Le rétablissement de l'Etat de droit dans une société en reconstruction post-conflictuelle: l'exemple de la sierra léone( Télécharger le fichier original )par Jukoughouo Halidou Ngapna Institut des Droits de l'Homme de Lyon & Université Pierre Mendès France de Grenoble - Master 2, Recherche, Histoire du Droit, Droit et Droits de l'Homme 2007 |
C. Organe d'administration judiciaireIl est chargé de l'administration des organes de la juridiction. Il assure les tâches qui incombent au greffe ordinaire, lesquelles tâches étant relatives à l'exercice des droits et des intérêts des parties au procès, la protection et l'assistance aux victimes et témoins et enfin l'administration pénitentiaire. L'organe d'administration judiciaire de la Cour spéciale est composée de deux sous-organes placés sous l'autorité d'un Greffier (1) et exerce, en plus de ses fonctions classiques, d'autres fonctions dites exceptionnelles (2). Le Greffier est l'autorité hiérarchique de l'Organe d'administration judiciaire et est nommé par le Secrétaire général des Nations unies après consultation du Président de la Cour spéciale (Règle 30 des RPP de la Cour spéciale et Statut TPIY article 17 § 3 et TPIR article 16 § 3). Personne jouissant d'une haute intégrité, il est assisté d'un adjoint dont la nomination obéit aux mêmes conditions que les autres membres du staff. Les conditions de révocation du Greffier sont les mêmes que celles des autres hautes personnalités de la Cour, notamment, en cas de faute lourde et d'incapacité. Pendant que les TPI et la Cour spéciale ne prévoient rien en ce qui concerne la procédure de constatation de ces manquements, l'article 46 § 1 et suivants du Statut de Rome prévoit que ce soit l'Assemblée plénière des juges qui soit compétente pour voter sur ces questions. Depuis sa création, la Cour spéciale a été administrée par deux greffiers : le premier, Robin VINCENT nommé en juin 2002, a particulièrement été efficace dans l'établissement de la Cour. Cet ancien administrateur des juridictions pénales britanniques, a su gérer les premiers problèmes d'infrastructure et surtout de communication autour des activités de la Cour. Bien que les RPP de la Cour spéciale (règle 34) ne prévoient que l'unité d'aide, de soutien et d'assistance aux victimes et témoins, l'on peut tout de même lui rattacher l'unité d'aide à la défense, organe indispensable au fonctionnement d'une justice équitable et dont l'administration dépend du greffe. L'aide et l'assistance aux victimes et témoins consiste à le mise sur pied d'un ensemble de professionnels qui fourniront une assistance matérielle et psychologique aux témoins et victimes qui auront accepté de participer au processus judiciaire. La relocation à l'étranger et la protection physique de ceux-ci occupent une place importante. Des accords avaient été signés avec INTERPOL le 3 novembre 2003 et avec la MINUSIL pour le détachement du personnel de sécurité et des moyens logistiques pour la Cour. Ainsi, le transfert de TAYLOR de Monrovia à Freetown, ainsi que le cours du procès ont été efficacement protégés par la police de la mission. L'unité d'aide à la défense est quant à elle chargée de mettre à la disposition des accusés sans moyens de se défendre une équipe de conseils commis d'office qui sont salariés par la Cour, conformément à le règle 45 des RPP de la Cour spéciale192(*). Pour accorder à un accusé le bénéfice de l'avocat commis d'office, il faut prendre en compte les signes extérieurs de richesse et l'estimation de sa fortune193(*). Les services du greffier fixent aussi les honoraires des avocats et veillent à ce que ceux-ci ne cherchent pas à se livrer à des manoeuvres ou incidents de procédure affin d'avoir plus de rémunération. Bien que l'attribution d'un conseil gratuit se fasse de manière discrétionnaire, l'accusé qui s'est vu refuser cette facilité peut faire appel devant le Président de la Cour dès après la première audience194(*). L'Organe d'administration judiciaire de la Cour spéciale, pour sa composition inspiré des autres instances pénales internationales mais a fait preuve d'une certaine originalité dans la définition de ses attributions.
L'Organe d'administration judiciaire est la porte d'entrée et de sortie de la juridiction. Elle est responsable des rapports entre la Cour et les autres entités (juridictions nationales et internationales, autorités sierra léonaises, organes des Nations unies et Etats tiers). C'est le lieu de transit des mandats, ordonnances et décisions des Chambres de jugement et d'Appel. Il coordonne avec les Etats les ordonnances d'arrestation, de transfert des suspects et accusés ainsi que de l'exécution des peines. En plus de sa mission diplomatique, le Greffe assure aussi les relations publiques de la Cour. Il s'agit pour lui d'assurer la communication et la dissémination d'information émanant des autres organes de la juridiction. La publication des jugements et décisions, les communiqués de presse, les lettres, etc. Dès les premiers jours de la Cour, et à cause de la difficulté particulière que présentait la cohabitation de la Cour spéciale avec la Commission vérité et réconciliation, il était nécessaire pour éviter la confusion au niveau des populations sierra léonaises de mettre sur pied un programme de sensibilisation et d'information. La création d'une chaine de radio, les voyages répétitifs du greffier et de l'équipe de sensibilisation composée pour la plupart de nationaux parlant les langues locales dans toutes les régions du pays pour renseigner la population et éviter l'amalgame entre le mandat de la Cour de celui de Commission. La troisième tâche dite classique qui incombe au greffe de la Cour concerne l'administration pénitentiaire. La Cour dispose d'une prison moderne pour accueillir les 9 inculpés actuellement en procès. Il est alors sous la responsabilité du greffe d'assurer que la détention se passe dans de bonnes conditions. La restauration, le repos, les divertissements, les soins de santé, les conditions d'hygiène et surtout les rapports entre les détenus et leurs proches à l'extérieur doivent être assurés. Ces exigences sont garanties par les visites du Comité International de la Croix Rouge (CICR) et autres organisations de défense des droits de l'Homme auxquelles se plient les autorités de la Cour. Le Greffier de la Cour spéciale a essayé, pour assurer un bon état de santé à l'accusé Foday SANKOH, de conclure un accord avec le gouvernement Ghanéen pour lui permettre de bénéficier d'une visite médicale dans les hôpitaux d'Accra. Cette initiative a été infructueuse, les ghanéens ne voulant pas recevoir un criminel de guerre sur leur territoire. La Cour spéciale, nous l'avons dit plus haut est une juridiction indépendante financièrement du budget des Nations unies. Son financement dépend des contributions volontaires des Etats. Sans revenir sur les avantages et inconvénients de ce procédé, il convient ici de relever le rôle important que joue le greffe dans la recherche des financements. Actif au comité de management de la Cour, il organise des rencontres informelles entre les ambassadeurs des pays donateurs présents à Freetown et a créé un réseau de coopération avec les ONG internationales qui militent dans le domaine de la justice internationale. La création d'une cour hybride comme la Cour spéciale pour la Sierra Léone suppose la prise en compte de plusieurs facteurs liés à l'harmonisation des compétences relativement aux différentes familles juridiques d'une part, et d'autre part, des éléments concernant la participation du personnel national. Cependant, ces contingences ne doivent pas ignorer le déroulement de la justice qui doit être respectueux du modèle démocratique du procès pénal. * 192 La totalité des accusés devant la Cour bénéficient des services d'un avocat commis d'office. Ceux-ci sont aussi bien internationaux qua nationaux. Au début de leur incarcération, les avocats ne résidaient pour la plupart pas sur place. On a mis à la disposition des accusés des téléphones portables pour palier à cette lacune. Ces téléphones ont dû être retirés lorsque les juges se sont rendu compte qu'ils l'utilisaient pour appeler les membres de leurs anciennes factions. * 193 Même Charles TAYLOR s'est vu accorder les bénéfices d'un avocat commis d'office, malgré ses signes extérieurs de richesse. * 194 Directive du TPIY relative à la commission d'office du conseil de la défense, articles 12 et 13. |
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