7.2. Programmation et annonceurs
La programmation télévisuelle poursuit
également un autre but : proposer les meilleurs créneaux aux
annonceurs. En effet, chaque chaîne tente d'élaborer des
programmes capables de satisfaire à la fois leur clientèle et
leurs prescripteurs. Il s'agit des annonceurs pour les chaînes
commerciales et d'une combinaison subtile entre les annonceurs et les pouvoirs
publics dans le cas des chaînes d'État.
Dans cette optique, la logique de programmation des chaînes
généralistes vise à rejoindre les audiences les plus
massives pour atteindre certains objectifs, ceux des annonceurs. Ainsi, l'une
des cibles les plus recherchées demeure la
« Ménagère de moins de 50 ans » qui
représente une minorité des téléspectateurs mais
que 70 % des annonceurs veulent séduire parce qu'elle influe directement
sur les achats du ménage. Il est évident que cette volonté
aura des répercussions sur le choix de programmes et leur
ordonnancement, ce qui permet de mieux saisir l'expression « la dictature
des ménagères».
La télévision généraliste à
finalité commerciale présente donc un biais dans sa programmation
dite tout public puisqu'une hiérarchie s'est établie en fonction
de la valeur relative de la cible.
7.3. La programmation télévisuelle : une
arme stratégique dans la guerre des chaînes
La situation n'est pas vraiment différente en ce qui
concerne les chaînes publiques. La publicité à la
télévision publique et celle sur les chaînes privées
a fait glisser leur logique de programmation vers une approche nettement
commerciale des publics.
* Programmation et marketing
Si la télévision de l'offre fonctionne de haut
en bas, selon un système pyramidal, la télévision de la
demande s'articule sur le schéma inverse, de la base vers le haut. Il ne
s'agit plus alors de seulement contenter son public, mais de l'analyser
finement afin qu'il s'accroisse. La télévision étant
devenue une véritable entreprise de communication tributaire du
marché, il s'agit avant tout de séduire le public, de le
fidéliser comme un consommateur. Il est donc nécessaire de
connaître et d'analyser les comportements de l'audience. À cette
fin, on passe au crible les goûts, les modes de vie et les attentes des
téléspectateurs. Ceux-ci sont ensuite rassemblés selon des
groupes cibles plus ou moins intéressants pour les annonceurs.
C'est à ce moment que le marketing entre en jeu.
Le marketing des programmes et de la programmation s'est
très longtemps satisfait d'études de nature quantitative.
L'industrie de la télévision, financée majoritairement par
des ressources publicitaires, a développé un marketing
réactif reposant sur un arsenal d'outils quantitatifs précis et
sophistiqués qui mesurent avec précision l'audience des
écrans publicitaires et des programmes. Cette estimation de la
performance permet entre autres d'adopter une attitude réactive :
changement de programmation, réajustement de la géométrie
des grilles et des contenus.
Pour aller au-delà des indications données par
les chiffres d'audience, ceux-ci sont couplés avec des analyses
qualitatives afin de savoir quels genres de personnes regardent la
télévision à tel moment et d'apprécier les logiques
d'enchaînement des programmes et les parcours des publics. La
programmation peut ainsi s'appuyer notamment sur des données d'audience
et des études sociologiques, par exemple sur l'utilisation des temps de
loisir, la présence des individus à leur domicile ou le temps
d'écoute. La très grande majorité des études aussi
bien quantitatives que qualitatives reposent sur l'exploitation du
Médiamat et du système Viewtime [14] .
Parmi les méthodes qualitatives, les groupes projectifs
sont privilégiés. Ces derniers permettent de connaître
l'évolution des opinions et d'explorer de façon assez profonde
les mécanismes de production des opinions ainsi que les attitudes et les
comportements des téléspectateurs. Avant de lancer une
émission, les chaînes réalisent des études de
marché et des tests d'émissions.
Un échantillon de téléspectateurs
visionne une émission, le but n'est pas de savoir combien de personnes
ont aimé ou non le programme proposé, mais de remonter un certain
nombre d'axes, de pistes pour optimiser l'émission. Plus rarement, on
ajoute à cette technique de groupe des entretiens individuels.
D'une part, les professionnels préfèrent les
dynamiques de groupe qui se révèlent plus riches en information,
d'autre part, le délai entre le moment où la chaîne obtient
le pilote et sa diffusion a tendance à se raccourcir.
Deux autres types d'études qualitatives sont
également utilisés, les études sémiologiques et
l'approche par sociostyles.
Les premières permettent de bien comprendre, sur le
plan esthétique et sur le plan des mécanismes narratifs, la
manière dont est reçu ou compris un programme. Ainsi, la
sémiologie étudie, à partir du programme lui-même et
de la manière dont il est réalisé, les effets de sens
qu'il produit de façon implicite et explicite. Cette méthode
apporte des informations précieuses sur le sens produit par les
programmes et sur les manières dont ce sens est susceptible d'être
décodé.
Enfin, l'approche par socio-styles dresse une typologie des
publics définie à partir du regroupement de traits de
caractère communs. Cela permet de tracer des profils qualitatifs
d'audience très proches des modes de vie des publics et ainsi de mieux
savoir quels produits leur proposer.
Les programmateurs disposent aussi d'autres sources de
renseignements dont les abonnements aux organismes d'étude de
l'audience.
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