Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Jean-Marie TAMNOU DJIPEU Université de Douala - DEA 2006 |
Paragraphe II : Les obligations contrastées du témoinUne fois cité, le témoin a trois obligations principales : comparaître, prêter serment et déposer (A)64(*). Mais ces obligations et plus spécifiquement celle de déposition entrent parfois en contradiction avec l'obligation au secret professionnel. Dans ce cas, le témoin doit-il encore parler ou se taire ? (B) A- Les obligations impérieuses du témoinEn dehors de l'obligation de prêter serment qui pèse sur le témoin et qui sera aborde plus loin65(*). Le témoin est oblige de comparaître et de déposer. 1- L'obligation de comparution Tout témoin régulièrement cité et acquis aux débats est tenu de comparaître devant les juges d'instruction ou le Procureur de la République et même les personnes impliquées dans la cause. C'est une obligation dans la mesure ou le témoin s'expose à des mesures de contrainte s'il ne répond pas favorablement a la citation. Conformément à l'article 188 du CPP, il peut se voir contraint par un mandat d'amener et s'expose aux poursuites pénales en vertu de l'article 173 du CP qui réprime le témoin défaillant. C'est donc un corollaire de l'obligation générale de témoigner qui pèse sur tout citoyen ayant des informations sur la commission d'une infraction et de surcroît est régulièrement requis. Une fois qu'il comparait, il est obligé de déposer. 2- L'obligation de déposition du témoin Une fois qu'il a compare, le témoin est oblige de dire tout ce qu'il sait des faits objets des poursuites. Il doit révéler avec les moindres détails possibles les circonstances de commission ou même l'identités de ses auteurs. Tout élément aussi petit soit-il pouvant éclairer la religion des juges. Mais quelque fois, il arrive que le témoin soit astreint a une autre obligation qui l'empêche de parler : c'est le secret professionnel. B- Une obligation antinomique : le secret professionnel du témoinLa notion de secret professionnel n'est pas aisée à définir. On peut quand même l'appréhender comme étant l'obligation de ne pas divulguer des faits confidentiels appris dans l'exercice de sa profession.66(*) Ces personnes doivent-elles toujours se taire alors qu'elles peuvent éclairer les juges en évitant une grave injustice ou doivent-elles parler en violant cette obligation pénalement répréhensible ? Le législateur et la jurisprudence ont essayé de concilier ces deux impératifs contradictoires en aménageant des circonstances qui peuvent justifier la levée du secret tout en maintenant le caractère absolu pour certaines professions où toute révélation est punissable. 1- L'emprise de la recherche de la vérité sur le secret professionnel Il est vraiment difficile aujourd'hui d'avoir une liste exhaustive des personnes tenues au secret professionnel. Mais, nous ne saurons dans notre étude disséquer l'infraction de violation de secret professionnel qui ne présente pas à notre sens assez d'intérêt pour notre travail. L'article 310 du Code pénal qui représente dans notre droit pénal le fondement textuel de cette obligation a prévu des raisons qui peuvent justifier la levée du secret. Elle dispose clairement que le secret ne « s'applique pas aux déclarations faites aux autorités judiciaires ou de police judiciaire portant sur des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit, ni aux réponses en justice à quelque demande que ce soit ». C'est donc cet alinéa qui relativise la portée du secret professionnel et oblige tout confident à révéler à la justice ce qu'il aurait su en raison de son état ou de sa profession et même en raison d'une mission temporaire. Cette exception se justifie par les impératifs de recherche de la vérité et les conséquences désastreuses et parfois irréversibles que peut avoir une condamnation sur la vie d'un citoyen. De plus, le médecin qui, bien que astreint au secret a connaissance des sévices ou des privations infligés sur mineur ou qui a constaté des sévices faisant présumer l'existence de violences sexuelles est tenu d'informer le procureur de la République66(*). En plus, les impératifs de sécurité publique obligent tout médecin ou chirurgien qui reçoit un malade blessé par balle d'informer le procureur ou les autorités de police avant même de lui administrer des soins et d'apporter son témoignage s'il est requis.66(*) Enfin, les impératifs de santé publique obligent le médecin qui a découvert une maladie épidémiologique de la déclarer aux autorités compétentes et d'indiquer le nom du malade. Une mesure qui vise à éviter la propagation de la maladie et à prendre des dispositions qui s'imposent dans de pareilles circonstances.67(*) En dehors des personnes chez qui le secret est relatif et qui doivent toujours apporter leur témoignage en justice, et des circonstances ci-dessus étudiées qui justifient la levée du secret, certains corps sont toujours astreints au secret professionnel et doivent refuser de parler en justice quel que soit le cas. 2- La primauté du secret professionnel sur la déposition Le même article 310 du Code pénal qui oblige toute personne astreinte au secret professionnel à apporter son témoignage en justice prévoit une exception de l'exception en son alinéa 3. Il dispose que le médecin, le chirurgien, le fonctionnaire sur ordre écrit du gouvernement, l'avocat et le ministre du culte sont toujours astreints au secret professionnel et doivent se taire. C'est d'abord les médecins et chirurgiens 68(*) qui exercent une profession d'une délicatesse avérée. Cette profession très sensible a été depuis des siècles protégée par le secret médical considéré comme le fondement humain de la médecine.68(*) Figurant dès l'antiquité dans le serment d'Hippocrate,68(*) le secret médical couvre toutes les informations que le patient peut confier au médecin pour éclairer son diagnostic et favoriser le choix d'un bon traitement. Appelé en justice, le médecin doit certes comparaître et prêter serment avant d'invoquer l'article 325 CPP.68(*) Hormis les exceptions qui ont été étudiées dans le sous- titre précédent le médecin doit toujours se taire. Le fonctionnaire doit aussi sur ordre écrit du gouvernement refuser de déposer comme témoin. On s'est demandé ce qui pouvait justifier une telle interdiction si ce n'est l'intention de l'exécutif de vouloir affirmer sa suprématie sur le législatif ou encore une invocation maladroite du principe de la séparation des pouvoirs alors que chacun doit collaborer avec la justice criminelle68(*). Le ministre du culte quant à lui est tout aussi obligé de se taire même s'il faut innocenter un individu. Recelant des secrets qui leurs sont révélés lors des confessions, ils ne doivent jamais sous peine de sanctions graves révéler à qui que ce soit et pour quelques besoins que ce soit. La même obligation pèse sur les avocats qui devront garder confidentiellement les informations qui leur seront données par leurs clients. Tout compte fait, la notion de secret professionnel absolu peut être perçue comme une entrave à la manifestation de la vérité dans la mesure où les personnes qui en sont astreintes par la loi doivent toujours se taire. Même s'ils ont la preuve tangible de l'innocence ou de la culpabilité d'une personne, ils doivent toujours refuser de parler. On peut tout de même essayer de comprendre cette attitude du législateur qui s'explique par la protection de l'ordre public général, de l'ordre social et surtout la protection de certaines professions dont le secret constitue pour eux la raison même de leur existence. Que se passerait-il par exemple si le prêtre ayant appris d'un coupable sous le sceau de la confession qu'une erreur judiciaire est en train de se commettre révèle cette information aux autorités judiciaires ? Ou qu'un avocat dans des circonstances analogues soit obligé de révéler ce qu'il a appris de son client ? Les codes de déontologie et les traditions de ces professions ne l'admettent pas68(*). La réalité est certes dure à accepter, la loi également dure à admettre mais il faut l'appliquer « dura lex. send lex. « La société ayant parfois besoin des lois dures pour son fonctionnement harmonieux. C`est le cas de législation sur le faux témoignage * 64 PRADEL (J) op. cit. p 348 * 65 Voir IIeme partie chapitre 1, page 55 * 71 Dictionnaire universel Hachette 4ème édition page 1099 * 72 Article 226 al 14 du Cp français, * 66 Généralement c'est en réponse à un appel lancé par la police ou la gendarmerie qui a blessé un malfaiteur mais que celui-ci s'est enfui * 67 En France elle est prévue par le décret n°86-770 du 10 juin 1986 * 75 Cass crim 8 mai 1947 * 76 PELTIER (L), « Le secret médical, RRJ, 1993 3 page827 * 77 « Ma langue taira les secrets qui me sont confiés et mon état ne servira pas à corrompre les moeurs ni à favoriser le crime ». * 78 le serment prêté ne délie pas le témoin de l'obligation de garder tout secret qui lui a été confié en raison de sa qualité ou de sa profession. * 79 WALINE cité par MERLE (R) et VITU, (A) op.cit Page 223. * 80 BRETTE DE LA CRESSAY (J), »le secret professionnel«, encyclopédie Dalloz 2002. |
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