L'objectif principal de notre étude est de
déterminer l'apport des EIE dans la mise en oeuvre des projets de
développement au Cameroun. Cet objectif principal passe par la
réalisation des objectifs spécifiques ci-après :
Malgré la prise de conscience de la communauté
internationale de l'impact environnemental des projets de développement
sur la nature, peu d'études en la matière ont été
réalisées. Celles existantes sont pour la plupart issues soit
des
14 Définition tirée du Petit Larousse
Illustré, 1994
mémoires des étudiants sur la
matière15, soit font partie intégrante des ouvrages
publiés16.
Les thèses de mémoire soutenues par les
différents étudiants de 3e cycle de
l'université de Limoges avaient une connotation soit nationale, soit
internationale. Les uns se sont bornés à orienter leur
étude sur un projet de développement17 tandis que
d'autres ont plutôt étendus leur recherche à la perception
de cette notion en Afrique Centrale, sans toutefois procéder à
une étude critique de l'EIE dans ces pays.
En ce qui concerne l'ouvrage de M. KAMTO, les EIE y sont
traités de façon générale. En effet, cet ouvrage ne
se borne qu'à définir cette nouvelle approche environnementale.
Il mentionne son champ d'application, son élaboration, son contenu, la
procédure de son contrôle et enfin dégage ses effets.
Analysant le
concept d `étude d'impact, M. KAMTO18,
pense que « l'étude d'impact est assurément l'institution la
plus spécifique et sans doute aussi la plus originale du droit de
l'environnement »19. Dans un premier temps, il
définit l'impact environnemental comme étant une procédure
d `évaluation d'un projet ou d'une activité. Une telle
évaluation pouvant avoir lieu avant ou après la
réalisation de l'ouvrage ou l'exécution de l'activité. Il
poursuit en disant que seule l'évaluation à priori correspond
à une démarche environnementale conséquente car d'une
part, elle correspond à la mise en oeuvre du principe fondamental de
prévention ; d'autre part, elle traduit aujourd'hui l'intégration
dans la politique environnementale de l'idée très actuelle de
développement durable. Au contraire, une évaluation à
posteriori de l'impact environnemental paraît inefficiente parce que
probablement tardive ; elle peut au mieux, révéler les dommages
causés par l'ouvrage ou les travaux réalisés, et cette
révélation ne peut être que de peu de secours lorsque les
dommages causés sont irréversibles ou irréparables.
L'ouvrage de J-M. LAVIEILLE, traite des aspects du Droit
International de l'Environnement : sa genèse, sa mise en oeuvre et son
originalité. Il ne fait pas allusion d'une façon expresse
à l'étude d'impact environnemental.
Quant à l'ouvrage de M. PRIEUR, il traite du Droit de
l'Environnement et ne se borne qu'à une série
d'énumération des types d'impacts environnementaux20
et définit le concept d'EIE, son champ d'application, son contenu ainsi
que son élaboration.
M. DENOIX de SAINT- MARC pour sa part définit
l'étude d'impact comme « l'étude à laquelle il doit
être procédé avant d'entreprendre certains projets
15Peguy HOUDJEU NJEUNGA, L 'étude
d'impact environnemental et son application en Afrique Centrale,
mémoire de Droit International et Comparé de
l'Environnement, Cameroun ; MAKONGO ESSAKA DEIDO
Patrick,l'étude d'impact et le Droit International de
l'Environnement, mémoire de Droit International et Comparé
de l'Environnement, Cameroun ; lSOH Rodolphe, la prise en compte de
l'environnement dans les projets de développement : le cas du Pipeline
Tchad Cameroun, mémoire de Droit International et Comparé de
l'Environnement, Cameroun.
16M. KAMTO, `Droit de l
'Environnement en Afrique', EDICEF, 1996, pp.95-102 ; J-M. LAVIEILLE,
`Droit International de l'Environnement', 2e édition
mise à jour, Ellipses, le Droit en question, 2004, 193 pages ; M.
Prieur, `Droit de l'Environnement', 5e édition,
Dalloz, 2004, pp.71-100 ; 396 ; 401.
17 Sur le pipeline Tchad Cameroun par exemple.
18Idem
19Ibid p.95
20 Il s'agit notamment des mini notices ou des notices d'impacts
environnementaux.
d'ouvrages ou d'aménagements, publics ou privés,
dans le but d'apprécier l'incidence de ces derniers sur l'environnement
».21
Comme on peut le constater, que l'on soit dans l'un ou
l'autre ouvrage, il n'est fait nul part allusion de façon
spécifique aux EIE. En effet, ils ont tous un caractère
général et de ce fait, ne s'attardent pas sur une étude
d'impact environnemental d'un quelconque pays donné ou une étude
comparée. Cependant, une contribution importante est fournie par les
publications des organisations internationales financières22,
principaux bailleurs de fonds des pays en voie de développement en
général et du Cameroun en particulier. Mais même ici, il ne
s'agit que des procédures et directives prescrites lors de la
réalisation des EIE des projets auxquels ils sont associés.
.
Pour comprendre comment l'étude d'impact
environnemental s'est développée au Cameroun, M. KAMTO parle d'un
droit camerounais de l'environnement se révélant par son
côté étonnamment vivant. Pourtant, l'éveil aux
préoccupations environnementales est assez récent, comme le
montre la rareté, voire la carence des politiques en cette
matière. Cette prise de conscience est, en tout cas, postérieure
à la conférence de Stockholm de 1972 et à la
création du Programme des Nations Unies pour l'Environnement. Le premier
séminaire national sur l'environnement au Cameroun date de 1983. Mais
l'apparition de cette notion dans le discours politique n'est pas très
ancienne. La prise en charge institutionnelle du problème s'est faite
par tâtonnements et à coups, suivant la perception par les
pouvoirs publics des enjeux en cause. Et la solution institutionnelle d'alors
conciliait la gestion diffuse et éclatée dans plusieurs
départements ministériels avec un ministère de
l'Environnement et des Forêts dans un premier temps, et sa scission dans
un deuxième temps en un Ministère de l'Environnement et de la
Protection de la Nature23 et un autre en un Ministère des
Forêts et de la Faune dont il n'est pas douteux que la création
ait été déterminée par les perspectives de
l'après Rio 92 et de traduire dans les faits sa volonté de
préserver l'environnement. L'objectif visé ici est de faire de la
protection de l'environnement une des priorités de l'Etat.
S'agissant des textes juridiques touchant directement ou
indirectement à la protection de l'environnement, les premiers
apparaissent dès la période coloniale. Il faut y voir, au plan du
droit interne, le souci de la puissance coloniale de transporter ou
d'étendre aux territoires d'Outre-Mer dont elle assure l'administration,
certains textes touchant notamment à l'hygiène et à la
salubrité publiques. Il en est ainsi précisément de
l'arrêté du 1er Octobre 193724 fixant, en
cette matière, les règles à appliquer dans le territoire
du Cameroun sous mandat. Certaines dispositions de ce texte sont encore
applicables aujourd'hui.
En l'absence d'une véritable politique globale de
l'environnement au Cameroun, a prévalu l'ébauche progressive des
politiques sectorielles se traduisant, au plan normatif, par l'adoption d'un
ensemble de textes législatifs et réglementaires épars,
tendant du reste à privilégier l'exploitation à la
protection. Ce qu'il convient d'appeler le Droit Camerounais de l'Environnement
se caractérise en effet par un
21M. Denoix de Saint-Marc, « le
rapport d'impact sur l'environnement », R.J.E., 1976, n°3-4 p.250.
22 Il s'agit notamment du Fonds Monétaire International,
de la Banque Mondiale, de la Société Financière
Internationale, etc.
23 Décret n° 2004/320 du 08 décembre 2004
portant organisation du Gouvernement de la République du Cameroun
24Journal Officiel du Cameroun, 1937, P. 860 et s.
éparpillement normatif25 tenant non seulement
à sa fragmentation sectorielle, mais aussi, sur un plan
général, au pluralisme du système juridique
camerounais26.
Ce dernier trait s'illustre par la coexistence des normes
traditionnelles, en général de caractère coutumier, et des
normes dites de droit moderne, notamment en matière de statut foncier,
de la gestion des forêts, de l'exploitation des ressources fauniques, de
l'utilisation des ressources en eau, etc. En plus des aspects, divers autres
secteurs font actuellement l'objet d'une réglementation de
caractère environnemental. C'est le cas de la pêche, de la
pollution et autres formes de nuisance, des activités industrielles et
commerciales, des déchets dangereux, du milieu de travail, de
l'environnement urbain...
Il est indéniable que le droit de l'environnement
camerounais ne peut rester un droit émietté. Autrement, il
s'exposerait à des incohérences et perdrait assurément son
efficacité. Une adaptation des textes à l'évolution
actuelle est donc nécessaire. Il est sans doute temps, en effet, de
fondre les textes existants en un véritable Code Camerounais de
l'Environnement qui ferait le "toilettage" des textes anciens en
élaguant les dispositions désuètes, en supprimant les
chevauchements et les contradictions, et apporte des réponses juridiques
aux problèmes nouveaux en comblant les lacunes des textes anciens et en
formulant de nouvelles règles de droit. Un tel Code devrait reposer sur
une loi-cadre27 qui fixe les principes fondamentaux dans les divers
aspects du Droit International de l'Environnement.