§-2 Les normes nationales
Le régime juridique des EIE est constitué de
normes de portée tant législative (1) que
réglementaire51 (2). Soulignons que la prise de ces normes
environnementales a une base constitutionnelle. En effet, la Constitution de la
République du Cameroun du 18 janvier 1996 en son
Préambule52 a clairement pris position en faveur des
questions environnementales telles que préconisée par la
Conférence de Rio (1992).
1. Les normes législatives
La ratification53 par le Cameroun des normes et
accords de DIE lui a permis de les intégrer au sein de la
hiérarchie des normes camerounaises.
Le seul texte législatif spécifique aux
études d'impact environnemental est la loi n° 96/12 du 05
août 1996 relative à la gestion de l'environnement et est de ce
fait la législation de base en matière des études d impact
environnemental au cameroun. A l'exception de la loi n° 94/01 portant
régime de la forêt, faune et pêche qui est antérieure
à la loi ci-dessus citée, les autres lois, s'appuyant sur cette
loi dite Loicadre, en font référence et lui sont
postérieures.
Cette loi cadre, tout en définissant la notion
d'étude d'impact environnemental54 consacre dans son titre 3,
traitant de la gestion de
47 Il s'agit de la Convention d'ESPOO de 1991.
48 A ce sujet, on peut citer le litige pendant à la CIJ
opposant l'Argentine à l'Uruguay au sujet des usines de pâte
à papier sur le fleuve Uruguay, au sujet des prétendues
violations par l'Uruguay des obligations découlant pour celui-ci du
statut du fleuve Uruguay traité entre les deux Etats en février
1975. Les audiences publiques ont eu lieu les jeudi 8 et vendredi 9 juin 2006
au Palais de la Paix à La Haye, siège de la Cour. Au cours de
celles-ci, l'Argentine a réitéré sa demande en indication
de mesures conservatoires, affirmant notamment que les usines faisaient peser
une lourde menace sur l'écosystème du fleuve Uruguay. Quant
à l'Uruguay, il a prié la Cour de rejeter la demande de
l'Argentine, soutenant que les conditions requises pour l'indication de mesures
conservatoires n'étaient pas réunies. La décision de la
Cour sera rendue dans les semaines à venir.
49 Il s'agit ici de la Banque Mondiale, de l'Union
Européenne, de la Banque Africaine de Développement, etc.
50 La B.M, par exemple distingue les catégories A, B, C, D
en fonction de leur caractère, dimension, et sensibilité par
rapport à, la question environnementale.
51Paul DASSE, «Evaluation d'impact sur
l'environnement « in Séminaire de formation aux textes juridiques
(1er atelier) sous la supervision de Pr. M.KAMTO et Pr.
Stéphane DOUMBE-BILLE, Yaoundé, Brain Trust, 2003, p.80
52«Toute personne a droit à un
environnement sain. La protection de l'environnement est un devoir pour tous.
L'Etat veille à la défense et la promotion de l'environnement.
«
53L'article 45 de la Constitution de la
République du Cameroun dispose que : «les traités ou accords
internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés
ont, dès leur publication, une autorité supérieure
à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou
traité de son application par l'autre partie.«
l'envi ronnement, un chapitre spécifique aux études
d'impact environnemental (articles 17 à 20)55.
Cette Loi-cadre sur la gestion de l'environnement institue les
études d'impact pour «tout projet d'aménagement,
d'ouvrage, d'équipement ou d'installation qui risque, en raison de sa
dimension, de sa nature ou des incidences des activités qui y sont
exercées sur le milieu naturel, de porter atteinte à
l'environnement»56. Elle est
complétée par une série de lois sectorielles ayant des
dispositions spécifiques à chaque secteur. Il s'agit57
de la :
· Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant
régime des forêts, de la faune et de la pêche ;
· Loi n° 98/005 du 04 avril 1998 portant régime
de l'eau ;
· Loi n° 98/15 du 14 juillet 1998 régissant les
établissements classés dangereux insalubre ou incommodes ;
· Loi n° 99/013 du 22 décembre 1999 portant
code pétrolier ;
· Loi n° 001 du 16 avril 2001 portant code minier ;
· Loi n° 2002/013 du 30 décembre 2002 portant
code gazier, etc.
Concernant la législation pétrolière et
minière, elles constituent de véritables innovations en
matière de protection de l'environnement. En effet, contrairement
à l'ancien texte58, le nouveau code minier est beaucoup plus
détaillé59, et statue sur des domaines
nouveaux60, ce qui n'était pas ou juste esquissé dans
l'ancienne loi61. On note ainsi des avancées significatives
sur des secteurs très divers : respect de l'environnement,
reconnaissance du statut d'artisan mineur ou incitation à
l'investissement international. La protection de l'environnement n'était
même pas évoquée dans l'ancienne loi. La nouvelle lui
consacre un chapitre particulier62. Les points principaux de ce
chapitre sont :
- l'obligation faite aux opérateurs miniers de se
conformer à la législation en matière de protection et de
gestion de l'environnement et de n'utiliser que des méthodes
adaptées pour cette protection ainsi que celles des travailleurs et des
riverains ;
- la création d'un compte de réhabilitation de
l'environnement, sorte de garantie financière pour pouvoir financer la
réhabilitation d'un site après fermeture.
54« L'examen systématique en vue de
déterminer si un projet a ou n'a pas un effet défavorable sur
l'environnement » Article 4 (o) de la loi n° 96/12 du 05 août
1996 et article 2 du décret n° 2005/0577/PM du 23 février
2005 fixant les modalités de réalisation des études
d'impact environnemental.
55Voir annexe I
56Rapport sur la pratique des EIE au Cameroun
préparé par M.TEKEU Jean-Claude pour la Commission Economique
pour l'Afrique des Nations Unies, décembre 2004.
57La liste n'est pas exhaustive.
58 Il s'agit des lois n° 64/LF/3 du 6 avril 1964 portant
régime des substances minérales de la République
fédérale du Cameroun et n° 78/24 du 29 décembre 1978
fixant l'assiette, les taux et le mode de recouvrement des droits fixes,
redevances et taxes minières.
59 Il contient 116 articles contre 47 dans l'ancienne
version.
60 Notamment sur la convention minière, l'artisanat minier
et l'environnement.
61 Il s'agit ici des carrières.
62 Voir le chapitre V du titre V, article 85 à 88.
La législation pétrolière quant à
elle, lui consacre un chapitre contenant deux articles63 en
opérant un renvoi aux décrets d'application64.
Le code gazier quant à lui ne consacre pas de
façon solennelle comme c'est le cas avec les précédents
codes la protection de l'environnement. En effet, il n'est fait mention de la
protection de l'environnement que dans un article65 du titre II qui
traite de la régulation du secteur gazier aval et renvoi dans un texte
réglementaire les modalités d'application de la dite loi.
On peut citer à titre de textes législatifs
complémentaires la loi n° 85-05 du 04 juillet 1985 portant
expropriation pour cause d'utilité publique.
Comme on le voit, de nombreuses lois ont été
adoptées dans le souci de mettre en place une politique de
développement écologiquement durable.
2- Les normes réglementaires
Elles sont pour la plupart des textes qui viennent en
application des dispositions législatives prises. On peut citer entre
autres textes :
· Décret n°99/820/PM du 9 novembre 1999
fixant les conditions d'agrément des personnes ou morales à
l'exploitation des laboratoires de contrôle de pollution ;
· Décret n°2004/320 du 8 décembre 2004
portant organisation du gouvernement ;
· Décret n° 95/531/PM du 23 août 1995
fixant les modalités d'application du régime des forêts
;
· Décret n° 95/466/PM du 2 juillet 1995 fixant
les modalités du régime de la faune et de la flore ;
· Décret n° 2005/496 du 31 décembre
2005 modifiant et complétant certaines dispositions du décret
n° 2005/117 du 14 avril 2005 portant organisation du Ministère de
l'Environnement et de la Protection de la Nature ;
· Décret n° 2005/117 du 14 avril 2005 portant
organisation du Ministère de l'Environnement et de la Protection de la
Nature ;
· Décret n° 2005/0577/PM du 23 février
2005 fixant les modalités de réalisation des études
d'impact environnemental ;
· Décret n° 2005/099 du 6 avril 2005 portant
organisation du ministère des Forêts et de la Faune ;
· Décret n° 2005/495/PM du 31
décembre 2005 modifiant certaines dispositions du décret n°
2005/099 du 6 avril 2005 portant organisation du ministère des
Forêts et de la Faune ;
· Décret n° 2002/648/PM du 26 mars 2002 fixant
les modalités d'application de la loi n° 001 du 16 avril 2001
portant code minier ;
63 Il s'agit du chapitre II, article 82 et 83.
64 Voir article 83 alinéa 3.
65 Il s'agit de l'article 6 (1) 7e tiret : la
régulation du secteur gazier aval porte notamment sur : le
contrôle de l'application de la réglementation technique de
l'hygiène de la sécurité et de la législation et
réglementation en vigueur en matière de protection de
l'environnement.
· Décret n° 2001/718/PM du 3 septembre 2001
portant organisation et fonctionnement du comité interministériel
de l'Environnement ;
· Décret n° 2000/465 du 30 juin 2000 fixant les
modalités d'application de la loi n° 99/013 du 22 décembre1
999 portant code pétrolier ;
· Arrêté n° 100/PM du 11 août 2006
portant création d'un comité interministériel de
facilitation pour l'exécution du programme sectoriel forêts/
environnement
· Arrêté n° 0070/MINEP du 22 avril
2005 fixant les différentes catégories d'opérations dont
la réalisation est soumise à une étude d'impact
environnemental ;
· Arrêté n° 0002/MINEPIA du 1er
août 2001fixant les modalités de protection des ressources
halieutiques.
Comme textes réglementaires complémentaires, on
a entre autres : l'arrêté n° 00832/4-15-1 MINUH/D.000 fixant
les bases de calcul de la valeur vénale des constructions
frappées d'expropriation pour cause d'utilité publique et
l'arrêté n° 13- MINAGRI/DAG du 19 février 1982 portant
rectificatif et additif à l'arrêté n° 58/MINAGRI du 13
août 1981 portant modifications des tarifs des indemnités à
verser aux propriétaires pour toutes destructions d'arbres
cultivés et cultures vivrières.
Concernant particulièrement le décret n°
2000/465 du 30 juin 2000 fixant les modalités d'application de la loi
n° 99/013 du 22 décembre1999 portant code pétrolier, il
vient enrichir le paysage normatif camerounais en matière de protection
de l'environnement car, non seulement il met en place un
comité66 de protection contre la contamination due aux
hydrocarbures, mais aussi, il va plus loin en précisant la notion de
substances dangereuses et le contenu de l'EIE67 concernant les
opérations pétrolières68. L'insistance
particulière sur l'étude d'impact environnemental intègre
parfaitement ce décret dans le cadre du système international de
protection de l'environnement.
Ce décret met à la charge du titulaire d'un
contrat pétrolier, un ensemble d'obligations prises en fonctions de la
réglementation en vigueur et des normes et pratiques
généralement admises dans l' industrie pétrolière
internationale69.
66 Voir notamment le chapitre II, titre X, article 62 à 66
de ce décret d'application.
67 Voir le chapitre III du titre X du même décret,
article 67 à 72
68Jean-Claude TCHEUWA, «les préoccupations
environnementales en droit positif camerounais« in Revue Juridique de
l'Environnement, 1/2006, Mars 2006, p. 32
69 Il s'agit de l'article 61 du décret n° 2000/465
du 30 juin 2000 : « Dans le cadre de la législation et de la
réglementation en vigueur et conformément aux normes et pratiques
généralement admises dans l'industrie pétrolière
internationale, le Titulaire prend les mesures nécessaires suivantes :
souscription et renouvellement des polices d'assurances couvrant les dommages
aux personnes et aux biens résultant des Opérations
Pétrolières réalisées par le Titulaire,
conformément aux dispositions du Titre XIX du présent
décret ; minimisation des dommages causés à
l'environnement sur le périmètre contractuel résultant des
Opérations Pétrolières ; mise en place d'un système
rigoureux de prévention et de contrôle de la pollution
résultant des Opérations Pétrolières, ainsi qu'un
système de prévention d'accidents et les plans d'urgence à
adopter en cas de sinistre ou de menace de sinistre présentant un danger
pour l'environnement et la sécurité des populations et des biens
; obtention des autorisations préalables requises par la
législation et la réglementation en vigueur et fourniture des
études d'impact environnemental requises, conformément aux
dispositions du Chapitre 3 du présent Titre ; traitement,
élimination et contrôle les émissions de substances
toxiques issues des Opérations Pétrolières, susceptibles
de causer des dommages aux personnes, aux biens et à l'environnement ;
installation d 'un système de collecte des déchets et de
matériel usagé issus des Opérations
Pétrolières.
|