CHAPITRE IV : APPLICATION MITIGEE DES EIE DANS
LES PROJETS DE DEVELOPPEMENT
Depuis la promulgation de la loi-cadre relative à la
gestion de l'environnement en 1996 à ce jour, plusieurs études
d'impact environnemental ont été réalisées au
Cameroun, notamment des études stratégiques relatives à
des programmes de développement sectoriel, des études relatives
à des projets. Les secteurs objet de ces études sont assez
variés, mais concernent principalement le secteur de construction et
d'entretien routier, de l'énergie, de l'exploitation forestière
et le secteur pétrolier. Comme précédemment
mentionné dans le chapitre II, les EIE réalisées depuis
1996 concernent plusieurs secteurs d'activités et leurs promoteurs se
recrutent parmi des entités privées et publiques.
Cependant, les secteur où il y a eu le plus
d'étude d'impact sont : les transports203, l'exploitation
forestière204, l'industrie pétrolière et
l'énergie205. D'autres études sont en cours de
réalisation, notamment l'étude d'impact environnemental du projet
d'extraction du cobalt-nickel à Nkamouna dans la province de l'Est,
arrondissement de Lomié par la société GEOVIC S.A., etc.
Ces projet, comme celui de Lom Pangar présentent cependant quelques
innovations dans leurs objectifs. En effet, leurs termes de
référence, outre les thèmes classiques d'une étude
d'impact environnemental206, prévoient l'étude des
thèmes novateurs. Il s'agit de l'étude portant sur les
capacités nationales pour la mise en oeuvre du plan de gestion
environnemental et sur la coordination et la participation des agences
gouvernementales, des ONG et du public pour ce qui du projet minier et de
l'étude d'un plan se suivi scientifique de l'environnement
régional pour le projet du barrage. Ces innovations à elles
seules ne suffisent pas à donner à ces EIE un caractère
exem plai re.
Le présent chapitre tentera d'examiner les
difficultés liées à la mise en oeuvre de l'ensemble de ces
études d'impact environnemental et en proposer des solutions.
SECTION I : LES DIFFICULTES DE MISE EN OEUVRE DES EIE AU
CAMEROUN
Ces difficultés sont de trois ordres, il s'agit en
premier lieu du cadre réglementaire (§- 1), de l'insuffisance
qualitative et quantitative des capacités nationales (§-2) et enfin
de la réalisation et du contrôle approximatif des EIE
(§-3).
§-1 Cadre réglementaire embryonnaire et faible
participation du public et de la société civile
Malgré les différents textes législatifs
et réglementaires existant, on peut noter que le cadre
réglementaire est encore embryonnaire (1), ajouté à cela
une participation du public et de la société civile somme toute
mitigée (2).
1. Un cadre réglementaire et institutionnel
à parfaire
Des faiblesses subsistent également au niveau de
l'évaluation et de l'approbation des études d'impact
environnemental. C'est ainsi que le Comite Interministériel de
l'Environnement dont l'avis est requis obligatoirement par la loi, est
composé des représentants des divers départements
ministériels dont leur choix n'est pas nécessairement
dicté par leur compétence, expertise ou expérience en la
matière. La lecture des comptes-rendus des séances du
Comité laissent entrevoir quelques hésitations quant à la
maîtrise de cet outil qu'est l'étude d'impact environnemental qui
par ailleurs est multidisciplinaire et complexe au plan scientifique et
technique.
De même, l'Administration en charge de l'environnement,
du fait du manque de capacités spécialisées, ne s'implique
que timidement dans le processus d'évaluation, son rôle consistant
uniquement à transmettre de façon passive à
l'autorité politique (le Ministre) l'avis du Comité
Interministériel de l'Environnement, alors qu'elle devait
éclaircir le Comité Interministériel et le cas
échéant, lui faire contre-poids.
2. Participation du public et de la
société civile insuffisante
Pour ce qui est de la participation du public, autre
élément clé de mise en oeuvre réussie des
études d'impact environnemental, elle demeure très
limitée. C'est ainsi qu'il est à noter qu'en dehors du projet
Pipeline Tchad-Cameroun, où le public a été largement
impliqué207, pendant les phases de réalisation et
d'évaluation - approbation de l'étude, l'implication du public
demeure limitée à la consultation des populations riveraines au
projet lors de l'exécution des études d'impact environnemental.
Le plan de gestion des impacts de certaines études inclut pourtant
l'éducation et la sensibilisation des populations en matière des
maladies sexuellement transmissibles et le HIV/SIDA, de protection des sols, du
code de la route. Mais cette tendance est malheureusement limitée
à quelques projets du secteur routier en milieu rural. Il n'existe donc
pas de véritables stratégies, plans ou programmes visant à
sensibiliser le public, sur l'importance des études d'impact
environnemental et sur sa participation. Et comme le soulignait fort
opportunément l'ONG Global Village lors du cinquième anniversaire
de la Commission Mondiale des Barrages208 aux autorités
camerounaise209, les populations locales et les ONG
impliquées doivent être informées et consultées. Le
consentement des populations affectées par la construction du barrage et
des ONG doit être libre. Ces dernières
207 Y ont pris part les ONG, la société civile et
les populations riveraines.
208 Cet anniversaire a eu lieu le 15 novembre 2005.
209 Elle s'adressait au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et
au Ministre de l'Environnement et de la Protection de la Nature sur les
préalables pour la recevabilité des EIE du projet de barrage
réservoir de Lom Pangar.
doivent être préalablement informées des
documents de l'EIE. Le consentement libre et préalable suppose qu'un
temps suffisant soit alloué à toutes les parties prenantes pour
évaluer, consulter et participer au projet.
Selon les directives de la CMB, un consentement informé
créé comme obligation à l'Etat et au promoteur du projet
la définition des critères d'accès du public à
l'information, d'organisation des réunions et de traduction des
documents majeurs210 en des langues que les populations locales
comprennent. Les populations doivent être éduquées par
rapport aux recommandations de la CMB. L'accès à l'information et
à un soutien juridique est assuré à tous les groupes
concernés, notamment aux populations autochtones, aux femmes et autres
groupes vulnérables, afin de favoriser leur participation
éclairée aux processus décisionnels. Une adhésion
démontrable du public à toutes les décisions clé
est obtenue à travers les accords négociés dans le cadre
d'un processus ouvert et transparent, mené de bonne foi avec tous les
groupes concernés.
Mais on constate que ce critère basé sur
l'information et la consultation des ONG et de la société civile
est bafoué la plupart du temps par le promoteur. Ce fut le cas dans le
projet de Lom Pangar où de nombreuses ONG211 se sont plaintes
de n'avoir pas reçu les documents y relatifs212.
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