - SECTION 1 : LES ELEMENTS DETERMINANTS DE LA
COHESION I - LES REALITES CULTURELLES DU BURKINA
La société burkinabè est caractérisée par la place prépondérante qu'elle accorde à la tradition dans ses différents aspects. Ainsi, les burkinabè sont dans leur grande majorité respectueux des exigences coutumières de leur village, des fois en dépit des dispositions règlementaires contraires. La loi conçue en ville définit les rapports de l'homme à la terre mais l'application au village respecte d'abord les rapports de la société à la terre avant d'introduire la loi. Le problème qui subsiste ici provient de l'inadaptation de la loi aux comportements des burkinabè et des insuffisances des coutumes : - la loi est inadaptée car elle n'intègre pas les habitudes culturelles des burkinabè. - la coutume est insuffisante car elle ne satisfait pas à toutes les exigences de cohésion socio - culturelle. I - 2 - LA LEGISLATION FONCIERE UNIFIEE La législation foncière doit tenir compte des habitudes culturelles de la société burkinabè. Elle doit donc reconnaître les compétences des autorités coutumières en matière foncière et l'existence des droits fonciers coutumiers. Mais elle doit réguler l'exercice de cette compétence afin de ne pas reconduire la coutume intégralement car une telle attitude contribuerait à renforcer la dualité du régime juridique et éprouverait sérieusement la cohésion et la paix sociale. En effet, un demi-siècle s'est écoulé depuis l'accession du Burkina à l'indépendance. Au cours de cette période, les coutumes burkinabè ont connu des mutations à l'instar de toutes structures sociales humaines. La législation foncière doit tenir compte de cette évolution. Selon l'anthropologue ivoirienne Aline AKA1, 1 « Analyse de la nouvelle loi de 1998 au regard de la réalité foncière et de la crise socio-politique en Côte d'Ivoire », Aline AKA, bulletin de liaison du l'AJP n° 26, septembre 2001 Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - pour qu'une coutume reproduise fidèlement les effets qu'on lui a connus à une certaine époque, il faut que la situation sociale et la logique fondant cette coutume existent toujours au moment où on la reconduit. C'est dire que reconduire la coutume peut contribuer à fragiliser la paix et la cohésion sociale car elle aussi est inadaptée aux réalités sociales actuelles. Une législation foncière qui ne tient pas non plus compte de la coutume ne peut résoudre la dualité des régimes fonciers et se révèlera inefficace à long terme. Au Burkina les mutations sociales de la coutume ont aussi été influencées par les différentes décisions politiques en matière foncière. Les autorités coutumières du Burkina ont toutes conscience aujourd'hui de ne pas disposer d'un droit absolu et au dessus de la loi nationale. Cette situation constitue de notre point de vue un élément que la volonté politique peut exploiter pour exercer aisément un contrôle de l'action coutumière sans trop de difficultés. Car reconnaître aujourd'hui l'existence de compétence foncière coutumière, c'est achever de réintégrer les autorités coutumières dans la vie communautaire dont ils avaient été quelque peu en marge depuis l'avènement de la première version de la RAF, en droits mais aussi en devoirs. La législation foncière doit donc reconnaître la compétence des autorités coutumières en tant qu'acteurs fonciers et les impliquer dans toutes les étapes de la gestion du foncier. Pour ce faire il convient de: 1)- reconnaître la terre coutumière comme existante bien que faisant partie des terres du Domaine Foncier National du Burkina.
4)- réglementer la transmission des droits fonciers coutumiers. Pour ce faire : a - Pour ce qui est du droit de propriété. Au regard de son caractère collectif et non individuel, le déclarer non transmissible par des personnes agissant pour leur propre compte et non transmissible à des personnes autres que l'Etat. Pour la transmission du droit de propriété à l'Etat, instituer une cellule à mesure de poser les actes de transmissions et composée des autorités foncières coutumières et des représentants des différentes composantes du village. Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - Exemple de cellule : Les personnes suivantes pourraient faire partie de la cellule, dans les régions où la configuration des villages est ainsi : le chef de village, le chef de terre, un représentant des femmes, un représentant des jeunes, un représentant des personnes qui exercent les activités menées dans le village (agriculture, élevage...). La composition de la cellule pourrait être arrêtée par région. Confier aux autorités coutumières l'initiative des actions de transfert du droit de propriété mais déclarer délictuel et de nul effet tout transfert non cautionnée par la cellule de transfert. Pour que la propriété foncière coutumière profite à l'ensemble de la communauté, et pour soumettre les actions des autorités coutumières à la sanction populaire, arrêter une grille de valeurs des terres coutumières qui fixe, en fonction des pratiques actuelles, la valeur minimum des terres coutumières par région. Elle aura deux avantages majeurs : Pour les transactions du droit de propriété, elle servira de base au dédommagement de l'Etat. Prévoir qu'une partie des sommes issues de ces dédommagements soit obligatoirement reversée dans un compte collectif et serve à financer des activités de développement du village. Elle servira aussi de base pour définir la valeur monétaire de la terre et permettra aux détenteurs de droits d'usage fonciers coutumiers de les transmettre, les prêter ou même les donner en garantie par exemple pour obtenir des financements au niveau des institutions qui accompagnent les activités rurales. b- Pour ce qui est des droits d'usage coutumiers. Leur reconnaître des effets similaires mais de moindre portée que ceux des droits démembrés du droit de propriété. Pour ce faire circonscrire leurs effets en les limitant à des activités spécifiques, à un espace et à des investissements maximaux. Par exemple le possesseur de droit d'usage coutumier pourrait se servir du document constatant la possession de ces droits pour les transmettre, les prêter, les gager... aux conditions cumulatives suivantes : - Activités : si la terre objet du droit d'usage coutumier est destinée uniquement aux activités suivantes: l'agriculture, l'élevage et la pêche. - Espace : si l'espace concerné ne dépasse pas une certaine superficie. -Investissement : si les investissements réalisés ou requis pour mener l'activité ne dépassent pas un certain montant. Ce montant pourrait être la limite Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - maximale du financement dont le document de constatation des droits d'usages coutumiers peut servir de garantie par exemple. On pourrait même aller plus loin en désignant les structures habilitées à octroyer des financements ou à constater la transmission ou le prêt des droits d'usage coutumiers. Les structures qui financent habituellement les activités agricoles, pastorales ou piscicoles pourraient être autorisées à recevoir ces documents en garantie des financements qu'elles octroient tandis que les services financiers des communes du lieu de situation de l'espace concerné pourraient être compétente pour connaître des actes de transmission ou de prêts des terres sur la base du document. Mais dès que l'une des conditions énumérées n'est plus remplie, le document de constatation du droit d'usage coutumier devra être insuffisant pour sécuriser le droit concerné et pour l'utiliser. La gestion de la terre concernée n'étant plus de la compétence de l'autorité coutumière, celle réglementaire pourrait alors prendre la relève. II - LES REALITES SOCIALES DU BURKINA II - 1- PRESENTATION DE LA CARTE SOCIALE DU BURKINA Dans le cadre de notre étude, nous avons choisi de relever quelques aspects de la société burkinabé qui peuvent avoir une influence sur la cohésion sociale. II-1-1 - Présentation de la structure de la
population du Burkina1 - Population totale résidente (selon le recensement de 2006) = 13.730.258 - Composée de : - Hommes : 6.635.318 soit 48,3% de la population totale - Femmes : 7.094.940 soit 51,7% de la population totale 1 Source : Institut National de la Statistique et de la Démographie du Burkina Quelle législation foncière comme outil de
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adaptée aux réalités socio - REPARTITION DE LA POPULATION RESIDENTE PAR SEXE SELON LE MILIEU DE RESIDENCE *
*Source : Institut National de la Statistique et de la Démographie du Burkina INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES Structure de la population par âge - Population âgée de 0 à 14 ans : 46,8% de la population totale. - Population âgée de plus de 14 ans : 53,2% de la population totale. Population vivant hors du Burkina : Nous n'avons pas pu obtenir de statistiques récentes mais en 2000, la population résidente qui avait séjourné au moins une fois et pendant plusieurs années hors du Burkina mais était revenue pouvait être estimée à environ 29% de la population totale ; Quant à celle qui vit actuellement hors du Burkina, elle avoisinerait 20% de la population résidente. Ce taux serait plus élevé avant la crise ivoirienne. Taux d'alphabétisation : 25,7% de la population totale en 2005 selon les statistiques INSD. Langues : Environ 60 groupes ethnolinguistiques. Activités : -Agriculture, élevage, pêche : environ 86% de la population active -Autres activités (commerce, activités salariées...) environ 14% de la population active. |
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