Le rétablissement de l'Etat de droit dans une société en reconstruction post-conflictuelle: l'exemple de la sierra léone( Télécharger le fichier original )par Jukoughouo Halidou Ngapna Institut des Droits de l'Homme de Lyon & Université Pierre Mendès France de Grenoble - Master 2, Recherche, Histoire du Droit, Droit et Droits de l'Homme 2007 |
IV. De la violence « effroyable » à la paix : 1999-2002Réclamant la libération de leur leader détenu à Freetown après son transfert du Nigeria le 25 juillet 1998 où il était détenu depuis 199732(*), Sam BOCKARIE alias Mosquito prend en 1999 la tête d'une expédition punitive dénommée « Operation No Living Thing » sur la capitale Freetown. Cette attaque est la plus sanglante car en moins d'un mois, elle fera plus de cinq mille morts dans la population civile et détruira presque totalement les infrastructures de la ville. Elle a été repoussée grâce à l'aide des troupes de l'ECOMOG qui, eux aussi, auraient commis des atrocités33(*). Ces évènements n'empêcheront pas le gouvernement d'entamer des négociations avec les rebelles à Lomé. Le président du RUF, toujours en détention, fera le déplacement. L'accord qui en sortira sera le plus contesté, car il accorde une amnistie pour tous les crimes commis par les protagonistes au conflit jusqu'au 7 juillet 1999, date de la signature de l'accord. Bien que les Nations unies ne reconnaissent pas une amnistie portant sur les crimes internationaux, l'opinion publique a considéré que cet accord était une nouvelle voie ouverte vers l'impunité ; en plus, les rebelles sont revenus à Freetown dans le gouvernement où ils occupent la vice-présidence et ont la mainmise sur les ressources stratégiques du pays34(*). Les institutions résultant de cet accord ne fonctionneront pas efficacement. Le Comité des ressources stratégiques que préside Foday SANKOH ne se réunit presque pas, les décisions en conseil des ministres sont très difficiles à obtenir avec la réunion autour de la même table d'anciens ennemis. C'est alors que le RUF décide en mai 2000 de regagner le maquis et d'enlever 500 militaires de la Mission des Nations Unies pour la Sierra Léone (MINUSIL). La communauté internationale ne pouvant plus rester muette face à ces évènements, le Conseil de sécurité a voté une résolution35(*) imposant un embargo de sur les ventes d'armes au Libéria ainsi que des mesures de contrôle du trafic illégal de diamants issus de la Sierra Léone et du Libéria. L'intervention des militaires britanniques poussera le RUF à libérer les otages et à signer un ultime cessez-le-feu à Abuja en novembre 2000. Les conditions de stabilité minimales étaient requises pour démarrer les opérations de DDR (démobilisation, désarmement et réinsertion) des ex-combattants pour permettre le déroulement des élections de 2002 qui ont conduit à la réélection de Tejan KABBAH à la tête du pays et de l'obtention par son parti de la majorité au parlement36(*). Le nouveau gouvernement est mis au défi de la reconstruction d'un pays dont les principales infrastructures ont été détruites par un conflit qui a causé 200 000 morts, 800 000 réfugiés vers la Guinée-Conakry (ci-après Guinée) et le Libéria ainsi que plus de la moitié de la population déplacés à l'intérieur du pays. L'enjeu principal est de relancer l'économie, retisser le lien social et répondre aux attentes de la population, notamment les réparations pour les victimes, la réintégration des déplacés et autres personnes affectées par le conflit comme les ex-combattants et la réconciliation nationale. Les tâches incombant aux autorités élues ne sauraient se faire sans l'appui de la communauté internationale. Elle devrait l'aider à lancer un signal fort aux Etats de la sous-région en répondant notamment par des poursuites pénales contre les auteurs des violations graves des droits de l'homme. * 32 Le 6 mars 1997, Foday SANKOH est arrêté par la police nigériane à l'aéroport de Lagos en possession d'armes, « illégalement achetées » selon la thèse officielle. * 33 Voir le rapport de l'ICTJ cité précédemment. * 34 Conformément à l'article 3, alinéa 3 de l'accord de Lomé, la loi du 20 juillet 1999 a été votée pour permettre la transformation du RUF en parti politique et la participation de ses membres au gouvernement. Son président est aussi nommé à la tête du Comité de gestion des ressources stratégiques, sorte d'autorité administrative indépendante chargée de contrôler toutes les exportations de matières premières du pays. * 35 Résolution 1306 du Conseil de sécurité du 5 juillet 2000. * 36 KABBAH est élu avec 70 % des voix, Ernest Baï KOROMA second avec 22 % et Johnny Paul KOROMA avec 4 %. Le parti du président, la SLPP obtient 83 sièges au parlement contre 27 pour les opposants de l'APC. |
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