Problématique de l'égalité des droits des enfants légitime et naturel dans le nouveau régime des successions du Bénin( Télécharger le fichier original )par Julien HOUNKPE Université d'Abomey Calavi (Bénin) - Maitrise en Droit 2006 |
Paragraphe 1 - Analyse des droits successoraux desenfants naturels dans le contexte africainA travers les législations35(*) de la Côte d'Ivoire, du Togo, du Burkina Faso et du Gabon, etc., nous allons étudier les droits des enfants légitime et naturel dans les pays africains. Sous réserve de quelques divergences propres aux codes de chaque pays, on peut d'ailleurs parler d'une certaine uniformisation des statuts personnels en Afrique francophone ; dans l'ensemble, les mêmes dispositions se retrouvent dans presque tous les codes. Avec pour centre d'intérêt les dispositions favorables aux enfants naturels, nous allons relever les observations provenant de la lecture croisée de ces codes. Au Burkina Faso, le législateur n'a retenu que quatre (4) cas à l'article 459 du code des personnes et de la famille dans lesquels il juge possible la déclaration judiciaire de la paternité hors mariage : - l'enlèvement ou le viol, lorsque l'époque de l'enlèvement ou du viol se rapportera à celle de la conception, - la séduction à l'aide de manoeuvre dolosives, abus d'autorité, promesse de mariage ou fiançailles, - lorsque le père prétendu et la mère ont entretenu pendant la période légale de conception des relations stables et continues, - lorsque le père prétendu a pourvu ou participé en qualité de père de l'enfant à l'entretien de la mère pendant la période de la grossesse, ou à l'entretien ou à l'éducation de l'enfant. Contrairement donc au législateur béninois, le législateur burkinabé ne crédibilise pas « le cas où il existe des lettres ou quelque autre écrit émanant du père prétendu, propre à établir la paternité d'une manière non équivoque », car il ne le cite pas. Il ne parle pas non plus de paternité naturelle, mais de paternité hors mariage. Par contre, le troisième cas qu'il retient, à savoir celui où le père prétendu et la mère ont entretenu pendant la période légale de conception des relations stables et continues, correspond au quatrième cas retenu par les articles 340 ancien du code civil français et 333 du code béninois des personnes et de la famille, à savoir le concubinage notoire pendant la période légale de conception. Enfin, le législateur burkinabé a retenu, à la différence de son homologue béninois, le cas où le père prétendu a pourvu ou participé en qualité de père de l'enfant à l'entretien de la mère pendant la période de la grossesse. Au Burkina Faso, aucune contestation n'est plus recevable, quand il existe une possession d'état conforme à la reconnaissance et qui a duré dix ans au moins depuis celle-ci, à moins que l'action ne soit introduite par un autre parent, l'enfant lui-même ou les parents véritables. Contrairement à la situation qui a prévalu pendant longtemps en matière de contestation de paternité, la loi n° 2002-07 portant Code des personnes et de la famille au Bénin a emboîté le pas à la loi ZATU N°AN VII 0013/FP/PRES du 16 novembre 1989, portant institution et application d'un Code personnes et de la famille au Burkina Faso, pour supprimer le monopole traditionnellement concédé au mari. Le code burkinabé en son article 733 alinéa 1 supprime, à l'instar du code béninois des personnes et de la famille, les distinctions précédemment faites entre les enfants compte tenu du sexe ou de l'âge. Au Burkina Faso, le législateur prévoit à l'article 435 du code des personnes et de la famille que « L'enfant né hors mariage, dès lors que sa filiation est établie à l'égard de ses père et mère et que ceux-ci se trouvent réunis par les liens du mariage, est réputé né dans le mariage ». Cependant, le législateur béninois n'a même pas voulu, à l'instar de son homologue burkinabé, concéder aux enfants naturels la « solution de secours » que présente la légitimation par autorité de justice. En effet, c'est là un procédé qui aurait pu atténuer un peu les conséquences dues à l'interdiction de la double filiation pour les enfants et leur offrir une issue acceptable. La légitimation est une institution qui a pour but de conférer l'état d'enfant légitime à un enfant naturel ; par son effet donc, un enfant naturel, qu'il soit simple, adultérin ou incestueux, acquiert les droits d'un enfant légitime. Pour qu'elle puisse avoir lieu, il faut : 1) que le mariage soit impossible entre les parents de l'enfant, ce qui signifie que la légitimation est irrecevable si les parents peuvent se marier mais ne le veulent pas. En effet, le législateur n'a pas institué la légitimation par autorité de justice pour offrir aux parents un choix entre deux voies parallèles indifféremment ouvertes à eux. L'impossibilité du mariage peut résulter soit de l'existence d'un empêchement tenant à un lien de parenté ou d'alliance, soit du décès d'un des parents, soit de ce que l'un des parents est déjà marié avec une autre personne et qu'il ne veut pas divorcer ou qu'il ne peut pas divorcer. 2) que la filiation naturelle de l'enfant soit légalement établie à l'égard du ou des requérants. Les enfants incestueux dont la filiation ne peut être établie qu'à l'égard d'un seul parent ne peuvent donc pas faire l'objet d'une légitimation demandée conjointement par les deux parents. Mais rien n'interdit qu'ils soient légitimés à la demande de celui de leurs parents au regard duquel leur filiation est légalement établie. 3) que l'enfant ait la possession d'état d'enfant naturel à l'égard des parents qui requièrent sa légitimation. Cette condition permet de faire obstacle aux demandes qui ne correspondent pas à l'intérêt de l'enfant. 4) enfin, que le parent de l'enfant désireux de le légitimer obtienne l'autorisation de son conjoint à cette fin si, au temps de la conception, il se trouvait dans un lien de mariage qui n'est pas encore dissout. Cette condition permet d'éviter que l'époux adultère puisse imposer une légitimation à l'époux victime de cet adultère. Enfin de compte, la légitimation par autorité de justice présente énormément d'intérêts pour tous les enfants naturels. Malheureusement, nulle part dans notre code des personnes et de la famille, il n'a été prévu la possibilité d'un recours à cette technique. Il est donc clair que, consciemment, le législateur béninois s'est abstenu de donner le moindre choix aux enfants incestueux. Par la technique de la légitimation par autorité de justice, ils auraient pu se voir donnés la latitude, la possibilité d'être légitimés par l'un de leurs parents. Et une fois légitimé, l'enfant précédemment naturel a les mêmes droits et devoirs que l'enfant légitime. En son état actuel, le code béninois des personnes et de la famille ne fait plus aucune mention de l'action à fins de subsides, contrairement au code burkinabé36(*) qui a reconduit cette technique juridique. Au terme de cet article «Tout enfant dont la filiation paternelle n'est pas légalement établie peut réclamer des subsides à celui qui a eu des relations avec sa mère pendant la période légale de conception (...) ». S'agissant de la filiation naturelle, l'acte de naissance ne peut prouver que l'accouchement37(*). En revanche, l'enfant légitime peut en exhibant son acte de naissance se prévaloir de sa filiation : ce qui était injuste et dégradant. Mais le CPF rompt irrémédiablement avec cette option et affirme que « l'indication du nom de la mère sur l'acte de naissance de l'enfant suffit à établir la filiation maternelle... »38(*) . Il s'agit d'un changement notable précédemment adopté par les législateurs gabonais et sénégalais dans leur code de la famille4. Mais les innovations du CPF dépassent ce changement. En ce qui concerne la suppression de la discrimination faite à l'enfant naturel, le CPF a pris le contre pied du droit moderne français en vigueur au Bénin à l'instar de l'article 22 de la loi ivoirienne N° 64-379 du 7 décembre 1964 relative aux successions et de l'article 413 du code de la famille du Togo. Alors que la loi ivoirienne se contente de la preuve par témoins, le code béninois des personnes et de la famille exige à l'alinéa 3 de son article 329, et à l'exemple du droit burkinabé, la preuve par tous moyens pour la contestation de la filiation naturelle. S'agissant de la forme de l'aveu, les rédacteurs du code béninois, à l'instar du législateur ivoirien parlent de lettres ou de quelque autre écrit. Sur la base des interprétations de la jurisprudence, on a pu retenir comme exemple d'écrits, les photocopies de lettres, un écrit signé du père prétendu. En cas de non respect de l'article 325 (défaut de notification pour valider la reconna issance), le législateur sénégalais indique non pas la suppression du droit successoral de l'enfant, mais seulement la réduction de moitié39(*). Au total, le législateur du CPF peut bien s'inspirer des droits des pays africains qui ont légiféré en la matière, afin de supprimer les inégalités existantes entre les enfants naturels et les enfants légitimes. * 35 Il s'agit de la loi n° 64-379 du 7 octobre 1964 régissant les successions pour le cas de la Côte d'Ivoire, l'Ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980 portant Code des Personnes et de la Famille au Togo, la loi n° 673/84 du 17/1/1984 portant Code de la Famille pour le Congo, la loi Zatu an VII du 16 novembre 1989 portant institution et application d'un code des personnes et de la famille au Burkina Faso, la loi n°13/89 du 30 décembre 1989 portant Code Civil de la République du Gabon. * 36 Article 465 du Code burkinabé des personnes et de la famille * 37 Voir supra Première Partie, Chapitre I. * 38 Art 322 al 1 du CPF. 4 Art 414 du code civil gabonais et articles 189 et 190 du code de la famille du Sénégal
* 39 Article 534 du Code sénégalais de la famille. |
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